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Giono






Ce que l'on distingue en premier lieu chez Giono, c'est non l'état d'esprit de celui qui contemple le monde, c'est le monde contemplé : « Le monde est là, j'en fais partie. » Le contemplateur apparaît donc ici dès l'abord comme faisant partie intégrante de l'ensemble des choses qui tombent sous son regard. Loin de mettre immédiatement entre lui et ce qu'il regarde une certaine distance pour le mieux voir, il se reconnaît étroitement associé au monde sur lequel son regard se pose. Ainsi, comme la quasi-totalité des personnages qu'on trouve dans son ouvre, Giono ne cherche nullement à se situer à part des objets qui frappent ses sens. Les objets l'entourent, le pressent, se mêlent à lui, appartiennent au même univers que lui, constituent un ensemble où il lui est naturel d'occuper une place. Le dualisme cartésien, suivant lequel sujet et objets se situent l'un en face de l'autre sans pouvoir jamais se confondre, se trouve remplacé ici par un état non différencié, où sujet et objets se trouvent présentés ensemble et jouissant d'une même caractéristique : ils affirment tous ensemble leur capacité d'être là. On voit donc que Giono professe un assez rigoureux monisme. Il n'y a que ce qui est là; et nous, comme tout le reste, nous qui percevons tout le reste, nous nous considérons tout simplement comme faisant partie de ce tout. Dès lors il n'est pas question que nous prenions connaissance de nous-mêmes comme d'êtres ayant une existence différente de celle des objets placés au-dehors. Notre vie intérieure, à supposer que nous en ayons une, n'est pas un phénomène digne d'absorber outre mesure notre attention. Ge qui importe, presque à l'exclusion de tout le reste, c'est de diriger notre faculté cognitive vers ce monde extérieur auquel nous appartenons. Bref, Gionc», un peu comme jadis Théophile Gautier, est, au premier chef, « un homme pour qui le monde visible existe ». Le monde esf fait pour être regardé, pour être lié étroitement à nous par notre intervention propre. Il est regardé, exploré, possédé par une prise de vue - et souvent aussi de corps - qui ne laisse nullement à l'homme « qui est là » la possibilité de se considérer comme indépendant de ce qu'il considère. Il y a chez Giono, avant tout le reste, une solidarité hautement affirmée de la personne qui regarde avec le monde regardé ; et cette solidarité est si grande qu'elle ne laisse littéralement la place pour aucune autre sorte d'activité, et, en particulier, pour l'introspection. Seul s'affirme un objet universel avec lequel fait corps l'activité du sujet percevant; et cet objet, toujours perçu au-dehors, n'implique aucunement qu'il y ait un dedans, ou que, du moins, ce dedans vaille la peine que s'oriente de ce côté l'attention du sujet.





N'ayant pas de dedans, les personnages de Giono (et Giono lui-même en tant qu'auteur de ses ouvrageS) se trouvent aussi, le plus souvent, dépourvus de passé. On ne les voit jamais transporter avec eux, ou, plus exactement, en eux, à l'intérieur d'eux-mêmes, le long cortège de souvenirs, de regrets, de soucis, en un mot, de sentiments rétrospectifs, qui, d'ordinaire, chez le romancier, constitue la texture spirituelle de ses personnages. L'homme qui voit le monde s'habitue à s'y placer sur le même pied que les objets qui sont dans le monde. Il s'y voit comme un être sans épaisseur temporelle. Il semble qu'il en soit ainsi presque uniformément pour tous les personnages gio-niens. Intensément présents au drame cosmique qui se déroule devant eux et aux aléas duquel ils participent, ils se découvrent dès l'abord et sans réserve mêlés à une actualité exigeante qui ne leur permet pas de jeter les yeux ailleurs. Les voilà possédés par un moment présent qui se renouvelle de minute en minute, mais qui ne leur laisse même pas la liberté de tenir compte des liens qui existent entre eux et les faits antécédents qui ont dû cependant les déterminer. Ayant les yeux grands ouverts sur le dehors, les personnages de Giono, la plupart du temps, dépendent entièrement de ce qui s'accomplit dans le moment même au-dehors. Rien qui ressemble donc moins au roman psychologique ancienne manière que le roman gionien. Loin de se présenter comme alimenté tout le long de son cours par une source abondante de vie intérieure, il tend à laisser tomber dans l'oubli, au fur et à mesure, tout ce qui a eu lieu précédemment, pour ne s'occuper que de ce qui survient extérieurement dans chaque moment nouveau. Point donc de durée dans un tel roman - car la durée est chose tout interne - rien que l'apparition constamment réitérée de la « chose qui est là » à « celui qui est là ».



Est-ce dire cependant qu'un tel roman est irrémédiablement objectif ? Se contente-t-il de placer devant nous un monde composé d'objets ? Il semble bien que non. D'abord il n'y a pas, il n'y a jamais eu, de roman radicalement objectif. Tout monde composé d'objets ne peut exister directement par lui-même. Il faut, bon gré mal gré, qu'il soit perçu par une conscience. Mais ce qu'il y a de particulier chez Giono, c'est que cette conscience ne se trouve pas, comme nous l'avons remarque, séparée de ce qu'elle perçoit. Si le monde est là, la conscience est également là, sur le même plan, sans qu'il y ait perceptiblement passage de son habitat mental à l'univers externe avec lequel elle se met en relation. C'est sur le même terrain que se placent celui qui regarde et ce qui est regardé. D'un bout à l'autre de chaque roman gionien cette extraversion de la pensée cognitive reste fidèle à l'orientation qui lui est imposée. Un monde purement externe s'étale sans ombre devant le regard de celui qui en est à la fois le témoin et le sujet participant. C'est dire que la réalité extérieure ne cesse d'occuper entièrement la pensée de celui qui lui consacre son attention. Telle est la situation initiale qui s'offre invariablement au spectateur au début de chaque roman de Giono. Le regard s'y trouve tourné vers le dehors. U s'y absorbe, il s'y appuie. Ce qu'il y a derrière lui n'importe pas et ne sera pas investigué. Ce qui importe, c'est ce qui se passe devant. Telle est chez Giono la seule orientation continuellernent observée. Elle est la plus simple possible, élémentaire. On la trouve dans chaque ouvrage de l'auteur. Elle est symboliquement représentée par la position de la demeure de Gontran, située par Giono au début d'un de ses premiers romans, Colline : « Cette maison, écrit-il, guette la route, elle voit la colline. Elle est juste au bord de la pente qui dévale vers les fonds. De sa terrasse on aperçoit tous les lacets du chemin jusqu'en bas. »



Cette maison est semblable au personnage gionien. Elle guette la route et la pente et le pays tout entier. Elle a vue sur un paysage qui s'offre à elle dans sa vaste étendue et qui est destiné à absorber entièrement l'attention de celui qui le contemple. Ce paysage n'est donc pas un simple décor. Il ne constitue pas un fond de tableau, en soi sans grande importance et qui n'aurait pour rôle que d'offrir le cadre à l'intérieur duquel se déroulerait une action. Bien au contraire, on remarque tout de suite que pour celui qui se situe en ce lieu, rien n'est plus important que de découvrir la relation qui existe entre lui-même et ce qui, sous son regard, se développe à perte de vue au-dehors. Cette relation est essentiellement topographique. Elle a pour office de révéler une certaine continuité spatiale, qui, chez Giono, est toujours infiniment plus significative que la continuité d'essence temporelle qu'on trouve chez la plupart des autres romanciers. De moi qui vois et qui réagis devant ce que je vois, jusqu'au pays que je vois et qui s'étend aussi loin que mon regard, un lien s'établit qui me rattache à l'espace, et l'espace à moi-même. Je suis en rapport avec l'ensemble des choses dont je fais partie. L'espace gionien apparaît donc ainsi, presque dès le premier moment, comme une étendue tangible, non abstraite, d'un bout à l'autre de laquelle s'engagent le regard d'abord, la personne ensuite du personnage de roman. Tout cela présente une assise concrète, solide et ininterrompue, se disposant depuis l'endroit le plus proche - celui d'où l'on regarde - jusqu'au lieu le plus lointain qu'on puisse déceler à l'horizon. Ainsi, tout entier, le paysage se déploie devant le regard. Ses différentes parties ne sont pas considérées isolément, mais adhèrent les unes aux autres. C'est sous l'aspect d'une entité indivisible qu'elles s'offrent à la vue du contemplateur.



En voici un autre exemple, apparemment assez banal, tiré d'Un de Baumugnes, qui est aussi un des premiers romans de Giono :



« Je voyais devant nous, dans le flanc noir des collines, une vallée pleine de brumes bleues : le torrent d'Asse, la porte ! C'était de là qu'on allait monter à Baumugnes. On était face au levant. »



Tout commence donc ici par la perception d'une pluralité de lieux associés, d'abord étalés devant les yeux du spectateur, saisis immédiatement dans leur interrelation avant d'être décrits dans le mouvement par lequel l'on passera de l'un à l'autre. L'espace n'apparaît pas découpé en les différentes parties qui le forment. Il n'est pas analysé avant d'être synthétisé. C'est plus tard, au cours du récit, que se trouverons isolés et parcourus un à un les aspects successifs d'une vision panoramique qui embrasse d'emblée une totalité homogène. Il en résulte que, chez Giono, au moins de prime abord, tout est donné le plus souvent à la fois, ce qui est proche avec ce qui est lointain, ce qui appartient à tel coin de l'espace avec ce qui se rattache à tel autre; tout cela, non dans un désordre ou une absence de liaison anarchique, mais au contraire dans une cohésion évidente. L'espace tient ensemble. On le perçoit tout de suite synthétiquement, quitte, après coup, à le détailler parcelle par parcelle. L'espace est un être total, qui doit être aussitôt accepté par l'oil et par l'esprit, tel qu'il est, dans la simultanéité des aspects qu'il présente. Bref, pour Giono, l'espace forme, dans son intégralité, la base essentielle de l'expérience et de la compréhension du monde. A ses yeux, l'espace est, avant tout, une chose qui occupe de la place. Aussi le récit gionien n'hésite-t-il pas à être, depuis le premier endroit où il débute, une ouvre où un homme se confronte honnêtement, obstinément et sans réserve, avec la vaste étendue sise devant lui.

Sans doute en va-


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