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BALZAC - La Comédie' humaine






Ce qu'on doit reconnaître d'emblée, avant toute chose, dans l'ouvre balzacienne, c'est le rôle immense, démesuré, quasi exclusif, joué par un certain principe, la cause efficiente. U s'affirme dès l'abord comme le vrai possesseur de l'être. Il gouverne, il dirige, il détermine. Chez Balzac il porte un nom : il s'appelle désir. Le désir est la cause déterminante de toutes les actions de l'être.

Cette hégémonie du désir s'impose dans le monde balzacien avec une force irrésistible. Il règne dans les profondeurs de la pensée comme dans les replis du sentiment et jusque dans les réactions obscures de la vie physique. Toutes les activités humaines sont nécessairement dirigées par lui. Avec la même rigueur il étend son empire sur la multitude des rapports qui s'enchevêtrent dans la vie externe.





Bref, sur tous les plans, dans ce monde universellement soumis au désir, l'action de celui-ci prédomine. Elle établit partout sa suprématie. Elle ne tolère d'autre activité que la sienne. Elle est sans rivale. Elle exclut la possibilité que puisse exister dans sa sphère un autre principe d'activité que le sien. De sorte que le roman balzacien se présente comme déroulant sans hiatus toute la chaîne des événements dont elle est la cause unique.

Désir et détermination ne sont donc qu'une seule et même chose. Plus exactement encore, le désir est la seule forme que prenne en l'être la cause déterminante.



Certains seraient tentés de le contester. Ils aimeraient croire que le phénomène ainsi décrit n'est pas dû à la seule action de la cause déterminante; ou plutôt ils se trouvent choqués par l'obligation où nous met Balzac lui-même de ramener tous les effets perceptibles dans ses romans à une cause unique. Ou bien ils ne voudraient pas la voir sous son aspect le plus abstrait, comme une sorte de principe général. Ils ne voient pas la liaison, pourtant extraordinairement étroite, que Balzac établit entre d'une part la cause unique déterminant tous les faits, et d'autre part le caractère capricieux, fluctuant, apparemment aveugle et néanmoins despotique, que cette cause assume le plus souvent dans l'application de ses desseins. C'est cet aspect second de la cause première qu'ils retiennent surtout dans leur analyse du roman balzacien. Il est vrai que, le plus souvent, dans La Comédie humaine, le principe causal n'apparaît visiblement que sous la forme, souvent anonyme, d'un déchaînement de forces sans origine évidente, surgissant irrésistiblement dans l'existence de façon catastrophique, sans qu'il soit possible clairement de remonter jusqu'à la cause première du désordre qu'elles créent. Maintes fois dans son ouvre, Balzac appelle cette force, ou ensemble de forces, une soif, une faim, une activité « dévorante ». C'est ainsi que pour les montrer à l'ouvre, il insiste moins sur la rigueur avec laquelle le pouvoir créateur ou déterminateur s'exerce, que sur la faiblesse de la réaction par laquelle le créateur répond à cette pression. Parfois, pour décrire ce phénomène, il parle de « création dans le vide », de « soif au milieu du désert », ou encore de « gouffre sans fond ». Ailleurs l'étrange déploiement de puissance qui se retrouve presque toujours dans le roman balzacien apparaît alors moins comme une description nette et positive de la puissance elle-même que comme le constat des dégâts, souvent multiples et grandioses, causés par celle-ci. Pour les représenter sous une forme concrète, Balzac emploie parfois certaines expressions surprenantes; par exemple," celle de « cruche vidée », dépeignant plutôt l'effet que la cause. Ailleurs encore, Balzac ira jusqu'à décrire l'objet soumis à l'agression de l'énergie causale comme « dépouillé de toutes ses formes ». Dans ces deux exemples, comme dans bien d'autres, l'on voit clairement comment le plus souvent se trouve présenté par Balzac le rapport de cause à effet. Ce qui est mis en évidence, ce n'est pas nécessairement la puissance positive de la cause, c'est la négativité ou la vulnérabilité de l'effet. Dans l'ouvre balzacienne, l'action de la cause déterminante n'a que très rarement pour conséquence une délégation du pouvoir vital au profit de l'être qui y est soumis. C'est, la plupart du temps, le contraire qui a lieu. La cause déterminante est présentée presque chaque fois comme l'agent destructeur par excellence. Le désir, par exemple, porteur privilégié, de toute force expansive dans La Comédie' humaine, n'y révèle qu'exceptionnellement de façon directe sa puissance. Il le fait toujours-indirectement en montrant les ruines qu'il peut causer. Ainsi, dans le roman balzacien, la poussée du désir a le plus souvent pour résultat d'éliminer ou de détruire ce qu'elle semblait destinée à fortifier et à vitaliser. Le désir se révèle comme acharné à se priver de l'objet même sur lequel s'exerce sa puissance. C'est une soif, une faim qui ne peut s'assouvir, qui ne peut plus se porter sur rien, qui a l'air de fonctionner en aveugle, dans le vide. Et comme c'est une activité essentiellement dévoratrice, il n'est pas surprenant de constater qu'en fin de compte elle se dévore elle-même. Le roman balzacien tendrait à représenter un spectacle particulièrement désolant : celui d'un gigantesque foyer d'incendie qui, réduisant en cendre tout ce qui l'alimente, finit par périr sur place d'inanition. En d'autres endroits de son ouvre, Balzac décrit cette destruction interne sous l'aspect d'une combustion lente, due, par exemple, à l'épuisement ou à l'usure. Mais l'effet est le même. Tout le roman semble être pointé vers une destruction finale.



Cependant, la négativité de l'effet ne doit pas nous faire perdre de vue, chez Balzac, la terrible positivité destructrice de la cause déterminante. Tel qu'il se dévoile à nous, le pouvoir créateur dans La Comédie humaine tend le plus souvent, paradoxalement, à affaiblir, à détruire même, le capital de vie qui le représente et qu'on se serait attendu à le voir nourrir et renforcer. Mais parfois il va plus loin encore, il va jusqu'à mettre en péril sa propre suprématie. Balzac transfère l'influx créateur dont il dispose des réalités concrètes aux causes profondes, au principe premier, c'est-à-dire, le plus souvent, à des puissances abstraites. Alors, on voit la force déterminante renoncer en quelque sorte à s'exercer visiblement sur aucun objet déterminé et se contenter de n'être plus qu'une sorte de redoutable menace anonyme, dépourvue de toute forme précise.



Cette difficulté finale que l'on a à déterminer le véritable caractère de la puissance destructrice se remarque, avant tout, chez ceux qui en sont les victimes. Arrivés au bout de leur carrière, épuisés par leurs efforts, face au vide qui s'est créé en eux, ils se rendent compte tragiquement du néant qui les étreint. Balzac décrit ainsi cette extrémité : « Ce fut pour eux une vue sans ligne d'horizon, un abîme dans lequel un dévorant désir les forçait à se plonger. » Et il ajoute : « Ils avaient le désir sans avoir la puissance. »



Le désir chez ces êtres s'est donc en quelque sorte vidé de sa substance. Il a fait le désert. A l'extrémité de leur course, les personnages balzaciens, ou, du moins, les plus grands d'entre eux, se trouvent en présence du vide. Un immense espace nu se révèle à eux, et rien au-delà. C'est comme si La Comédie humaine, par un coup de baguette magique, mais, cette fois, de signification négative, au lieu de nous montrer une réalité indubitable, nous révélait de la façon la plus crue, mais aussi la plus nette, son caractère illusoire ou épuisant. C'est l'aventure qui arrive à tous les personnages de Balzac, et, bien entendu, Balzac ne s'en cache pas, c'est l'aventure qui lui arrive aussi à lui-même, ou qui menace de lui arriver. A l'extrémité de la course organisée par le maître créateur, lui et tout son monde se trouvent mis en présence du même spectacle : celui d'une étendue désespérément vide. Or, peut-on se demander, est-ce là encore une réalité déterminée ? Le vide, l'absence d'être sur laquelle toute l'ouvre débouche, peut-on l'appeler encore quelque chose de déterminé ? Ou n'est-ce pas, au contraire, la représentation la plus authentique de l'indétermination absolue, c'est-à-dire du néant ? Il est vrai que dans cet anéantissement général, il y a tout de même encore quelque chose qui subsiste, c'est le désir lui-même, mais c'est un désir curieusement désincarné, dépersonnalisé, donc un désir sans objet, sans attache, sans figure, un désir devenu anonyme. Dans un roman de jeunesse que Balzac n'a même pas publié sous son nom, c'est précisément par cette avsegce d'être qu'il essaie de définir le sentiment le plus intense, la passion, quand celle-ci est arrivée à son point extrême : une passion qui, soudain, cesse d'avoir une expression concrète, qui n'a^plus ni substance, ni forme, qui disparait, pour ainsi dire, en fumée à l'instant même où elle atteint son ppint de culrninâtion. La femme amoureuse qui parvient à cette étrange identification de l'exaltation du désir et du vide est décrite en ces termes : « Elle atteignait à ce degré du désir où tout devient indifférent. »



Prise à ce niveau, on peut se le demander, l'indifférence est-elle encore un sentiment ou une absence de sentiment ? Est-ce une détermination ou une indétermination ?

On pourrait hésiter. Quand on y réfléchit bien, on constate que dans l'ouvre de Balzac l'absence de sentiment, l'absence d'action, l'absence de pensée même se trouvent presque toujours situées par l'auteur, tantôt au point de départ, tantôt au point terminal de toute grande aventure spirituelle décrite par lui. N'en faut-il pas conclure que, pour Balzac, il n'y a pour ainsi dire jamais de détermination proprement dite, sinon entre deux points culminants, l'indétermination originelle et l'indétermination finale ? En deçà comme au-delà de toutes déterminations, il y a chaque fois une sorte d'absence.

Mais devons-nous en rester là ? Sommes-nous vraiment arrivés au point final - et initial d'ailleurs aussi - de l'aventure balzacienne ? Lorsque l'être balzacien se découvre ainsi dans l'espace dénudé dont nous avons parlé et où il n'y a plus qu'indifférence et effacement de toute réalité particulière, ne reste-t-il plus rien dans son esprit ? Rien, sinon un vide ?



On serait tenté de répondre par l'affirmative. Oui, tout aboutit à une indétermination totale, pure et simple. Mais en répondant ainsi, l'on méconnaîtrait, semble-t-il, un trait essentiel chez Balzac, le sentiment indéfectible de l'énergie agissante, de la force en action.

Toute pensée, pour Balzac, qu'elle soit fixée sur un objet, ou privée subitement de la conscience de cet objet, ne cesse pas d'être pensée, et ne se transforme pas subitement en un simple trou d'air dans l'espace, en une absence de vie. Toute pensée, selon la pratique constante de Balzac, n'est pas seulement une opération intellectuelle, mais elle est encore volontaire. Elle est conscience d'une force en acte, à laquelle elle s'associe. Cette force ne disparaît pas, même si l'objet de cette force disparaît.

Si l'on se rapporte aux deux exemples cités plus haut, où il semble que la pensée débouche sur un vide, l'apparition de ce vide peut anéantir la foi qu'on mettait en la réalité de cette pensée, mais non la volonté avec laquelle on persiste à en désirer - parfois désespérément -, l'accomplissement. Le désir privé de réalisation demeure, aux yeux de Balzac, une puissance toujours opérante. Seulement, au lieu de continuer à se faire connaître dans ses effets, elle se manifeste d'autant plus clairement en qualité de cause. La pensée balzacienne, de la façon la plus précise, décrit ce renversement de l'activité spirituelle par lequel, acculée de plus en plus à l'obligation d'abandonner l'étude des effets, elle se tourne presque exclusivement vers la description des causes. Alors il ne s'agit plus de décrire les mouvements déductifs par lesquels toute énergie volontaire tend à se réaliser au moyen de déterminations multiples. Il s'agit, au contraire, par un mouvement inverse, de remonter dans l'échelle des déterminations vers le ou les principes qui sont à l'origine de ce mouvement descendant et de la série d'effets en cascade qui en sont les conséquences. Remonter à l'origine, c'est remonter l'escalier des causes. Tournant le dos aux déterminations conséquentielles, c'est s'orienter non seulement vers la chaîne des déterminations causales antécédentes qu'on prend cette fois à rebours, mais encore et surtout vers cette force déterminante qui se trouve être le principe de toutes les déterminations conséquentielles.



Là, réside pour Balzac le point initial, celui jusqu'où il faut remonter pour redescendre ensuite le même escalier, celui des déterminations conséquentielles. Mais ce point initial lui-même, qu'il faut atteindre, n'est à aucun degré une détermination, puisqu'il détermine, mais sans être déterminé, c'est donc une puissance intégralement déterminante. Non déterminée, exclusivement déterminante.



Quelle est-elle ? C'est Dieu, cause des causes, mais c'est aussi, dans un sens, celui à qui, en pensée, il a été donné de se substituer à Dieu. En tant que maître des déterminations, planant au-dessus de toutes déterminations, Dieu est le Créateur divin. Balzac se présente, lui, comme le créateur humain, sorte d'intendant ou de factotum, chargé par délégation de jouer, à son degré, un rôle identique. Rôle extraordinaire, mais que Balzac assume comme un rôle ordinaire. Lui-même se situant au-dessus du monde des déterminations intervient cependant, quand il le veut, à l'intérieur de ce monde. Il y veille à l'exécution des lois déterminantes, avec une assurance superbe, mais sur l'efficacité de laquelle il lui arrive parfois, pour un moment, d'avoir quelques doutes d'ailleurs aussitôt étouffés.



BALZAC: TEXTES



I



Il était constamment perdu dans une pensée accablante, dévoré par un désir qui lui brûlait les entrailles.

Elle atteignait le degré de désir où tout devient indifférent.

Il s'était créé la vie la plus exigeante et, de toutes, la plus avidement insatiable.

Que la soif et la faim de Dieu vous saisissent !

Dans le brûlant désert de ses désirs infinis et sans objet, la jeunesse n'envoie-t-elle pas toutes ses forces sur la première femme qui se présente ?

J'ai faim, et rien ne s'offre à mon avidité.

L'univers n'est plus pour toi qu'un lieu simple, dépouillé de toutes ses formes.

L'opium... donne à l'être entier toute une création dans le vide.



II



II

Il n'existe pas le moindre hasard pour les naissances. Dans le monde tout effet a une cause...

Je crois peu à ce qu'on nomme les hasards de la vie.

Tout s'enchaîne dans le monde réel. Tout mouvement y correspond à une cause.

Le vide n'existe pas.

Les faits s'enchaînent si fatalement à d'autres faits qu'ils ne vont pas les uns sans les autres.

Je remplace ce que l'homme appelle la providence ou le hasard.

Un tel homme remplace le destin, il est presque un dieu sur la terre.

« Dieu, c'est moi »...

Nous sommes à la fois la cause, l'effet, le principe et le résultat.






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