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La philosophie : de la vie à l'existence






En philosophie, l'influence majeure qui a dominé la France après 1945 vint d'Allemagne. À vrai dire, on ne s'aperçut pas immédiatement de l'importance de cette influence qui, aujourd'hui encore, est contestée : à la rancune dirigée contre un pays avec lequel la France sortait de cinq années de guerre s'ajouta une méfiance quasi instinctive de l'idéalisme et du prétendu irrationalisme germaniques. Quelques esprits plus perspicaces s'engagèrent pourtant dans la lecture des philosophes allemands, notamment Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty et Jean Beaufret. Sartre entend parler pour la première fois de Husserl en 1932 par Raymond Aron, alors lecteur à l'Institut français de Berlin. « Parler des choses, telles qu'il les touchait, et que ce fût de la philosophie » (Simone de BeauvoiR), voilà ce que Sartre recherchait. Il fut si bouleversé par l'exposé succinct des thèses de Husserl qu'il fit aussitôt les démarches nécessaires pour prendre la succession d'Aron à Berlin où il commença à étudier sérieusement Husserl puis Heidegger.





La phénoménologie : retour « aux choses mêmes »



Husserl entend fonder la philosophie comme « science rigoureuse » à partir d'un retour « aux choses elles-mêmes » (« Zur Sache selbst »). Ainsi naît la phénoménologie conçue comme une description de ce qui apparaît de soi-même (le « phénomène ») à la conscience. La méthode est exposée en France dans plusieurs textes ; par Jean Beaufret dans une série d'articles publiés à partir de 1945, par Merleau-Ponty dans l'avant-propos à la Phénoménologie de la perception (1945) et, en premier, par Sartre, dans ses textes d'avant-guerre : l'Imagination (1936), Esquisse d'une théorie des émotions (1938), Note à la N.R.F. du 1er janvier 1939 (Situations I), l'Imaginaire (1940).

Aller « à la chose même » consiste à réfuter toute description empirique pour envisager la chose (et par « chose » il faut entendre non seulement les objets sensibles et intelligibles mais tous les faits humainS) dans son idéalité ou son essence. Husserl définit la phénoménologie comme « la géométrie du vécu » (Idées directrices pour une phénoménologie, § 72). « Pour le phénoménologue, explique Sartre, tout fait humain est par essence significatif» (Esquisse..., p. 16). Contrairement à Balzac, par exemple, qui décrit la cousine Bette en la considérant de l'extérieur, le phénoménologue se propose d'étudier des phénomènes « et par phénomène il faut entendre "ce qui se dénonce soi-même", ce dont la réalité est précisément l'apparence » (Esquisse..., p. 15). Husserl insiste sur la vision intuitive de l'essence, à savoir un regard qui n'est pas déterminé par l'expérience mais qui fonde l'expérience elle-même en la « réduisant » à un sens. Réduire signifie épurer, purifier le regard de tout ce qui n'est pas lui et qui vient, par exemple, de préjugés incontrôlés afin de saisir directement l'essence de la chose. Or, cette méthode, dite eidétique, explicite des essences par l'intermédiaire non seulement de perceptions, mais de fictions. Husserl accorde même à la fiction la dignité de « l'élément vif de la phénoménologie comme de toute science eidétique [...], la source d'où la connaissance des vérités éternelles tire sa nourriture » (Idées directrices...). C'est pourquoi Sartre creuse avec tant de persévérance le problème de l'image ou que Merleau-Ponty interroge aussi bien les textes philosophiques que les tableaux ou les romans, c'est pourquoi aussi les descriptions de la Nausée ou de « l'enfance d'un chef » (le MuR) peuvent être qualifiées de phénoménologiques.



Husserl s'inscrit sans ambiguïté dans l'héritage cartésien. Mais, alors que la tradition française avait approfondi Descartes en limitant la description de l'homme à l'exploration d'une intériorité, le philosophe allemand restitue au cogito son élan initial. Le monde et ses objets semblaient dissous (« digérés », dit SartrE) dans un monde intérieur. Dans la première moitié du vingtième siècle, toute la critique d'écrivains comme Verlaine ou Proust s'enracinait en France dans le bergsonisme et l'impressionnisme, Amiel triomphait. Or, selon Husserl, décrire la conscience à partir de la « vie intérieure » est un contresens philosophique. Le paysage conçu comme « état d'âme » n'a rien de commun avec l'arbre dont parle Sartre « au bord de la route, au milieu de la poussière, seul et tordu sous la chaleur, à vingt lieues de la côte méditerranéenne » (Note à la N.R.F.). Pour Husserl, comme pour Descartes, il n'est de réalité que pour une conscience.



Les philosophes de l'existence : sens et contresens



Appliquer la méthode phénoménologique à certains faits humains, c'est ce qu'ont fait magistralement Sartre à propos de l'imagination ou Merleau-Ponty pour la perception. Mais en 1936, lorsque Sartre publie l'Imagination, Husserl a quasiment achevé son ouvre et Heidegger a publié depuis neuf ans Être et Temps. Qu'apporte donc Heidegger de nouveau par rapport à Husserl, dont il fut l'élève puis le successeur à l'université de Fribourg ? Reprenant la méthode de Husserl à son compte, il entre dans une dimension fondamentalement ontologique en entreprenant, « si l'on peut dire, la phénoménologie de l'être » (Jean BeaufreT).

Le problème de Heidegger est, en effet, le problème de être. Ce terme doit s'entendre à la fois comme un nom et comme un verbe. Nom, au sens où l'on parle de l'être humain, et verbe qui signifie le fait ou l'acte d'être. Or, les deux sens sont présents dès qu'on évoque un étant particulier : l'homme. Nous sommes entourés d'étants de toutes sortes : des choses inanimées, des plantes, des animaux qui ont pour caractéristique commune d'être. Dieu lui-même possède les qualités d'un étant. Mais seul l'homme sait qu'il est. Dans la mesure où il a l'intelligence de son être, l'homme ne se contente justement pas d'être : il existe. À ce titre, dans l'analytique de la condition humaine qu'est Être et Temps, l'homme se trouve doté d'un nom particulier, Dasein, désignant cet étant qui se remet en question à chaque instant et qui s'ouvre constamment au monde. Dasein signifie littéralement que là où il y a de la pensée il y a de l'être. La pensée, comme trait fondamental de l'homme, est pensée de l'être. Ainsi, « 1"'essence" du Dasein tient dans son existence » {Être et Temps, p. 42). Sartre définit le mot existence comme « présence effective dans le monde ». Mais la présence de l'homme au monde est d'une tout autre nature que celle d'un arbre ou d'une mobylette. En réalité, l'homme n'existe que s'il est au monde. Toute son existence se résume dans le fait qu'il est jeté dans le monde, sans raison. Initialement, l'homme se perd dans l'impropriété qu'est l'anonymat. Ce qui fait de lui un homme « authentique », un homme proprement homme, est le sentiment de l'angoisse que Pascal évoquait déjà dans ses Pensées (éd. Lafuma, §. 427), qui l'arrache à la banalité de la vie quotidienne. Dans l'homme comme être au monde, la mort ne cesse d'être présente.

Jean Beaufret résume clairement les trois caractéristiques du Dasein : « Existentialité ou projet de soi-même dans le sens de ses possibilités, facticité ou conscience de se trouver jeté là comme ça, chute en soi-même jusqu'à la perte de soi dans l'anonymat du On, mais réversible en vie authentique par l'ascèse de l'angoisse, tel est donc l'homme comme être-au-monde. » L'être-au-monde apparaît comme la reprise de l'idée husserlienne d'inten-tionnalité et correspond à la découverte de notre irrémédiable facticité. La pensée de Heidegger dans Être et Temps pose les jalons d'une « philosophie qui replace les essences dans l'existence et ne pense pas qu'on puisse comprendre l'homme et le monde autrement qu'à partir de leur facticité » (Merleau-PontY). Autrement dit, l'être-au-monde est un a priori de la condition humaine.



En définissant l'homme comme Dasein, Heidegger pose la question qu'il ne cessera de méditer, celle non pas tant de l'existence de l'homme que du sens de être, de sa vérité et de son lieu. Dégageant « l'être en tant que thème fondamental de la philosophie », il en vient à préciser que, si toute la philosophie de Platon à Nietzsche interroge l'être de l'étant, lui entend penser l'être comme être. Ce qui ne fut possible qu'à partir d'une « désobstruc-tion de l'ontologie » traditionnelle. Appeler l'homme Dasein, c'est remettre en cause la définition classique de l'homme comme animal raisonnable, et donc comme sujet.

Être et Temps, le premier livre de Heidegger, retentit comme un coup de tonnerre dans la production philosophique allemande. Il ne fut traduit (à part quelques pages où la langue française tâtonnait pour se placer dans l'axe de l'allemanD) qu'en 1964, et encore pour sa seule première partie ; la traduction intégrale, due aux soins de François Vezin, est maintenant disponible, depuis octobre 1986, chez Gallimard. C'est que pendant longtemps Heidegger fut en France victime d'un ostracisme tel que son ouvre se vit taxée de pangermanisme, quand ce ne fut pas de racisme et de nazisme. Pourtant Sartre, dans ses Carnets de 1940, reconnaît l'influence décisive qu'exerça la pensée de Heidegger sur la genèse de l'Être et le Néant qui parut en 1943.

Une série de contresens va marquer l'irruption de cette philosophie de l'existence, ou plutôt de cette pensée de l'être, en France. Sartre, par exemple, rend Dasein tantôt par « réalité humaine » (CorbiN), tantôt par « existence ». C'est, rapidement retracé, l'acte de naissance d'un « Heidegger existentialiste ». Dès lors, des filiations s'esquissent : Sartre et Heidegger sont des « existentialistes athées » ; Gabriel Marcel et Karl Jaspers des « existentialistes chrétiens ». La vogue de Heidegger en France fut marquée par bien des piétinements et des polémiques. Les plus brillants intellectuels le déclaraient incontournable. Jacques Derrida, comme Jacques Lacan, commentaient ses textes. On se plut à citer le penseur allemand à tort et à travers, comme Alain Robbe-GriUet qui, s'appuyant sur une interprétation « officielle » à'Être et Temps, écrit ingénument, en 1953, au début de son étude sur Samuel Bec-kett : « La condition de l'homme, dit Heidegger, c'est d'être là. Probablement est-ce le théâtre plus que tout autre mode de représentation du réel qui reproduit le plus naturellement cette situation. Le personnage de théâtre est en scène, c'est sa première qualité : il est là » (Pour un nouveau roman, p. 121). Ces propos illustrent non seulement une méconnaissance de l'ouvre, mais surtout l'ambition de verrouiller une pensée dont la fulgurance étonna plus d'un. Heidegger ne cessait pourtant de répéter qu'il n'existait pas de « philosophie heideggerienne » (colloque de Cerisy, 1955) et que Être et Temps, plus qu'un livre, était « une tâche à accomplir ».





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