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Francis PONGE (1899-1988)






Francis Ponge n'est pas un homme de lettres, au sens que notre époque avide de succès immédiat a donné à cette expression. Encouragé par un petit nombre d'écrivains marquants, Paulhan, Sartre, Bianchot, Camus, il a donné depuis la guerre, après le Parti pris des choses publié en 1942, Proêmes (1948) la Rage de l'expression (1952), le Grand Recueil (1961), Pour un Malherbe (1965), le Savon (1967), le Nouveau Recueil (1967), la Fabrique du pré (1971), l'Atelier contemporain (1977).



Ponge est né le 27 mars 1899 à Montpellier. Les voyages dans plusieurs pays d'Europe marquent une jeunesse itinérante. Ses études le conduisent à l'admissibilité à l'Ecole normale supérieure. La rencontre de Jean Paulhan en 1921 fortifie sa vocation d'écrivain : il commence alors à publier dans différentes revues. Mais, contraint de travailler pour subvenir à ses besoins, il fait à la Librairie Hachette l'expérience d'une sorte d'aliénation qui l'amènera à s'inscrire en 1937 au parti communiste qu'il quitte après la guerre, en 1946, après avoir participé activement à la Résistance et dirigé la page littérature d'Action. En 1952, il devient professeur-lecteur à l'Alliance française. Il reçoit, en 1972, le grand prix de poésie de l'Académie française. Resté toujours à l'écart des chapelles et des sectes, il n'en est pas moins attentif à la modernité : le premier numéro de Tel Quel, par exemple, s'ouvre sur un poème de lui, « La figue ».





Les mots et les choses

Dès les courts textes publiés en 1926, Douze Petits Écrits, se manifeste la principale caractéristique de l'écriture de Francis Ponge :Ja toute-puissance de l'objet. L'ouvre de Ponge retrace une expérience qui peut paraître anodine mais qui se révèle capitale : celle de la rencontre d'un écrivain avec les choses. Ponge est avantl tout un homme pour qui les choses existent. Mais| l'attention qu'il leur porte doit s'exercer de façon désintéressée, le but étant ici de parler des choses pour elles-, mêmes.

Cependant, cette omniprésence des objets induit une certaine liberté chez l'homme : « Ce qui m'importe, c'est de saisir presque chaque soir un nouvel objet, d'en tirer à la fois une jouissance et une leçon » (ProêmeS). L'homme se laisse en quelque sorte envahir par les choses car celles-ci dérangent et forcent chacun de nous à sortir de la banalité quotidienne. Devant le mutisme des choses, l'écrivain est amené à parler, et sa parole qui nomme « quoi que ce soit » suffit à « exprimer tout de l'homme ».



Si les choses prennent apparemment la première place dans cette poésie, les mots viennent en regard offrir leur univers. Ponge qui use quotidiennement du Littré définit « le point important : PARTI PRIS DES CHOSES égale COMPTE TENU DES MOTS » (« My créative method »). Il évoque « la nature enfouie dans les dictionnaires : des mots, ces pierres précieuses, ces merveilleux sédiments » (« le verre d'eau »). Ce qui lui permet d'affirmer que « les poètes ne travaillent pas à partir d'idées, mais disons grossièrement de mots » (« le murmure »). Ainsi hommes et choses sont-ils des répondants. Les choses existent, il faut en prendre son parti (le monde ne se réduit pas à des représentationS), il faut prendre leur parti contre les hommes, et nous mettre à parler des choses de parti pris, un parti pris esthétique. Telle est la « triple signification indifférenciée » que Sartre dégage du titre le Parti pris des choses. C'est que les choses ont besoin de l'écrivain pour ,' s'exprimer. Dans « le cycle des saisons », les arbres « croient pouvoir dire tout ». En fait, ils s'enferment dans un processus mécanique qui les réduit à l'impuissance. Pour sortir de l'arbre, il faut que l'homme travaille la pâte verbale. 'L'humouf- même permet de se dégager de l'emprise des choses. Par exemple, le mot « dépouillement » renvoie aux feuilles qui tombent et aux bulletins de vote (« la fin de l'automne »). La flore se déplie « à l'oil », c'est-à-dire pour l'oil et gratuitement (« Faune et Flore »).



Le grand rhétoricien



Ponge, en fait, ne revendique pas le nom de poète. Il insiste sur sa différence avec les contemporains : « Ce ne sont pas des poèmes que je veux composer, mais une seule cosmogonie. » Plus qu'à la poésie, c'est à la parole i que va sa préférence. Aussi ne trouve-t-on jamais chez' lui la présence de formes ou de thèmes traditionnellement perçus comme poétiques : ni musique ni abandon gratuit aux images ou à un quelconque sentiment de regret. Ce qui l'intéresse, c'est bien plutôt une perfection qui tend à se dire elle-même de façon parfaite. Dès lors, tout l'effort de Ponge porte sur le travail, non sur l'explication : « Seule la littérature de description, opposée à celle d'explication, permet de refaire le monde et de changer l'atmosphère intellectuelle. » Si sentiment il y a, c'est celui des mots, qu'il nomme dans le titre du livre de 1952, la Rage de l'expression. Le Savon (1967), sorte de journal (commencé dès 1942) d'un poème, tente de saisir l'insaisissable et mêle prose, vers, dialogues, conférences, confidences : « Il y a beaucoup à dire à propos du savon. Exactement tout ce qu'il raconte de lui-même jusqu'à disparition complète, épuisement du sujet. Voilà l'objet même qui me convient. » L'intérêt du savon est de reproduire des « combinaisons rhétoriques ».

Ponge n'a rien d'un réaliste naïf. Au contraire, il veut réaliser dans le langage, faire exister dans le poème la | chose qu'il décrit. D'où sa préférence pour Malherbe, créateur de structures verbales. Un poème est avant tout un édifice littéraire cohérent et autonome. Ses goûts le portent vers des créateurs attachés à un certain travail sur la forme : Rameau, Bach, Stravinski, musiciens « mesurés », Chardin, Braque (auquel il emprunte la formule « l'objet, c'est la poétique », Fautrier et Giaco-metti, et surtout des écrivains comme Horace, Malherbe, Boileau ou Mallarmé « parce que leur monument est fait de la véritable sécrétion commune du mollusque homme, de la chose la plus proportionnée et conditionnée à son corps, et cependant la plus différente de sa forme que l'on puisse concevoir : je veux dire la PAROLE » (« Notes pour un coquillage », le Parti pris des choseS). Ponge revendique ainsi « l'art de résister aux paroles, l'art de ne dire que ce que l'on veut dire, l'art de les violenter et de les soumettre ». Tout ce travail de l'écrivain vise à « fonder une rhétorique, ou plutôt apprendre à chacun l'art de fonder sa propre rhétorique » (ProêmeS).

Mais la rhétorique varie avec l'objet décrit. À chaque objet correspond une forme rhétorique. Le poème sur les cageot doit être dans l'ordre verbal de ce qu'est le cageot dans l'ordre des choses. Le pouvoir du langage est supposé produire un sentiment égal au pouvoir du cageot. Ponge parle « d'une forme rhétorique par objet (c'est-à-dire par poèmE) » (« My créative method »). Entendons que la forme naît de l'objet contemplé, elle ne se calque pas sur l'objet (comme dans les calligrammes d'Apollinaire, par exemplE), mais tire d'elle un équivalent verbal. « Il faut que les compositions que vous ne pouvez faire qu'à l'aide de ces sons significatifs, de ces mots, de ces verbes, soient arrangées de telle façon qu'elles imitent la vie des objets du monde extérieur. Imitent, c'est-à-dire qu'elles aient au moins une complexité et une présence égales, une épaisseur égale » (« la pratique de la littérature »).



« Hors du vieil humanisme »



Sartre prétend que Ponge pose sur les choses un regard phénoménologique. En fait, le rapport de la conscience' à l'objet qu'elle appréhende est essentiellement subjectif, quasiment impressionniste. Regarder le pain, par exemple, c'est avoir l'impression de toucher la chaîne des Alpes. Reste que Ponge propose un nouveau rapport de l'homme avec le monde. Dans toute son ouvre, « ce ne sont pas les choses qui parlent entre elles mais les hommes entre eux qui parlent des choses et l'on ne peut aucunement sortir de l'homme » (ProêmeS).



Plus que phénoménologue, Ponge est anthropomorphe dans son approche des choses et humaniste dans saf relation à l'homme. La confiance qu'il accorde aux mots,! aux noms, correspond à l'exaltation respectueuse de l'artisan dans l'artiste. À ce titre la littérature est bien l'expression parfaite de l'homme, ou plutôt de la réconciliation de l'homme et d'un monde qui semble| parfois lui échapper. Dans le Grand Recueil (1961), Ponge parle de Braque en des termes qui conviennent parfaitement à ses propres ouvres : « Chez Braque, c'est tout notre monde qui se répare, qui se remet à fonctionner. Il frémit et quasi spontanément se remet en marche. Il résonne. La réconciliation a eu lieu. » D'où l'importance, chez Ponge, de ce qu'il nomme l'objeu qui, dépassant la tentation de l'absurde et l'impuissance de la platitude, instaure une création « où, l'objet de notre émotion placé d'abord en abîme, l'épaisseur vertigineuse et l'absurdité du langage considérées seules sont manipulées de telle façon que soit créé ce fonctionnement qui seul peut rendre compte de la profondeur substantielle, de la variété, de la rigoureuse harmonie du monde » (« Le Soleil placé en abîme», 1954).

C'est toujours vers l'homme qu'en fin de compte Ponge revient : « Le poème est un objet de jouissance i proposé à l'homme, fait et posé spécialement pour lui » l (ProêmeS). S'il considère que fonder une rhétorique est « une ouvre de salut public », c'est pour inciter son contemporain à s'accepter lui-même comme homme parmi les hommes et parmi les choses : « Cela sauve les seules, les rares personnes qu'il importe de sauver : celles qui ont la conscience et le souci et le dégoût des autres en eux-mêmes. » L'homme se trouve ainsi enrichi : « J'ajoute à l'homme les nouvelles qualités que je nomme » (« My créative method »).



En fait, Francis Ponge se situe à côté du débat qui opposerait un humanisme conscient de ses droits à un antihumanisme accordant une hypothétique priorité aux objets sur la personne. Lui, qui n'a cessé de reprendre ses textes, de quelque nature qu'ils soient, poursuit une i réflexion faite de reprises, de modulation, de travail | infini. Prenons donc acte de son effort à travers cette déclaration où il exprime, avec conviction et modestie, l'essentiel de son ambition :

« PROÊME. Le jour où l'on voudra bien admettre comme sincère et vraie la déclaration que je fais à tout bout de champ que je ne me veux pas poète, que j'utilise le magma poétique mais pour m'en débarrasser, que je tends plutôt à la conviction qu'aux charmes, qu'il s'agit pour moi d'aboutir à des formules claires, et impersonnelles, on me fera plaisir ;

[...] Du fait seul de vouloir rendre compte du contenu entier de leurs notions, je me fais tirer, par les objets. hors du vieil humanisme, hors de l'homme actuel et en avant de lui [...]. Voilà le Parti pris des choses » (Grand RecueiL).






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