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Jacques Rivière - Le Roman d'aventure (1913)






Jacques Rivière publie Le Roman d'aventure dans la NRF de mai à juillet 1913. Le texte s'ouvre sur une critique du Symbolisme, qui fait ressortir quelques-uns des traits principaux de l'école de 1886. Les griefs formulés à l'encontre de cet « art d'extrême conscience » qu 'a été l'art symboliste permettent d'affirmer, dans la suite du texte, l'émergence d'une nouvelle sensibilité artistique, davantage tournée vers la vie -etl 'aventure.



Le symbolisme n'est pas - comme lui-même d'abord eut la naïveté de le donner à croire - un art de décadence, un fruit paradoxal et pourri, produit par une sève presque épuisée. La preuve en est que nous lui avons survécu, et sans qu'il y ait eu besoin de révolution, ni d'invasion barbare. Mais il est incontestable que c'est un art d'extrême conscience, l'art de gens qui savent terriblement ce qu'ils pensent, ce qu'ils veulent, ce qu'ils font. Ce n'est pas par hasard qu'il s'est développé d'abord, et presque exclusivement, chez nous. Il ne pouvait naître que dans une race que la longue habitude de l'examen intérieur avait rendue experte à se deviner, à se surprendre. Il lui fallait, pour fleurir, une société de gens bien éveillés sur eux-mêmes et prompts à dépister le sens et les intentions du moindre de leurs sentiments. Seule, la France, grâce à son immense passé de psychologie, lui offrait un terrain favorable. Comment imaginer un Mallarmé qui n'eût pas été français?



Nous allons voir que tous les caractères de l'ouvre symboliste peuvent se déduire de ce principe : un esprit qui voit tout, une intelligence qui va tout de suite jusqu'au bout, qui ne trouve pas de résistance dans les choses qu'elle invente, mais qui coule aussitôt au travers et qui, du premier coup, tant elle est fluide, insinuante et perspicace, atteint l'extrémité de son sujet. Tout dans l'ouvre symboliste porte la marque d'un créateur trop conscient.



D'abord le sujet même qu'elle se propose. - Ce n'est jamais un événement, une histoire, ni même la description d'une âme, la peinture d'un être vivant. C'est toujours une émotion, - une émotion abstraite, toute pure, sans causes ni racines, une impression détachée de son origine. Ce que l'auteur entreprend de fixer, c'est sa réaction sentimentale en face d'un objet ou d'un spectacle qui restent inconnus.

Sans doute il commence bien par imaginer une histoire, mais il n'a pas le temps de la raconter; car elle ne réussit pas à arrêter son esprit; elle ne s'impose pas à lui ; elle lui est tout de suite transparente ; déjà il l'a traversée ; il ne peut pas s'empêcher de voir tout de suite en quoi elle est intéressante, quel en est le sens, quel effet elle va produire. Il ne s'agit pas de l'effet pittoresque (s'il le cherchait, il serait romantique, non pas symbolistE), mais de l'effet sur l'âme. Prenant la place de son lecteur, l'écrivain vibre lui-même à l'avance au contact de l'ouvre qu'il n'a pas encore écrite ; il frémit, il est touché comme un métal qui rend d'emblée le son qu'on voulait obtenir ; avec sa profonde habitude des sentiments, tout de suite il sait éprouver celui entre tous -si délicat soit-il - que son récit irait émouvoir.

Dès lors il ne voit plus de raisons pour faire ce récit ; il l'a derrière lui ; puisqu'il est venu jusqu'ici tout seul, les autres y viendront bien tout seuls aussi ; à quoi bon leur dire ce qu'ils sont capables de trouver? Il compte sur des lecteurs aussi adroits et aussi prompts que lui-même et ne veut pas leur rendre des services dont ils peuvent se passer.

D'ailleurs «il n'est plus en mains» pour écrire son histoire ; il ne sait plus comment la prendre ; il la voit à l'envers maintenant ; au lieu qu'elle s'élève devant son imagination comme une montagne à franchir, elle est quelque chose de passé sur quoi il faut revenir. Aussi préfère-t-il l'abandonner définitivement et renoncer à tout récit. Au fond il n'est vraiment à son affaire que quand il a dépassé ce qu'il avait à dire, qu'au moment où il n'y a plus devant lui, à la place de son ouvre, que la fuite de toutes parts des ondes qu'elle engendre.



C'est pourquoi la façon dont se forme l'oeuvre symboliste est si anormale. Pendant le temps qu'elle est portée par le cerveau de son auteur, loin de se nourrir et de se développer, elle se réduit, elle se tasse, elle s'éclaircit. De délicates lignes destructrices la traversent en tous sens, l'analysent, la décomposent ; comme le feu suit sans erreur la charpente d'une maison et la consume jusque dans les murs, ainsi l'intelligence de l'auteur dissout dans son sujet tout ce qui en forme le support et l'assise. C'est un travail critique, plutôt que créateur, qu'elle accomplit. Ce poète qui tout à l'heure nous présentera son ouvre comme le balbutiement d'un primitif et l'expression des plus secrètes profondeurs de l'inconscient, au fond il n'en aura obtenu l'incertaine étrangeté qu'en laissant agir ses facultés de discernement et de pénétration. Dans son esprit, l'ouvre est soumise non pas aux inspirations confuses d'un génie naïf et ignorant, mais à toutes les forces dissolvantes, à tous les acides de la pensée. Ils l'attaquent, ils la rongent, ils l'évident peu à peu, en en enlevant tous les éléments matériels, tout ce qui, énoncé, serait perceptible aux sens ; à la fin il ne reste plus qu'une sorte de parfum, d'esprit, quelque chose d'insaisissable à la vue et au toucher et que l'âme seule peut distinguer et recueillir. En d'autres termes l'ouvre symboliste est une ouvre dont plus de la moitié se passe dans l'esprit de son auteur. Au lieu que celui-ci cherche à produire hors de lui le plus de réalité possible, il tâche au contraire d'en consommer le plus possible en lui-même. Il s'arrange pour faire arriver le plus possible d'événements avant le moment où il prendra la plume ; il leur offre sa pensée comme un théâtre idéal où ils puissent s'accomplir sans paraître et il établit, comme un avant-propos invisible à son ouvre, un long silence où dorment ensevelis tout fait et toute aventure.






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