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De Jocelyn aux Recueillements






L'Épopée rédemptrice de Jocelyn.



De poème en poème, on sent l'effort de Lamartine pour rejoindre autre chose que le cri de l'âme. Il s'achemine vers la conception d'un grandiose poème, celui dont rêvent les ambitieux romantiques et dont la Légende des siècles est la représentation la plus achevée. Cet enthousiasme, ce goût des ouvres titanesques est une marque de l'époque, avant que ne s'amenuisent les ambitions et les projets au fur et à mesure qu'on va vers plus de délicatesse artistique. Comme toujours, Lamartine fait part de son programme :



Je cherchais quel était le sujet épique approprié à l'époque, aux mours, à l'avenir, qui permît au poète d'être à la fois local et universel, d'être merveilleux et d'être vrai, d'être immense et d'être un. Ce sujet, il s'offrait de lui-même, il n'y en a pas deux : c'est l'humanité, c'est la destinée de l'homme; ce sont les phases que l'esprit humain doit parcourir pour arriver à ses fins par les voies de Dieu.





D'une épopée mettant en scène un ange épris d'une mortelle et condamné par Dieu à vivre pour sa purification plusieurs vies humaines sur la terre (symbole de l'humanité cherchant son rachat par de multiples épreuveS), il n'a conçu que deux immenses épisodes : Jocelyn et la Chute d'un ange.

Jocelyn, 1836, se présente comme un «Journal trouvé chez un curé de campagne », thème que reprendront des romanciers contemporains. Le poème est composé de neuf époques entre un épilogue et un prologue. La vie et les aventures de l'abbé Dumont, premier éducateur du poète, lui fournissent la trame du récit, la fiction poétique se mêlant aux faits réels. Le héros est « le type chrétien de notre époque, le curé de village, le prêtre évangélique ». Séminariste, Jocelyn a dû s'enfuir pour échapper à la tourmente révolutionnaire. Caché dans une grotte des Alpes, il y recueille une jeune proscrite, Laurence, pour laquelle il éprouve une vive passion. Il est alors appelé au chevet de son évêque moribond et reçoit de ses mains l'ordination. Ces voux l'amènent à se détourner de Laurence. On le verra vieillir dans une humble cure de campagne avant qu'un jour il soit appelé auprès d'une mourante : il reconnaît Laurence, il lui ferme les yeux et l'ensevelit dans la grotte alpestre où sa seule passion humaine s'était éveillée. Mais ce n'est là qu'un bref résumé.

On retrouve là le poète des Méditations et des Harmonies. Ce sont encore des descriptions de nature (la grotte des Alpes ou le printempS), des élans de l'âme et des élévations religieuses. Dans un cadre champêtre, une poésie émue et pénétrante se déroule. Auprès des moments élevés, ceux qui rappellent les Révolutions ou l'Infini dans les deux, on trouve une poésie simple et familière, celle du curé enseignant le catéchisme, parlant avec ses paroissiens dans la promenade, surprenant les humbles douleurs des hommes. Les scènes villageoises abondent comme le bal ou le réveil à l'Angélus :



Les filles du village à ce refrain joyeux

Entrouvraient leur fenêtre en se frottant les yeux,

Se saluaient de loin du sourire et du geste,

Et sur les hauts balcons penchant leur front modeste

Peignaient leurs longs cheveux qui pendaient au dehors.



Ses vers prosaïques ont du charme. On voit Jocelyn instruire les enfants du village et dire son bonheur d'être avec eux :



Puis je pense tout haut pour eux; le cercle écoute,

Et mon cour dans leur cour se verse goutte à goutte.



Il y a là un Lamartine rousseauiste. Romanesque, il donne des scènes pathétiques comme l'ordination dans la prison, les funérailles de Laurence qui rappellent celles d'Atala, l'hymne au travail des Laboureurs. Les descriptions de ce poème symbolique et philosophique sont fluides, naturelles, musicales, et le lecteur capable de se dépayser est étonné par l'abondance du récit et sa tranquille sincérité. Les penchants de Lamartine à la sérénité conquise sont partout. J'imagine qu'un jeune homme du xxe siècle lisant bien ce poème pourra sourire de ce qui lui paraîtra naïf et lointain, je doute qu'il ne trouve pas quelque plaisir et quelque admiration. Il répond à ce que Fénelon demandait : « Un sublime si familier, si doux et si simple que chacun soit tenté d'abord de croire qu'il l'aurait trouvé sans peine. » Les paraboles de l'apostolat charitable se déroulent sans heurts, monotones, avec les signes d'une bonté optimiste malgré la tristesse ambiante. Jocelyn est un homme sensible, dominé par le sentiment. Son épopée porte la trace des combats intérieurs de Lamartine qui sent se désagréger sa foi religieuse et tente de l'affermir par un tableau idéal. Lamartine est de la famille de Racine, non de celle de Corneille, et son héros indécis est à l'opposé des âmes fortes. Jocelyn nous dit sans cesse une foi religieuse fort simple qui tient en quelques mots : la bonté de Dieu qui en est l'affirmation. Il en est le héros sacrifié, immolé, voulant répandre un grand sourire au monde, mais ne pouvant l'empêcher d'être empreint d'une mélancolie profonde. Ce sont finalement les étapes d'un calvaire moral qui se détachent sur un fond de nature infiniment agréable. Ce n'est plus « le deuil de la nature », mais le deuil de l'homme dans la nature qui fait contraste.



Avec l'Ange Cédar.



Autant Jocelyn était proche des réalités, autant la Chute d'un ange, 1838, est un appel à l'imaginaire. Lamartine nous avertit :

Les angoisses d'un esprit céleste incarné par sa faute au milieu de cette société brutale et perverse, où l'idée de Dieu s'était éclipsée et où le sensualisme le plus abject s'était substitué à toute spiritualisation et à toute adoration, voilà mon sujet dans ce fragment d'épopée métaphysique.

Un premier chant de l'épopée aurait conté la Création, la Chute d'un ange devait le suivre. Il s'agit d'un récit et de quinze visions préhistoriques montrant l'ange Cédar devenu homme, et homme esclave, pour la punition de son amour terrestre, où sont décrites les souffrances et l'expiation. L'ange déchu ne pourra retrouver au ciel l'objet de son amour que lorsqu'il aura été purifié par plusieurs vies et plusieurs morts méritoires.

On relève plusieurs influences : les Amours des anges, 1820, de l'Anglais Thomas Moore, les Paroles d'un croyant, 1834, de Lamennais, les ouvres de Chateaubriand, et surtout Éloa, 1824, d'Alfred de Vigny dont le poème se rapproche sans en avoir la force. Si Jocelyn connut le succès parce que les contemporains de Lamartine trouvaient un écho d'eux-mêmes, la Chute d'un ange laissa le public perplexe.

La Chute d'un ange montre un effort du poète pour atteindre à une vigueur comparable à celle de Vigny ou de Hugo. Il y parvient parfois, mais l'ensemble pèche par trop de longueurs, de confusion dans la composition, de hâte dans l'écriture. Il faut reconnaître une fois encore la beauté des descriptions pastorales. Elles alternent avec des tableaux cruels, des horreurs accumulées dans une violence orientale. En son temps, les lecteurs furent surpris par les imaginations incessantes, la bizarrerie, l'étrangeté, la peinture confuse de ce monde primitif où un aigle enlève des enfants pour les porter dans une caverne, où apparaissent des machines volantes.

Dans les tableaux qui appellent le plus de vigueur, comme la Révolution au pays du roi Nemphed, la lutte de Cédar contre des brigands, il se montre mal à l'aise, inférieur à ce qu'un Hugo peut faire avec de tels sujets. On sent que le poète se force et ne parvient pas à convaincre. Il a de la qualité lorsqu'il est plus proprement lamartinien, par exemple dans la poésie biblique, dans la plus belle des parties, le Chour des cèdres du Liban. Mais une ouvre décriée en son temps même pourrait-elle être reçue aujourd'hui? On y trouve en tout cas un effort de renouvellement et, à défaut de l'admiration constante, le poète a droit à l'estime.

Il aurait fallu que Lamartine pût se consacrer entièrement au poème. Pris par la politique, il nous donne une idée de son emploi du temps alors qu'il écrivait son poème :



J'attends les chemins de fer pour plaider puissamment ma « décentralisation ». Je fais à l'Hôtel de Ville, lundi, un « superbe discours », comme on dit, sur les horreurs de l'administration actuelle relative aux Enfants trouvés... Je lis ce soir mon rapport aux Affaires étrangères. J'étudie vingt volumes de chemins de fer. Je parais en deux volumes de poésie, dans sept jours. J'ai quarante lettres et deux ou trois séances par matinée. Je monte à cheval au Bois de Boulogne deux heures. Je ne dîne pas chez moi un jour par semaine. J'ai cent vingt personnes le soir deux Ibis par semaine. Je suis malade et triste.



Pris dans cette course, comme le serait un homme d'aujourd'hui, il commet tant d'incorrections de style et de vers boiteux que la critique s'indigne. II devra beaucoup corriger. Le livre se vend bien pourtant. Lamartine gagne même de l'argent. Mais le sujet ne plaît pas. Voulant étonner, quitter les sentiers battus, rejoindre un projet surhumain, Lamartine ne fait que choquer et ennuyer. Personne ne se retrouve dans les caractères des héros; ces orgies orientales, ces crimes effroyables, ce satanisme surprennent. On ne retient que cela qui ne plaît guère. Et aujourd'hui? Avouons-le, on ne lit plus ce poème. Et si l'on tente l'effort, ce n'est pas sans lassitude. Heureusement, des récompenses nous attendent : on a la surprise de découvrir une poésie objective, un univers sorti de l'imagination, des idylles, des passages didactiques, philosophiques, descriptifs qui ne déçoivent pas, des cris de colère contre les oppresseurs, un appel à la justice sociale hautement revendiquée. Sans l'homme politique, avec du travail, nous aurions eu là un des grands poèmes français, mais peut-on reprocher à Lamartine de concilier le rêve et l'action?

La Chute d'un ange,Jocelyn sont les ruines du beau rêve avorté sur les traces du Tasse ou de Milton : celui du plus vaste poème humanitaire qu'on ait jamais écrit. Ne se sentant pas suivi, porté, le découragement gagna le poète. Les lecteurs ne croyaient pas qu'il tiendrait ses promesses. La vie le prenait. Il renonça, comme il l'écrit au comte Aymon de Virieu : « Entre nous cela ne vaut pas grand'chose » et encore un peu plus tard : « C'est détestable. » Mais on ne saura oublier son Chour des cèdres, souvenir du voyage au Liban. Nous avons là la plus noble et la plus haute poésie.



Le Dernier recueil.



On peut prendre le titre de Recueillements poétiques, 183g, dernier des grands ensembles de Lamartine, non seulement au sens de repli sur soi-même pour de pieuses méditations, mais à celui de « recueil » de pièces diverses, car il s'agit de trente poèmes isolés sans aucun lien entre eux. Ici, Lamartine se répète. Il y a des beautés, mais qui semblent rajeunies, fardées, et l'inspiration réelle, nouvelle, ne se montre que par intermittence. Le public, là encore, bouda : certains poèmes sentaient le déjà lu, le Lamartine s'imitant lui-même; d'autres surprenaient par leur audace. Ainsi Utopie, prophétie humanitaire, par laquelle il annonce l'homme nouveau qui sera bon, libre, heureux, riche, intelligent, paré de toutes les perfections physiques et morales. Certaines épîtres de circonstance font songer au traitement du genre par Voltaire, le lyrisme mélancolique en plus.

Si dans la plupart de ces pièces, l'inspiration, la démonstration ont quelque froideur, s'il se montre grandiloquent et faussement sentimental, on peut retenir un quart du recueil qui échappe à ces défauts. Toute la fraîcheur, toute la spontanéité, toute la simplicité dont sait être capable Lamartine dans ses grands moments apparaissent dans la Vigne et la Maison où il évoque le peuple heureux des jours de son enfance provinciale, dans le Cantique sur un rayon de soleil où il célèbre la grandeur de Dieu, dans la Cloche du village où il souhaite pour sa mort non le funèbre glas, mais le carillon de la fête :



Si quelque main pieuse en mon honneur te sonne,

Des sanglots de l'airain, oh! n'attriste personne.

Ne va pas mendier des pleurs à l'horizon,

Mais prends ta voix de fête, et sonne sur ma tombe

Avec le bruit joyeux d'une chaîne qui tombe

Au seuil libre d'une prison.



Ou chante un air semblable au cri de l'alouette

Qui s'élevant du chaume où la bise la fouette,

Dresse à l'aube du jour son vol mélodieux,

Et gazouille ces chants qui font taire d'envie

Ses rivaux attachés aux ronces de la vie,

Et qui se perd au fond des cieux!



Un peu partout, la jeunesse perdue, les regrets du temps passé, la fuite des jours, c'est là qu'il excelle. Le poème A M. Félix Guille-mardet est plein de générosité et de charité. Le Toast aux Gallois est un poème de communion celtique. Celui A une jeune fille poète adressé à l'ouvrière dijonnaise Antoinette Quarré est un des nombreux témoignages des préoccupations sociales des romantiques.

Après les Recueillements, Lamartine écrit encore des poèmes. Il complétera des recueils, donnera des pièces nouvelles ajoutées dans l'édition des Ouvres complètes, 1842, et l'on retient la Marseillaise de la paix pour en rappeler l'histoire. Le poète allemand Nicolas Becker ayant écrit un Rheinlied, il lui répond en 1841 par le célèbre poème où retentit le vers fameux : « Je suis concitoyen de tout homme qui pense. » Trois guerres franco-allemandes semblent nier ce poème; il demeure cependant comme un moment historique de la plus haute pensée. Il dépasse le défi cocardier lancé par Musset à l'instigation de Mme de Girardin, et l'on voudrait que les enfants des deux nations le lisent encore. C'est un grand poème antiraciste et fraternel. Hélas! il ne sera pas entendu.

Une Marseillaise noire apparaît dans son Toussaint Louverture, pièce en vers comme dans Saûl et Médée que traverse un écho de Racine. Dans les huit poèmes du Cours familier de littérature domine une méditation poétique, le Désert ou l'immatérialité de Dieu et il reste à glaner çà et là de beaux passages.

Faut-il conclure? Rappelons que Lamartine, à sa manière, est un poète engagé. Il vante l'action politique :



Qu'est-ce qu'un homme qui à la fin de sa vie n'aurait fait que cadencer ses rêves poétiques, pendant que ses contemporains combattaient, avec toutes les armes, le grand combat de la patrie et de la civilisation ; pendant que tout le monde moral se remuait autour de lui dans le terrible enfantement des idées et des choses? Ce serait une espèce de baladin propre à divertir les hommes sérieux, et qu'on aurait dû renvoyer avec les bagages parmi les musiciens de l'armée.



Cette sévérité envers le poète, proche du « joueur de quilles » de Malherbe serait-elle l'écho d'une déception? On a oublié l'orateur, l'homme d'État, l'historien; on a surtout retenu le poète, et c'est par lui qu'il a contribué à changer les mentalités. Rejette-t-il lui-même sa part de poésie qu'elle ne peut lui être ôtée. C'est elle qui l'arrache à l'oubli. Elle nous apporte, malgré les réserves qu'on peut faire, malgré qu'elle soit datée, la voix d'un interprète du cour, d'un homme libéral, généreux, épris de justice sociale, la voix d'un ami qui veille à donner un écho à nos sentiments profonds, qui nous élève au-dessus de nous-mêmes, ce qu'il souhaite dans son texte Des Destinées de la poésie :



Une douleur que vos vers ont pu endormir un moment, un enthousiasme que vous avez allumé le premier dans un cour jeune et pur, une prière confuse de l'âme à laquelle vous avez donné une parole et un accent... La moindre de ces choses saintes consolerait de toutes les critiques et vaut cent fois, pour l'âme du poète, ce que ses faibles vers lui ont coûté de veilles ou d'amertume.






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