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Contradictions des années de transition LITTERATURE FRANÇAISE: Angoisse, évasion ou maîtrise ?






PRÉSENTATION GÉNÉRALE



1. Quand commence le XVIIe ?



Si le XVII est le siècle du centralisme, il commence politiquement entre 1594 et 1598.

Henri IV abjure (25 juillet 1593), l'Église le couronne (27 février 1594), Paris lui ouvre ses portes (22 mars 1594). Ralliement, amnistie, mobilisation, finalement paix avec l'Espagne (2 mai 1598) et réconciliation de l'Édit de Nantes (13 avril 1598). « Il ne faut plus faire de distinction de catholiques et de huguenots, mais il faut que tous soient bons Français », au service de l'État monarchique, garant de l'intérêt national (Henri IV, 1598). C'est ce que répétera le cardinal de Richelieu : « divisés en la foi, nous demeurons unis en un prince au service duquel nul catholique n'est si aveugle d'estimer, en matière d'Etat, un Espagnol meilleur qu'un Français huguenot » (1616). Une nouvelle époque commence. Elle n'est que provisoirement remise en cause par l'assassinat du roi en 1610 et se consolide à partir de 1624.





Les dates ci-dessus sont essentiellement politiques. Mais la fin de trente-deux ans de guerres civiles marque un changement dans tous les domaines. A Paris, les représentations théâtrales, interdites depuis 1588 reprennent. De 1589 à 1593, on ne publie que 135 ouvres littéraires par an, en moyenne. Il y en a 221 de 1594 à 1597, 244 de 1598 à 1605 (R. ArbouR). Toutefois, jusque vers 1606, les thèmes, genres, styles et goûts du passé l'emportent, par habitude et parce que la littérature réagit à l'ordre nouveau plus qu'elle ne l'exprime. Le XVII' littéraire ne s'affirme qu'à partir de L'Astrée (V partie 1607), de l'Introduction à la vie dévote (1608-1609) et de la reconnaissance de Malherbe qui, dans un recueil de 1609, arrive à la troisième place après Du Perron et Bertaut.



2. Contradictions économiques, sociales, politiques et religieuses



Pour Sully, « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». Un autre ministre, Laffemas, prône le commerce et l'industrie ; de 1601 à 1610, on crée 250 manufactures ; le dramaturge Montchrestien écrit un Traité de l'économie politique (1615). Mais, dès qu'on le peut, on quitte le commerce pour l'administration, qui permet à terme l'anoblissement (1). pJn édit de 1604 permet l'hérédité des offices* moyennant un droit annuel égal au soixantième de la valeur de la charge : cette « paulette » consacre l'existence à côté des gentilshommes féodaux d'une « noblesse de robe » (expression apparue en 1603). Intellectuels, les robins influencent fortement la vie culturelle. A Paris, sur l'ensemble du siècle, ils détiennent 52 % des bibliothèques .



La paix, c'était la victoire du pouvoir central et du Tiers Parti, centriste et réaliste, où dominent les robins*. C'était la défaite des extrémistes protestants et ligueurs et des Grands, redevenus chefs de partis, de région, voire du pays tout entier comme les Guises. Les extrémistes resteront opposés à Henri IV, renégat pour les protestants, hérétique pour les catholiques : l'un d'eux l'assassinerA) (14 mai 1610). Des Grands comploteront en 1602 et 1605-1606 ; ils reprendront les armes en 1613-1616 et 1620 ; puis c'est la guerre contre les protestants (1620-1622). Le pouvoir lui-même est divisé : le ministre Con-cini, devenu tout puissant, est assassiné sur ordre du Roi (24 avril 1617) ; Louis XIII exile sa mère qui lève des troupes contre lui (1619-1620).



Les Français ne sont pas seulement divisés en catholiques et protestants. « Aucune époque chrétienne n'a sans doute été plus pénétrée de surnaturel que le début du XVII' siècle » (J. DagenS) qui est aussi un moment de « libertinage flamboyant » (R. PintarD).

Minoritaires, les protestants étaient souvent d'une foi ardente. Majoritaires et soutenus par le pouvoir, les catholiques étaient souvent des chrétiens de routine : le redressement sera spectaculaire. En 1594, l'Église de France est dans un état lamentable. A cause des destructions et parce que la violence guerrière l'a emporté sur la vie spirituelle. Mais aussi pour une raison moins conjoncturelle : l'Église possède jusqu'au quart des terres (2) et divers autres revenus, notamment la dîme. On brigue les revenus d'un évêché, d'une abbaye bien plus qu'une charge pastorale. C'est en fait le roi qui nomme les responsables : il choisit ses fidèles plutôt que ceux du Christ.

Mais à partir des armées 1590 se dessine un élan de ferveur religieuse qui va marquer toute la première moitié du siècle. A eux seuls, les capucins fondent 229 couvents de 1589 à 1624 ; onze couvents créés à Bordeaux entre 1602 et 1626, une centaine à Paris entre Ligue et Fronde et plus à Rouen en trente ans, dit le Parlement, que dans le millénaire précédent. Les couvents se réforment. En 1609, Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal, interdit à son père l'entrée du couvent ; devant sa fureur, elle s'évanouit, mais ne cède pas. François de Sales comparant le Paris de 1618 à celui de 1602 y trouve « un tel accroissement de piété que c'est merveille ».

De 1594 à 1609, en compensation à la défaite du parti religieux, on observe un élan mystique sans pareil dans l'histoire de France. Puis la construction de l'ordre nouveau ramène l'ardeur vers les réalités d'ici-bas, dans le dynamisme optimiste d'un humanisme chrétien.



3. Diversité des conditions de la pratique littéraire



Paris est certes la capitale économique, politique et culturelle : les plus grands et les plus nombreux mécènes, les plus grandes facilités d'impression, le public le plus nombreux et le plus influent. On quitte sa province, définitivement (Malherbe, Régnier, MotiN) ou périodiquement (d'Urfé, MaynarD) ou du moins l'on essaie d'être en relations avec les cercles de la capitale. Cependant la vie littéraire est féconde en province, notamment à Rouen, Caen, Lyon, Aix, Toulouse. Les écrivains eux-mêmes voyagent beaucoup. Pour faire leurs études : Balzac et Théophile aux Pays-Bas, Malherbe à Bâle et Heidel-berg. Pour faire la guerre : d'Urfé, Racan, Théophile. Pour suivre leur protecteur : Régnier et Maynard à Rome, Desportes en Italie et en Pologne, Théophile à travers la France et en Angleterre, Saint-Amant à Rome, en Angleterre, en Pologne, Voiture à Bruxelles et Madrid en passant par Londres et Ceuta. Ou de leur propre chef : de 1611 à 1615, Théophile vagabonde dans une troupe de comédiens. Saint-Amant va en Espagne, en Dauphiné, en Angleterre, aux îles de Lérins, en Italie, aux Pays-Bas, en Suède, peut-être en Amérique. Expérience et liberté.

La vie collective des écrivains est fort importante (salons, groupes, recueilS), mais bien moins autonome qu'à la Renaissance. L'écrivain n'est plus le révélateur de vérités supérieures : il est au service d'un groupe, d'une cause, d'un goût définis hors de lui. L'auteur n'est plus un intellectuel écrivant d'abord pour ses pairs. Ses dépendances politiques et sociales orientent son ouvre ; il est souvent engagé ou, malgré qu'il en ait, au service de l'idéologie dominante. Dans le public, la jeunesse courtisane et mondaine compte de plus en plus, surtout après 1610, poussant à une littérature d'éducation et d'agrément. Le statut de Hardy, auteur à gages d'une troupe de comédiens, fournissant à la demande des ouvres qu'il ne peut publier parce qu'elles ne lui appartiennent pas, est marqué par la situation particulière du théâtre. Mais il s'inscrit bien dans une époque où ce sont les entreprises guerrières, festives ou amoureuses du Roi et les événements de la Cour qui font écrire Malherbe, où la poésie encomiastique est importante et généralement sincère, où tant de poèmes sont publiés en recueils collectifs (40 de 1597 à 1630, plus les rééditions, et les recueils libertinS) à l'initiative d'un éditeur et non pas en ouvres personnelles d'auteurs, où le dynamisme religieux et le besoin de contrer les chants de Marot et de Bèzc, diffusés par les protestants, conduisent presque tous les poètes à paraphraser les psaumes, même quand leur foi est tiède.



On répète volontiers que les gentilshommes dédaignent la vie intellectuelle, affaire de robins et de bourgeois, et d'autant plus que toute une génération vient de passer son temps sur les champs de bataille. « De mon temps [vers 1620-1625], on ne faisait étudier les gentilshommes que pour être d'Eglise ; [...]. Ceux qu'on destinait à la Cour ou à l'armée [...] apprenaient à monter à cheval, à danser, à faire des armes, à jouer du luth, à voltiger, un peu de mathématiques, et c'était tout [...]. Du latin, de mon temps, du latin ! Un gentilhomme en eût été déshonoré (3). » Francion rencontre des courtisans qui « avaient mal au cour quand ils voyaient seulement un papier » (p. 1290). Il n'empêche que dans leur grande majorité lesécrivains sont des nobles (avec une faible majorité de nobles d'épéE) ce qu'on ne reverra plus avant le Romantisme : d'Aubigné, Malherbe, d'Urfé, Théophile de Viau, F. de Sales, Du Vair, Camus, Du Perron, Bertaut, Montchrestien, Maynard, Racan, Boisrobert, La Ceppède, Nervèze, Lingendes, Laugier de Porchères, Motin, Rosset, Schélandre, Sponde, Vauquelin des Yveteaux. Cela accentue la relation entre la littérature et la vie de cour, pousse vers l'élitisme et explique en partie l'importance de la poésie. Les bourgeois, peu nombreux (Charron, Hardy, Régnier, SoreL), sont nettement différents, le premier par son rationalisme, les deux derniers par leur réalisme critique.

La littérature ne nourrit pas directement son homme - à moins d'être stipendié comme Hardy. Les éditeurs ne rémunèrent que les succès : mille livres pour la troisième partie de L'Astree ; mais d'Urfé a soin de les faire percevoir à son homme de chambre, car un noble ne saurait chercher profit, ni l'esprit être vendu comme vulgaire marchandise. Ceux qui monnaient leurs ouvres sont vigoureusement critiqués.

La moitié des grands écrivains vit de son patrimoine ou de ses charges. Les autres sont à la recherche de protecteurs et se plaignent de la dureté des temps, comparée à l'époque des Valois : « La plupart des Français, autrefois si jaloux de l'honneur des lettres, font gloire de les ignorer ; [...] savoir l'art des Muses est une honte et être appelé poète une injure (4). »



Ainsi lorsque l'on voit un homme par la rue

Dont le rabat est sale et la chausse rompue

Ses grègues au genoux, au coude son pourpoint,

Qui soit de pauvre mine et qui soit mal en point,

Sans demander son nom on le peut reconnaître

Car si ce n 'est un poète au moins il le veut être.

(RÉGNIER, Satire II, 1597, 43-48)



Vers 1620, La pauvreté des poètes nomme les principaux d'entre eux. Et Malherbe même eut des moments difficiles.

La difficulté vient du grand nombre d'écrivains plutôt que de l'absence de protecteurs. Certes, le mécénat royal est faible, Henri IV un peu rustre n'aime guère les belles-lettres ; il est seulement sensible à leur utilité. La Régente serait plus favorable : mais Concini et les Grands vident les caisses. Les mécènes princiers sont nombreux et leurs orientations diverses. D'un côté la reine Margot (fille d'Henri II et femme répudiée d'Henri IV) entourée, dans son exil d'Usson puis à Paris de 1605 à sa mort en 1615, d'une cour fidèle à l'esprit de la Pléiade. De l'autre Bassompierre, Cramail, et surtout Montmorency, protecteurs d'écrivains modernistes et libres penseurs : Molière d'Esser-tines, Mairet, Maynard, Saint-Amant, Théophile. Et puis Bellegarde, Candale, Condé, Nevers, d'Harcourt, Rohan ; les salons de Mmes de Cimiez, de Guise, des Loges, de Senneterre, de Thémines. Cette situation favorise la poésie, genre noble, apte à la célébration officielle et au divertissement mondain, et permet le succès de L'Astree.



4. Un dénominateur commun : le lyrisme d'une époque de crise



Par-delà leur riche diversité, les années 1598-1628 ont pour caractère commun d'être une époque de crise, de transformation, c'est-à-dire de relative insatisfaction, contre laquelle chacun réagit, opposant son désir aux réalités. D'où la domination du lyrisme. Pour dire l'angoisse de la précarité ou en jouir (le baroquE), imaginer l'utopie (le romanesque et la pastoralE), dénoncer le présent avec verve (RégnieR) et même pour célébrer l'ordre nouveau et son avenir (MalherbE).



La poésie domine ce début de siècle avant de sombrer pour deux cents ans : lyrisme baroque de l'ébranlement affectif où s'exprime la crise, lyrisme utopique, ludique, romanesque de l'imagination qui la fuit, poétique rationnelle de l'ordre nouveau dont la discipline va bientôt interdire ce lyrisme. L'Astree est lyrique ; la tragédie et ses longues déplorations, la pastorale et ses évasions sentimentales et romanesques sont plus lyriques que dramatiques. Sauf chez malher-biens et stoïciens, la Femme (5), la Nature et Dieu, dominent la littérature, exprimant la recherche d'une satisfaction affective. La frénésie des duels, l'ardeur mystique ou libertine, l'optimisme humaniste, l'éloquence fleurie des prédicateurs, l'exacerbation générale des signifiants témoignent aussi de cet expressionnisme lyrique. Seul le néostoïcisme se renferme dans un rationalisme restrictif.

Ce lyrisme de réaction aux réalités nouvelles s'alimente à la riche tradition poétique du XVIe siècle et surtout à une mentalité animiste et allégorique exacerbée par la crise.

Jusque-là, les hommes vivaient dans un monde largement dominé par les processus naturels (biologiques et météorologiqueS), dans une société où le statut de chacun dépendait de son origine génétique, dans un univers animé par son Créateur. C'était leur seul champ d'observation et par conséquent leur modèle explicatif, la structure de leur pensée. Chaque chose a pour principe une force vive (« âme » ou « vertu », c'est-à-dire force animatricE), source de toutes ses propriétés, analogue aux désirs et volontés qui nous animent nous-mêmes. La < vertu », c'est la « puissance d'agir qu'il y a dans tous les corps » (Furetière, 1690). L'opium fait dormir parce qu'il a une vertu dormi-tive. Ces âmes ou vertus sont des ramifications ou étincelles de la Nature, de l'Ame du monde, de Dieu, si bien qu'il y a entre toutes choses des correspondances et des circulations d'énergies.

Cet animisme, ce vitalisme est réactivé au XVIe* siècle par l'enthousiasme devant les merveilles d'une Nature plus animée que jamais et par la découverte du panthéisme antique. On voit partout correspondances, sympathies ou antipathies, métamorphoses. La nature est un texte fantasmagorique, un « grand livre d'hiéroglyphes » (La Ceppède, 1613) où le réel manifeste le surnaturel et n'est pas séparable de l'imaginaire. Tout est signifiant et symbolique. La pensée n'est pas radicalement distincte de la matière. D'où l'importance de l'alchimie, qui vise à la transmutation des métaux, de la magie, efficace par la métaphore de signes analogiques (6), et enfin d'une poésie où les mots, les signes ne sont pas les outils d'un travail, mais la manifestation d'un au-delà. La Réforme (analyse rigoureuse des texteS), l'importance croissante des négociants, financiers, officiers, de tous ceux qui calculent et organisent, favorisaient le développement d'un rationalisme analytique. Mais les guerres civiles et religieuses l'ont discrédité en scepticisme. Elles ont ébranlé les structures sociales et mentales. L'anxiété active l'animisme jusqu'au fantastique. Les idées d'un univers infini, d'une Terre tournant sur elle-même et qui ne serait plus le centre du monde, enthousiasmantes en période d'expansion, deviennent alors inquiétantes. Elles contredisent la Bible, les sens, les bases culturelles d'une humanité rassurée par la stabilité de la Terre et la clôture de la voûte céleste. L'idée d'un univers infini « porte avec elle je ne sais quelle horreur secrète » (KepleR).



La nouvelle philosophie révoque tout en doute

Le Soleil est perdu et la Terre et aucune intelligence humaine Ne peut nous bien diriger à sa recherche

Tout est en pièces, toute cohérence évanouie

La meilleure des beautés, la proportion, est morte.



écrit le poète anglais Donne (1611). Dans la crise générale des structures, dans l'angoisse et la quête, l'obscure polysémie des signes s'est encore accrue. Les métaphores deviennent plus nécessaires que jamais pour rattraper les dérives et combler les ruptures. Mais il faut bien voir que le nouvel ordre économique, politique et rationnel aussi bien que la poétique malherbienne se construisent contre cette mentalité.



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