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Les adieux de Proudhon






« M. Renan a prouvé par son livre qu'il n'a rien compris à la mission de Jésus ; il n'a même pas en lui ce qu'il faut pour en sentir l'esprit. Il n'a ni le sens religieux, ni le sens moral nécessaire. S'il a cru jamais à la religion, c'est à la manière des enfants qui croient sur parole, non comme les personnes raisonnables et vraiment pieuses, qui croient à la fois par le cour et par la raison '. » Ce jugement sévère n'est pas émis par un évêque en exercice ; on l'a trouvé dans les nombreux manuscrits inédits que Proudhon laisse derrière lui en mourant, le 19 janvier 1865.

On peut s'étonner que ces reproches aient été formulés par un réformateur social réputé antithéiste (« Dieu, c'est le mal ! »). Lorsque Proudhon est reçu le 8 janvier 1847 par la loge maçonnique de Besançon, ne proclame-t-il pas : «justice à tous les hommes, et guerre à Dieu, c'est-à-dire à l'absolu » ? Oui, mais le même affirme en 1848 : « Il n'y a qu'un Christ qui est Dieu. » Proudhon est l'homme de toutes les contradictions. Pour un peu, il s'en flatterait : « Les termes antinomiques ne se résolvent pas plus que les pôles opposés d'une pile électrique ne se détruisent ; ils ne sont pas seulement indestructibles, ils sont la cause génératrice du mouvement, de la vie, du progrès ; le progrès insiste à trouver, non leur fusion qui serait la mort, mais leur équilibre, équilibre sans cesse instable, variable selon les développements mêmes des sociétés. »





La pensée de Proudhon est complexe comme la vie. Cela lui vaut de n'être pas compris par ceux qui attendent du philosophe une leçon claire. Sans doute est-il capable de formules abruples, telle : « La propriété, c'est le vol », et combien d'autres. Mais ce sont des figures de rhétorique, de polémique. Il est à la fois contre la propriété - celle qui permet l'exploitation de l'homme - et favorable à la propriété - celle qui permet sa liberté, son autonomie. Pareillement, il est athée car Dieu (dans ses représentationS) est le principe d'autorité et d'aliénation ; mais il combat l'athéisme, source d'immoralité.

Proudhon est un lecteur de la Bible, il a lu la Vulgate, il a appris l'hébreu. La personne Jésus ne peut lui être indifférente ; elle est au cour du socialisme français de 1848. Le Christ est alors « le grand prolétaire de Nazareth », « le grand apôtre du socialisme » ou « le père du socialisme ». Le pape Pie IX n'avait-il pas dû, de son exil de Gaète, victime lui-même d'un mouvement révolutionnaire, mettre en garde contre « les chefs des communistes et des socialistes » qui ne craignent pas, pour entraîner les peuples, d'abuser des paroles du saint Évangile ?

Proudhon, cependant, n'avait pas participé à ce socialisme plus ou moins christique. Il n'est pourtant pas l'athée pur et simple pour qui il passe : il ne cesse d'être préoccupé par la question religieuse. Lui arrive-t-il d'écrire : « Le Christianisme est mort », dans son Journal, c'est pour ajouter un peu plus loin cette pointe de nostalgie : « Aujourd'hui personne ne comprend mot de ce qui se fait : plus de foi, plus de piété, plus d'enthousiasme » (13 avril 1857). Avec les autres réformateurs sociaux, il est convaincu d'une nécessité : la Révolution doit reconstruire la société « au complet » - non seulement son économie, sa politique, mais encore sa poétique, son esthétique, sa morale... Il faut à la société future un nouveau Credo. Face à celui de l'Église, affirmer celui de la Révolution. Il s'y emploie dans l'ouvrage majeur, mis en vente en avril 1858, De la justice dans la Révolution et dans l'Église. La vente du livre part bien, mais, six jours après son lancement, c'est la justice impériale qui frappe : il est saisi.

Cet «abominable pamphlet», selon L'Ami de la religion, traite des deux façons antagoniques de concevoir la Justice : celle de l'Église et celle de la Révolution. L'une et l'autre ont en commun d'offrir le partage d'une direction spirituelle à la société, des principes sur lesquels une société peut vivre. Le premier système - celui de l'Église - est celui de la transcendance, « le plus ancien en date, celui qui rallie encore la masse des populations du globe, bien qu'il perde chaque jour du terrain chez les nations civilisées » : il organise la subordination externe de l'homme. Le second système, radicalement opposé, est celui de Y immanence, fondé sur l'innéité de la Justice dans l'individu et dans la société : son médiateur est la Révolution. Dans un cas, l'ordre qui régit les groupes humains est divin, autoritaire, hiérarchique et immuable (il n'accorde aucun crédit au progrès de l'humanité) : l'obéissance en est la règle. La théologie du péché originel, chère aux catholiques, interdit le progrès social. Au contraire, la Révolution place le salut de l'homme et de la société dans la « simple conversion de la réciprocité de service ou droit réel ». Autrement dit, c'est l'égalité et la réciprocité des échanges, base du droit et du progrès, qui assureront la justice.

Malgré la saisie du 28 avril 1858, 6 000 exemplaires sur un tirage de 6 500 ont pu être vendus. On s'arrache sur les boulevards, au marché noir, ceux qui ont pu être sauvés : Proudhon est devenu un écrivain qui compte. Le 6 mai, poursuivi, il subit un interrogatoire de deux heures chez le juge d'instruction ; le 2 juin, il est jugé et condamné à 3 ans de prison, à 4 000 francs d'amende et à la mise au pilon de son ouvrage, tandis que le libraire Garnier et les imprimeurs écopent, eux aussi, de diverses peines de prison et d'amendes. Décidé à se défendre, ne pouvant pas publier en France sa réplique, Proudhon choisit l'exil et gagne Bruxelles le 17 juillet 1858.



Quand, cinq ans plus tard, de nouveau en France, il prend connaissance de la Vie de Jésus de Renan, Proudhon est loin d'en avoir fini avec le Ciel. Il éprouve d'abord du dépit, car lui-même, depuis de longues années, accumule les notes et les réflexions sur les origines du christianisme. Sans doute il se félicite que Renan ait fait avancer l'idée d'un Christ « pur homme, personnage réel, humain, historique » : autant d'acquis. Mais Proudhon ne supporte pas que le Christ de Renan ait été peint sous les traits de Renan lui-même, un « idéaliste », un « mystique », un « dilettante », au lieu d'être présenté comme « un moraliste », un « réformateur social », le sauveur de la civilisation, « le vrai chef et modèle de toute révolution», bref un «authentique justicier3». Lui, Proudhon, va faire découvrir le vrai Jésus, et n'hésitera pas à montrer le christianisme comme « le plus grand fait de l'histoire universelle ». Inachevé, posthume, son étude sur Jésus et les origines du christianisme ne paraîtra qu'en 1896. On ne trouve dans cet ouvrage antirenanien aucune adhésion au surnaturel, mais l'hommage à une « personnalité sans égale » ; reste le « problème de Dieu », escamoté selon lui par Renan, cette « foi universelle en la divinité », sur laquelle la raison bute.



Sa Justice, qui lui a valu sa condamnation, n'a pas plu à tous ses adeptes. Une de ses parties notamment les indispose : celle qui concerne la question des femmes. Un lourd chapitre dans l'ouvre de Proudhon, et qui pèse toujours sur sa réputation. Les Xe et XIe Études, « Amour et mariage », ont une origine quasi anecdotique, même si, depuis longtemps, Proudhon avait son siège fait en la matière. Mari fidèle, père de famille aimant, il professe de longue date la rigueur morale en matière de sexe. Mais qu'était-il besoin de s'en expliquer, de théoriser de nouveau ses partis pris là-dessus ? Le point de départ en est la lettre que lui adresse une inconnue, Delphine Saint-Aignan, ancienne actrice et écuyère à l'Hippodrome. A vingt-huit ans, lassée par une vie dissolue, retirée dans une maison de Choisy-le-Roi, en quête d'un directeur de conscience laïque, elle écrit à Proudhon, en juillet 1856, après avoir lu ses Confessions d'un révolutionnaire, pour lui demander conseil. Lui, se méfie d'abord, mais, entraîné par sa tendance à la prédication, il lui tourne une aimable lettre en forme de cours de morale, où les deux mots principaux sont « chasteté » et « mortification ». L'écuyère, reconnaissante, reprend la plume ; une correspondance s'engage. Quelques semaines plus tard, Proudhon découvre, effaré, que sa première réponse a été rendue publique par la Gazette de Paris. Venant d'un révolutionnaire censé chambouler tout, à commencer par la propriété, la lettre de Proudhon fait sensation. Le Siècle et L'Estafette la reprennent. Mieux : elle est traduite dans plusieurs journaux étrangers, jusqu'en Amérique du Sud ! Après un long silence, l'écuyère s'explique : non, elle n'a pas trahi Proudhon, elle a été victime de l'indélicatesse d'un de ses voisins, à qui elle avait donné à lire cette première lettre. En février 1857, Delphine Saint-Aignan invite M. et Mme Proudhon et leurs enfants à dîner, pour se faire pardonner. Proudhon ne donne pas suite. La dame a le dernier mot : « Vous êtes l'écrivain que j'admire le plus, mais vous avez le tort de vivre trop à l'écart, d'être un peu trop ours. Pardonnez-moi ce mot, mais j'ai bien un peu le droit de vous parler sévèrement puisque vous m'avez fait manger hier un dîner réchauffé. »



L'affaire n'est pas close pour autant, car la lettre à l'écuyère publiée par indiscrétion réveille l'intérêt sur la manière dont Proudhon traite la question des femmes, à une époque où le féminisme français, loin d'être enterré par l'échec de 1848, reprend de plus belle. Justement, c'est une féministe, Jenny d'Héricourt, une quinquagénaire franc-comtoise, avertie des écrits de son compatriote, de ses préventions, de son hostilité « aux rêveries d'émancipation de la femme », qui le somme, le 8 octobre 1856, de préciser sa position. Proudhon lui explique en substance qu'il révoque en doute une « justice spéciale » pour la femme, « comme si son premier ennemi et tyran était l'homme », et il doute de surcroît que « la justice la plus rigoureuse puisse jamais faire d'elle 1'égale de l'homme ». Jenny d'Héricourt engage alors la polémique avec Proudhon, dans la Revue philosophique et religieuse, dont elle est une collaboratrice, en évoquant « la musulmane inclination de M. Proudhon ». C'est cette polémique qui amène celui-ci à s'exprimer à fond sur la question des femmes dans deux études de son livre De la justice. En un mot comme en mille il y expose sa misogynie, de manière plus feutrée que dans sa correspondance ou dans ses Carnets (où il désigne George Sand notamment comme « une bête venimeuse, une vipère, cent fois plus exécrable que le marquis de Sade5 »), mais néanmoins bien affirmée. A vrai dire, la femme, pour lui, est inséparable du couple : la personne humaine est formée de l'union de l'homme et de la femme, le « vrai sujet humain » est androgyne. Mais, écrit-il, « l'androgyne n'existerait pas si les deux personnes étaient égales en tout, et si elles ne se distinguaient pas chacune par des qualités spéciales dont l'engrenage constitue précisément l'organisme ». L'élément masculin reste supérieur, et ne parlons pas de la femme hors du couple : le complément de l'homme qui ne complète rien, la femme livrée à elle-même n'est pas grand-chose. D'où la formule restée célèbre : « Courtisane ou ménagère (ménagère, dis-je, et non pas servantE), je n'y vois pas de milieu6. » Miracle du mariage : l'épouse et mère parvient à une certaine égalité avec l'homme : « Au point de vue de la dignité et de la félicité, dans le secret de la chambre nuptiale et dans leur for intérieur, oui, ils sont égaux. » Qu'on ne s'y trompe pas, la fonction de la femme reste évidente : le soin du ménage, l'éducation des enfants, le service de la charité publique. La chasteté est sa plus grande vertu, elle ne doit éprouver d'« émotion amoureuse » pour personne, même pas pour son mari. Le tout au nom des principes les plus sacrés : « Tout attentat au mariage et à la famille est une profanation de la Justice, une trahison envers le peuple et la liberté, une insulte à la Révolution. » Pour son bonheur et la validité de ses conceptions, Proudhon a su épouser Euphra-sie Piégard, ouvrière douce et soumise, qui lui donne deux filles chéries, Catherine et Stéphanie : « Ma fille aînée est une enfant de petit bois, nerveux et lymphatique, grimacière, espiègle, etc. La deuxième est grasse, sanguine, membrue7. »



Ces idées et l'exaltation de son propre exemple, reprises et mises en forme dans la Justice, ne peuvent, on l'imagine, qu'indigner jusqu'aux plus chauds partisans de Proudhon, tel Herzen qui considérait encore Proudhon peu auparavant comme « le seul homme libre qu'il y eût en France » : il est consterné par l'austérité de la morale « rétrograde » de Proudhon, au moment même où celui-ci est condamné à trois ans de prison. Malgré sa fidélité profonde au modèle patriarcal, à cette rupture qu'il opère entre socialisme et féminisme, le Bisontin farouche reste en effet un ennemi de la société bourgeoise, comme ses derniers écrits vont le démontrer.

La question qui se pose à son sujet, au moment où Proudhon meurt, en 1865, est moins d'ordre métaphysique (Jésus et la religioN), ou anthropologique (la question des femmeS), que d'ordre politique. Pour commencer, il y a une accusation à laquelle il a donné prise : celle de ses rapports avec Napoléon III. Rappelons d'abord que Proudhon a déjà, sous la Seconde République, été arrête et condamné à trois ans d'emprisonnement pour ses attaques contre le prince-président. Et c'est de juin 1849 à juin 1852, entre les murs de Sainte-Pélagie, qu'il écrit notamment Vidée générale de la Révolution au xix' siècle, où il préconise une alliance du prolétariat et des classes moyennes, en continuant d'affirmer l'idéal de l'« an-archie » contre le communisme ou gouvernementalisme. Dans cet ouvrage, Proudhon reprend et explique la conception anarchiste qu'il a exposée dans sa polémique contre Pierre Leroux et Louis Blanc, entre novembre 1849 et janvier 1850 : « L'Etat est la constitution extérieure de la puissance sociale. Par cette constitution extérieure de sa puissance et souveraineté, le peuple ne se gouverne pas lui-même : c'est tantôt un individu, tantôt plusieurs, qui, à titre électif ou héréditaire, sont chargés de gouverner, de gérer ses affaires, de traiter et compromettre en son nom, en un mot de faire tous actes de père de famille, tuteur, gérant ou mandataire, nanti de procuration générale, absolue et irrévocable. » Contre cette perpétuelle mise en tutelle, « nous affirmons, au contraire, que le peuple, que la société, que la masse, peut et doit se gouverner elle-même, penser, agir, se lever et s'arrêter comme un homme, se manifester enfin dans son individualité physique, intellectuelle et morale, sans le secours de tous ces truchements qui jadis furent des despotes, qui maintenant sont des aristocrates, qui de temps à autre ont été de prétendus délégués, complaisants ou serviteurs de la foule, et que nous nommons purement et simplement agitateurs du peuple, démagogues. En deux mots : Nous nions le gouvernement et l'Etat parce que nous affirmons, ce à quoi les fondateurs d'Etats n'ont jamais cru, la personnalité et l'autonomie des masses ».



Comment remplacer la notion de gouvernement ? Proudhon de répondre : il faut « rebâtir l'édifice sur l'idée humaine de contrat... ». Nous touchons là au cour de la pensée de Prouhon, la revendication d'un socialisme « par le bas », par les masses, contre un socialisme d'Etat. Il en a déjà exprimé le principe dans ses Confessions d'un révolutionnaire, en 1848 : « La Révolution par en haut, c'est inévitablement la révolution du bon plaisir du prince, par l'arbitraire d'un ministre, par les tâtonnements d'une assemblée, par la violence d'un club ; c'est la révolution par la dictature et le despotisme [...] Ainsi la veulent les blancs, les bleus, les rouges, tous sur ce point sont d'accord. La révolution par l'initiative des masses, c'est la révolution par le concert des citoyens, par l'expérience des travailleurs, par le progrès et la diffusion des lumières, la révolution par la liberté, [...] la révolution par en bas, la vraie démocratie... » Dans cette société sans autorité, les liens entre chacun et tous, entre tous et chacun se noueront par contrats librement consentis : ce sera le « mutuellisme ».



Ces principes, fondateurs de l'« anarchie positive », que Proudhon ne cessera d'approfondir jusqu'à sa mort, cadrent assez mal avec un ralliement supposé au coup d'État. Le 2 décembre, il obtient un droit de sortie réglementaire de sa prison (ce droit de sortie qui lui a permis de se marier en décembre 1849). Les témoins qui le rencontrent le voient dépourvu de toute indulgence envers Louis Bonaparte (« un coquin », « un brigand », « un usurpateur ») et de toute illusion sur la résistance à opposer aux canons quand le peuple refuse d'y participer9. Ses Carnets sont remplis d'imprécations : « Un infâme aventurier, élu par une illusion populaire pour présider aux destinées de la République, profite de nos discordes civiles. Il ose, le couteau sur la gorge, nous demander la tyrannie. Paris ressemble en ce moment à une femme, attachée, bâillonnée, violée par un brigand » (4 décembrE). Mais Proudhon se rend à l'évidence : « Tandis que les bourgeois laissaient faire et passer, les ouvriers applaudissaient, défaisaient les barricades, éclairaient les troupes. Nous verrons les paysans voter avec un surcroît d'enthousiasme... » (6 décembrE). Le peuple, les faubourgs, les masses, sont restés indifférents : cette République conservatrice, cette Assemblée réactionnaire, le souvenir des journées de Juin... Proudhon, réaliste, s'efforce de comprendre. Dans une lettre à Michelet du 19 février 1852, il se montre résigné : « Tout bien pesé, ce qui est arrivé devait logiquement arriver et notre pays avait besoin de cette secousse, de cette leçon. Les peuples ne s'instruisent pas autrement. »

Michelet, sur le coup, ne réagit pas. A cette époque, il est davantage surpris, voire indigné, par l'attitude de George Sand, comme il le confie à son Journal : « Mme Sand ne cachait pas qu'entre les vainqueurs et les vaincus du jour, elle sentait peu la différence, les uns et les autres disant : La fin justifie les moyens. Et la justice, Madame ? N'est-ce rien entre les deux campsl0 ? » Mais, quand, Proudhon libéré de prison, Michelet reçoit de lui son ouvrage paru en juillet 1852, La Révolution sociale démontrée par le coup d'État du 2 décembre, il fulmine : « Ce ton folâtre de Proudhon, dans un enterrement de gens assassinés, me ferait presque pleurer, si j'en étais capable, écrit-il à Eugène Noël. Croyez bien qu'on ne fonde rien, qu'on ne raffermit rien, qu'on ne commence rien par ces pantalonnades équivoques, qui présupposent un compromis. »

Proudhon s'est exercé au machiavélisme ou, si l'on préfère, à la politique du pire. Il n'attend rien de Louis Napoléon, sinon justement son échec gouvernemental. « Nous sommes livrés à des ruffians, des voleurs, des maquereaux, des filles publiques [...] L.B. nous jette aux gémonies ; il ment, il est parjure à toutes ses paroles ; jamais tyran plus lâche, plus dissimulé, plus indigne, plus ignoble » (27-28 févrieR). Il ne justifie en rien le coup d'État, mais, celui-ci accompli, il veut en déduire les leçons et les conséquences du point de vue de la révolution sociale. C'est de l'expérience du 2 Décembre qu'il faut « tirer les moyens et les gages d'une révolution sûre d'elle-même ». Il a des paroles désabusées sur le peuple, les masses, les hommes («je n'ai cessé de combattre les inclinations dictatoriales du peuple »), il réitère son hostilité à l'Église («je défends au prêtre de porter la main sur mes enfants ; sinon, je tuerais le prêtre"... »), mais il croit toujours en la « nécessité des choses », qu'il oppose à « la politique des hommes » : la révolution se fera, c'est écrit ! Mensonge, terreur, corruption, « voilà la triade bonapartiste », oui, mais, à son insu, Louis Bonaparte « fonctionne pour la Révolution », cet avènement de l'anarchie auquel il aspire. Après l'horreur provoquée sur lui par le coup d'État, la dialectique optimiste de Proudhon a repris ses droits. Gageons que dans son attitude équivoque entre une bonne part d'hostilité aux autres socialistes, aux « démocs-socs », aux montagnards : leur défaite n'est pas pour lui déplaire.

Proudhon est, par ses mours et sa morale, un homme de l'ancienne France - ce qui autorisera quelques récupérations posthumes de son nom par les courants traditionalistesl2. Pourtant, c'est bien l'idée de la révolution qui l'anime. Non le chamboulement, non la prise du pouvoir par un coup de force à la Blanqui, mais l'instauration progressive d'une nouvelle société, dont la théorie se précise dans les ouvres de la maturité : De la justice dans la Révolution et dans l'Église, en 1858 ; Du principe fédératif et de la nécessité de reconstituer le parti de la Révolution, en 1863 ; et De la capacité politique des classes ouvrières, qui paraît juste après sa mort en 1865, grâce aux soins de son exécuteur testamentaire, Gustave Chaudey, qui rédigea la conclusion de l'ouvrage d'après les notes de Proudhon.



La politique italienne de Napoléon m lui donne l'occasion de préciser ses idées en matière de politique internationale. 11 s'affirme hostile au principe des nationalités : « Les nationalités doivent aller s'effaçant de plus en plus par la constitution économique, la décentralisation des Etats, le croisement des races et la perméabilité des continentsl3. » Ses positions sont mal comprises de l'opinion belge, surtout après son article titré « Garibaldi et l'Unité italienne », paru le 7 septembre 1862 à Bruxelles, et dont l'ironie, mal interprétée, soulève une réprobation générale en laissant supposer qu'il est partisan d'une annexion de la Belgique par la France. Le soir du 16 septembre, sa maison d'Ixelles est entourée par des manifestants, portant drapeau belge, chantant La Brabançonne, et clamant sous ses fenêtres : « Vive la Belgique ! A bas les annexionnistes ! » Rester plus longtemps à Bruxelles est impossible ; Proudhon et les siens, profitant avec quelque retard d'une remise de peine, rentrent à Paris, le 18 septembre 1862.

Dans Du principe fédératif, public en 1863, à Paris, Proudhon expose sa solution politique : la fédération, complément de sa solution économique, à savoir le mutuellisme. « Toutes mes idées économiques, écrit-il, élaborées depuis vingt-cinq ans, peuvent se résumer en ces trois mots : fédération agricole-industrielle. Toutes mes vues politiques se réduisent à une formule semblable : fédération politique ou décentralisation. » Le socialisme de Proudhon a alors acquis sa définition. « Socialisme par le bas », il préconise une révolution hors de l'État par ce qu'on appellera au siècle suivant l'autogestion, le groupement autonome des ouvriers copropriétaires de leurs outils de production, cette autonomie étant complétée par le système fédératif :



« Fédération, du latin fodus..., c'est-à-dire pacte, contrat, traité, convention, alliance, etc., est une convention par laquelle un ou plusieurs chefs de famille, une ou plusieurs communes, ou plusieurs groupes de communes ou États, s'obligent réciproquement et également les uns envers les autres, pour un ou plusieurs objets particuliers, dont la charge incombe spécialement alors et exclusivement aux délégués de la fédération. Dans ce système, les contractants, chefs de famille, communes, cantons, provinces ou États, non seulement s'obligent synallagmatique-ment et commutativement, les uns envers les autres, - ils se réservent, en formant le pacte, plus de libertés... qu'ils n'en abandonnentl4. » Fédération agro-industrielle, fédération politique, telle est la formule de la société proudhonienne, qui rejette le rapport d'autorité d'homme à homme, de gouvernement à citoyens, d'Etat à départements, etc. Les principes d'autonomie, de mutualité, de solidarité, sont mis en avant, dont le contrat est la base juridique.

Par sa théorie, Proudhon s'affirme, en un sens, comme le théoricien d'un socialisme antimarxiste. Pourtant, il faut bien voir ce que Proudhon et Marx ont en commun : tous les deux ont fait la théorie de la plus-value (ce que Proudhon appelle le « vol capitaliste ») ; tous les deux ont fait la critique de l'État conçu comme instrument de classe ; tous les deux ont préconisé la fin de l'Etat et ont prédit la fin de la bourgeoisie (« Que la bourgeoisie le sache ou l'ignore, son rôle est fini ; elle ne saurait aller plus loin et elle ne peut renaître », écrit ProudhoN). Mais les méthodes et les stratégies diffèrent. Marx développe la théorie de la dictature du prolétariat, c'est-à-dire les voies d'une révolution politique d'abord, tandis que Proudhon s'attaque à toute centralisation, à toute gestion unitaire de l'économie, et récuse le préalable de la conquête du pouvoir. Que faire dès lors ? C'est dans De la capacité politique des classes ouvrières qu'il expose son idée de révolution. Les prolétaires doivent d'abord prendre conscience de former une classe, que c'est d'eux-mêmes qu'ils doivent attendre leur émancipation, sans intermédiaire de parti, de ligue ou d'État. Face aux propriétaires-capitalistes-cntrepreneurs, ils doivent pratiquer la séparation, la scission, la sécession. En dédaignant toutes les institutions de la société capitaliste, les prolétaires doivent créer leurs propres institutions : « La séparation que je recommande est la condition même de la vie. Se distinguer, se définir, c'est être ; de même que se confondre et s'absorber, c'est se perdre. Faire scission, une scission légitime, est le seul moyen que nous ayons d'affirmer notre droit, et, comme parti politique, de nous faire reconnaîtrel5. » En conséquence, Proudhon refuse aussi bien la grève - qui reste dans le cadre de la production capitaliste - que la participation électorale - qui dissout l'entité de classe.



Les idées de Proudhon commencent à rallier quantité de militants ouvriers dans les dernières années de sa vie. Sa théorie est soutenue par le mouvement d'organisation de classe que les ouvriers français entament au début des années 1860. En 1863, au moment des élections législatives, certains militants, amis de Charles Beslay, lui-même proche de Proudhon, posent le principe de candidatures ouvrières - les candidats de l'opposition étant recrutés jusque-là dans les rangs de la bourgeoisie libérale et républicaine. Des candidats ouvriers se font connaître, dont Henri Tolain, ouvrier ciseleur, qui sera de la fondation de l'Internationale ouvrière, cependant qu'un autre groupe, représenté par Chaudey, fidèle aux idées de Proudhon, se déclare favorable à l'abstentionnisme. Les candidats ouvriers n'ont aucun succès, mais, en 1864, à l'occasion des élections complémentaires, ils publient un « Manifeste des Soixante aux ouvriers de la Seine », dans L'Opinion nationale du 17 février, que reproduit Le Temps le lendemain. On y lit notamment : « A moins de nier l'évidence, on doit reconnaître qu'il existe une classe spéciale de citoyens ayant besoin d'une représentation directe, puisque l'enceinte du Corps législatif est le seul endroit où les ouvriers pourraient dignement et librement exprimer leurs voux et réclamer pour eux la part de droits dont jouissent les autres citoyens. » Manifeste de ton modéré, mais qui porte en lui le projet de l'organisation de classe pour les prolétaires. Les signataires approuvent les revendications de l'opposition républicaine libérale : la liberté de la presse, la séparation des Églises et de l'État, les franchises municipales, mais ils veulent aussi le droit d'association ou de coalition, et pouvoir créer des chambres syndicales - ouvrières et non mixtes.



Bien qu'hostile à la candidature, Proudhon sympathise avec ce texte, qui sera à l'origine de son ouvrage De la capacité politique des classes ouvrières. Ce Manifeste, il le durcit, il le corrige. Il parle de la « division de la société moderne en deux classes » et, là où le Manifeste exprime une aspiration d'autonomie corporative, il parle de volonté de classe. Le Manifeste des Soixante a été « un premier et vigoureux essai de manifestation collective, directement émané du Peuple ». Mais, puisqu'on n'a pas voulu des candidats ouvriers, pareille tentative ne doit pas se renouveler. « Le moment est venu, au contraire, d'agir par une scission digne et raisonnée, d'ailleurs inévitable. »



Depuis la fin de 1863, Proudhon souffre de catarrhe et d'asthme. Il travaille difficilement ; en 1864, il doit supporter de surcroît un érésipèle qui dure un mois. Un voyage en Franche-Comté et l'air natal lui redonnent des forces. Rentré à Paris le 15 septembre, il se remet à La Capacité, qui ne sera pas achevée. Mais, en cette même année 1864, un événement de taille se produit : la fondation de l'Association internationale des travailleurs (AIT). L'occasion en a été le voyage à Londres d'une délégation d'ouvriers français, lors de l'Exposition universelle de 1862. Le pouvoir impérial, cherchant alors à se concilier les suffrages ouvriers, avait assuré les frais du voyage. Plus de 300 ouvriers français sont ainsi reçus par les trade-unionistes londoniens. A ces rencontres se mêlent des réfugiés politiques, nombreux à Londres. C'est dans ce milieu composite que germe l'idée d'une association internationale ouvrière. En 1863, deuxième rencontre à Londres, cette fois pour manifester une solidarité franco-britannique à l'égard de la révolte polonaise. Nouvelle occasion pour faire avancer l'idée de l'Internationale. Les Anglais préparent une Adresse, où on lit : « La fraternité des peuples est extrêmement nécessaire dans l'intérêt des ouvriers. Car chaque fois que nous essayons d'améliorer notre situation au moyen de la réduction de la journée de travail ou de l'augmentation des salaires, les capitalistes nous menacent d'embaucher des ouvriers français, belges, allemands, qui accompliront notre travail pour un prix moins élevé. » Un an plus tard, les Français rédigent leur propre manifeste où ils appellent les ouvriers du monde, face à la montée en puissance et à la concentration du Capital, à chercher « leur salut dans la solidarité ».

Ce sont ces deux déclarations qui sont lues solennellement au cours du meeting de St Martin's Hall, le 28 septembre 1864. Outre les délégués anglais et français - conduits par Henri Tolain -, un certain nombre d'invités parmi les réfugiés politiques sont présents, dont Karl Marx, « spectateur muet sur l'estrade », selon sa propre expression. L'assemblée approuve le projet français de créer une Association internationale, formée de sections à mettre en place dans chaque capitale, le tout étant couronné par un Comité central qui siégerait à Londres. Ce comité, où Marx s'est fait élire, est chargé de préparer un programme et des statuts. Marx ne perdra pas l'occasion si belle d'affirmer ses thèses ; ce sera l'Adresse inaugurale de l'AIT - que Marx a la prudence de rédiger en termes relativement modérés par rapport au Manifeste du Parti communiste de 1848, mais où il affirme : « La conquête du pouvoir politique est [...] devenue le premier devoir de la classe ouvrière. »

Ainsi, au moment où meurt Proudhon, en 1865, Marx remporte une victoire indiscutable. Alors que les Français sont largement imprégnés des idées de Proudhon, et que les Anglais n'ont guère de soucis théoriques, il réussit à donner à la première Internationale ouvrière un manifeste qui correspond à ses propres idées. Pourtant, l'esprit de Proudhon n'est pas mort. Au sein même de l'Internationale se développera une tendance « antiautoritaire », libertaire, anarchisante, carrément anarchiste quand Bakounine, disciple autoproclamé de Proudhon, l'intégrera et se posera en face de Marx (qui tente de faire triompher ses vues par le Conseil général établi à LondreS) comme le champion de « l'autre socialisme », celui d'en bas, le socialisme ouvrier. « La réglementation, écrit Bakounine, a été la passion commune de tous les socialistes d'avant 1848, moins un seul. Cabet, Louis Blanc, fouriéristes, saint-simoniens, tous avaient la passion d'endoctriner et d'organiser l'avenir, tous ont été plus ou moins autoritaires. Mais voici que Proudhon parut : fils d'un paysan, et dans le fait et d'instinct cent fois plus révolutionnaire que tous ces socialistes doctrinaires et bourgeois, il s'arma d'une critique aussi profonde et pénétrante qu'impitoyable, pour détruire tous les systèmes. Opposant la liberté à l'autorité, contre ces socialistes d'Etat, il se proclama hardiment anarchiste et, à la barbe de leur déisme ou de leur panthéisme, il eut le courage de se dire simplement athée '7. »

De ce conflit central entre les deux socialismes, la Première Internationale mourra en 1878, après une longue agonie. La pensée de Proudhon reste néanmoins vivace dans le mouvement ouvrier français : sans la revendiquer, le futur syndicalisme révolutionnaire en est l'écho durable, au sein de la Fédération des bourses du travail et de la CGT d'avant 1914l8.

Proudhon meurt le 19 janvier 1865 dans les bras de sa femme et en présence de sa belle-sour et de son ami Langlois, après avoir décliné la visite du curé de Passy, disant à sa femme : « C'est à vous que je demande l'absolution. » Le jour même, Michelet participe à la souscription organisée par Alphonse Peyrat en faveur de sa veuve et de ses enfants. Ami et admirateur de Proudhon, Gustave Courbet tombe dans « la prostration mentale » en apprenant sa mort ; il écrit à Chaudey : « Le xixc siècle vient de perdre son pilote et l'homme qu'il a produit. Nous restons sans boussole, et l'humanité, et la révolution à la dérive, sans son autorité, va tomber de nouveau entre les mains des soldats et de la barbarie '9. » Le 21 a lieu l'enterrement civil. Au moment où le cortège se forme, passent devant la maison de la rue de Passy les soldats d'un régiment de ligne musique en tête, tambour battant. Des cris fusent du trottoir : « Aux champs ! Aux champs ! » Les tambours s'exécutent, pour rendre un hommage improvisé à celui dont la dépouille est suivie par de nombreux étudiants et une délégation du Grand-Orient. Girardin, Arago (EtiennE), Darimon, Nefftzer, Reclus (ÉliE), Nadar, Floquet, Gambetta, le jeune Vallès sont du cortège. Langlois, au nom des collaborateurs du défunt, Massol, au nom de la franc-maçonnerie, et Chaudey, au nom des amis et des compatriotes de Proudhon, prononcent les discours d'adieux.

Le jour où l'on enterre celui que le Journal des débats appelle « un remueur d'idées», un «grand polémiste», un «esprit remarquable et bizarre », un « grand sophiste », « un implacable ennemi de la propriété [mais] un défenseur ardent de la famille », Hugo, laconique, rédige sa propre oraison funèbre dans ses Carnets : « Proudhon est mort. Vrai talent, esprit faux. Il n'avait jamais fait que du tort à la République et du mal à la Révolution. Sa mort est une perte ; ce n'est pas un malheur. » Étrange chassé-croisé entre Hugo et Sainte-Beuve : ce n'est pas le républicain intransigeant, l'exilé farouche de Guernesey, qui rend le dernier hommage au révolutionnaire ; c'est le sénateur d'Empire, l'arbitre des gloires littéraires de son temps. Sainte-Beuve, en effet, qui a fait la connaissance de Proudhon chez leurs éditeurs communs, les frères Gar-nier, a été séduit par l'homme, si éloigné pourtant de ses convictions, appréciant chez lui d'emblée « la ferme intelligence et la droiture morale ». Regrettant d'avoir été empêché d'être présent aux obsèques, il accepte la proposition d'Alphonse de Calonne, directeur de La Revue contemporaine, de consacrer une étude au disparu. Sainte-Beuve publiera ainsi quatre articles dans la revue, sans avoir le temps de mener son travail jusqu'au bout. Il en sortira un ouvrage biographique portant sur le Proudhon d'avant 1848, où l'on peut lire dans l'avant-propos : « Je désirerais faire acte de littérature jusqu'au sein de ce grand révolutionnaire, aujourd'hui couché dans la tombe, et j'appelle faire acte de littérature montrer l'homme au vrai, dégager ses qualités morales, son fonds sincère, sa forme de talent, sa personnalité enfin, comme elle a su se faire respecter et même aimer par ceux qui ont approché de lui. Il est bon aussi et utile de faire tomber les barrières entre les esprits et les intelligences, de détruire le plus possible les préventions d'homme à homme quand ces hommes ont une valeur et qu'ils mériteraient de s'entendre et de s'apprécier, même en se combattant... »





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