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FRANCIS BEBEY - «Conférence de presse»






«Un jour, le conte convoqua les journalistes des villes et des forêts pour une conférence de presse tout à fait inattendue. Quelque part en Afrique, dans la grande salle de la Maison du Parti. Les murs ont plein d'oreilles en forme de microphones dissimulés partout-partout. Le conte est un des citoyens subversifs qu'il faut toujours avoir à l'oil. Et à l'oreille. Avec sa tête farcie matin farcie midi farcie le soir de révolutions latentes. De coups d'État en herbe. De fulminantes colères du peuple à mettre en branle dès la prochaine injustice du président de la République militaire. Le conte:

«Mesdames et messieurs, je vous ai réunis ici aujourd'hui pour vous parler de moi. »



Il fait une pause afin d'observer la réaction de ses très nombreux interlocuteurs. La salle est en effet pleine de monde.

Hommes, femmes et animaux de toutes les branches de

T information et de la communication.

[Le conte veut montrer à toute «la presse écrite, parlée, sifflée, chantée, filmée, photographique ou photocopiée» qu'il n'a pas dit son dernier mot.]

Alors, devant leur silencieuse hésitation, le conte leur proposa une démonstration à sa façon. Il voulait prouver qu'il était capable d'abandonner le carrosse de Cendrillon pour rouler en Rolls Royce comme tout un chacun. Même par temps de crise économique mondiale, ce qui n'est pas évident.

Et d'accepter que l'animal soit parfois plus intelligent, plus ruse que l'homme. C'est ici que commence la révolution:

«Un jour, le lièvre dit au commerçant de la ville voisine: "Vends-moi à crédit ce magnétoscope que mes enfants ont vu à la vitrine de ton magasin. Vends-le-moi, afin que cessent les disputes dans ma famille." Le commerçant répond: "C'est très simple. Signe-moi ce papier, et chaque mois, je ferai à ta banque un prélèvement sur ton compte." Le lièvre est plus malin que le commerçant. Comme ce dernier ne connaît pas l'alphabet des animaux, il lui est impossible de remarquer que son client a signé du nom d'un de ses voisins de palier, absent du pays depuis plusieurs années. »



(La Lune dans un seau tout rouge, Paris, Hatier, 1989, p. 149; 153-154)



Né en 1929 à Donala (CamerouN), Francis Bebey est chanteur, compositeur, concertiste (dans plus de 75 pays dans le mondE), écrivain et essayiste. Il a été journaliste de radio en Afrique et en France et directeur du Programme de la Musique à F UNESCO, mais à partir de 1974 il se consacre uniquement à la composition musicale et à l'écriture. Il a reçu le prix SACEM de la chanson française (1977) et réside à Paris.

«Philosophe du quotidien» (Fr. Lambert, QuébeC), Francis Bebey est «un homme complet: de musique et de mots, de malice et de colère, de sourire et de gravité, de soleil et d'ombre, d'images et de silence, de réserve et de fraternité, de Nord et de Sud. Un opéra à lui tout seul». (Erik OrsennA)



Retenons, de son ouvre:



Romans



- Le fils d'Agatha Moudio (1967)

- La poupée Ashanti (1973)

- Le roi Albert d'Effidi (1976)

- Le ministre et le griot ( 1992)

- L'enfant-pluie ( 1994)



Nouvelles et contes



- Embarras et Cie (96S)

- Contes de style moderne (1985)

- La lune dans un seau tout rouge (1989)



Fiction jeunesse



- Le petit fumeur (1969)

- Trois petits cireurs (1972)



Poésie



- Avril tout au long (1969)

- Concert pour un vieux masque (1980)

- La nouvelle saison des fruits (1980)



Théâtre (inédiT)



- Congrès de griots à Kankan (1994)



Essais



- La radiodiffusion en Afrique Noire (1963)

- Musique de l'Afrique (1969)/'Africain Music (1975)



Tire du volume de nouvelles et «diracontes» La lune dans un seau tout rouge, le «diraconte» intitulé «Conférence de presse», met en scène un personnage unique, le conte, qui convoque un jour les journalistes des villes et des forêts pour une conférence de presse tout à fait inattendue lui permettant de s'interroger sur ses propres métamorphoses.

Francis Bcbey lui-même définit, en début du recueil, le conte:

«Les contes africains se présentent, aujourd'hui, sous deux formes distinctes: d'une part, les contes traditionnels, qui font partie de la tradition orale, et d'autre part, les contes modernes, souvent inventés par des écrivains de nos jours.

Les premiers sont dits, d'abord, à l'intention d'un auditoire qui ne les connaît que sous cette forme-là, même si, par la suite, ils peuvent être transcrits et gagner ainsi un nouvel «autitoire», celui de lecteurs éventuels. Je les appelle des dicontes.

Les contes modernes, quant à eux, sont des créations individuelles que leurs auteurs font connaître par écrit. Leur premier public est celui de personnes sachant lire. Mais ces contes auront peut-être, un jour, l'occasion ou la chance d'être repris oralement, d'être dits. C'est en prévoyant cette possibilité que je les appelle des diracontes» (p. 3).



Commentaire suivi



Le début du conte définit les paramètres habituellement nécessaires à un conte pour se développer: le temps, indéfini, synonyme de "il était une fois" (Un jouR); l'espace, plus précis, à valeur généralisatrice (quelque part en AfriquE), sur le mode humoristique (la grande salle de la Maison du PartI), mais soulignant par là même l'importance de l'événement; la personne qui donne la conférence est une allégorie qui surprend (le contE), et l'ensemble des journalistes, bloc-notes et crayon à la main, venus de tous les coins (des villes et des forêtS), une image attendue. Mais notre conte est un personnage subversif on doit le tenir à l'oil et à l'oreille: la salle est farcie de microphones dissimulés partout-partout comme la tête du conte l'est tout le temps (farcie matin farcie midi farcie le soiR) de révolutions latentes. Le rôle du conte est d'être toujours à l'écoute des besoins des oppressés, d'inciter à la révolte (des coups d'État en herbE), de nourrir les colères fulminantes du peuple et de combattre l'injustice dans une République, indépendante, certes, mais militaire.



Le but de la conférence est annoncé d'emblée, comme il se doit, mais... surprise, le sujet de la conférence est le conte lui-même. Conscient de l'effet qu'il a pu produire sur son public, il fait une pause pour jauger le nombre et la réaction de ces hommes, femmes et animaux de toutes les branches de l'information et de la communication. L'humour est encore là; l'ironie aussi, surtout dans les adjectifs accompagnant la presse, qui rendent néanmoins la diversité des moyens d'information: écrite, parlée, sifflée, chantée, filmée, photographique ou photocopiée. C'est que le conte ressent amèrement sa marginalisation et veut affirmer son rôle, qui est loin d'être fini, et le fait qu'il n'a pas dit son dernier mot.



L'hésitation de l'audience a besoin d'être dissipée, une démonstration s'impose. Le conte ne signifie plus le carrosse de Cendrillon mais la Rolls Royce dans laquelle on roule comme tout un chacun. L'ironie ne déguise pas l'idée essentielle, à savoir que si le monde progresse, le conte peut tenir le pas, s'adapter. Reconnaître aussi que l'intelligence n'est pas toujours là où on l'a cru et où on la cherche: l'animal est parfois plus intelligent, plus rusé que l'homme. 11 est nécessaire donc de voir changer les mentalités (C'est ici que commence la révolutioN). La fable qu'il raconte, môme si elle apparaît au prime abord comme une adaptation de la Farce de Maître Pathelin, «à trompeur, trompeur et demi» (Le lièvre est plus malin que le commerçanT), va plus loin, élargissant la ruse pour impliquer un voisin de palier, absent du pays depuis plusieurs années. La conclusion, absente du fragment, présente la joie de la famille du lièvre et le commerçant se demande encore «pourquoi la justice devient pourrie chaque fois que le conte se modernise» (p. 154). Et l'auteur de conclure, avec philosophie: «Ce doit être le propre des siècles d'aujourd'hui: ceux d'autrefois duraient cent ans et la belle au bois dormant se réveillait. Les siècles de nos jours, quant à eux, ne durent que le temps d'un conte, et ffft !... notre carte de crédit ne vaut plus rien. Adieu - veau - vache - cochon - idiot.

Applaudissements nourris et crépitants de toute la salle.

Le conte est fini.» (p. 154)



A consulter



1. Lambert, Fernando, «Francis Bebey et l'humour», dans Africultures, no. 49.

2. Magnier, Bernard, «Francis trempait sa plume», dans

Africultures du 04/10/2002.

3. Tagne, David Ndachi, Francis Bebey, Paris,

L'Harmatttan, 1994.

4. Tenaille, Frank, «L'"effet" Francis Bebey, entre mémoire et contemporanéité», dans Africultures, no. 49.



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