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André Delons - L'HOMME DÉSERT (extrait)






«Il n'y a pas de nuages sans elle, Étoile de la dernière heure, fourche des jambes embuées de lave et de douceur, dernier horizon aperçu par le sommeil, dévalant à grand bruit, et sous le silence des orages qui ne finissent pas, la pente de ses cheveux couleur de nuit.

Il n'y a pas de marais sans brumes, mais il n'y a pas non plus ce grand sourire hautain tournant comme un feu sans l'indéchiffrable odeur qui tremble au milieu d'une chambre promise aux vents.

Il n'y a pas d'aigle sans désir.

Il n'y a pas d'aveugle sans regard.

Il n'y a pas de Bonheur.





Mais il n'y a jamais ce chant tournoyant et délivrant, cette Parole de toujours, cette terrasse de splendeur portée entre les bras vers le jour, il n'y a pas ce chant et cette bouche qui chante, et ce corps qui chante cette bouche, et ce désir qui chante ce corps et qui l'emporte à sourire, s'il n'y a pas Celle même qui attend encore, au milieu des palmes et des pluies, d'être déliée de son ombre. »



«Tu descends à travers le sulfure des pluies, tu tombes au milieu des dallages coléreux qui gonflent et encerclent les gares de l'espace. C'est par elles que le transvasement, que l'anéantissement et les gerbes neuves... Avant de mourir, il faut toujours passer par une vieille gravure, par une de ces estampes chevaleresques et menteuses, remplies de peuples, de postures et d'heures circulaires, assaillies de poudres malfaisantes, qui mangent aux trois quarts l'image. Mais c'est par elles qu'Amsterdam un matin, au bord de mon réveil, et d'innombrables matins encore inexprimés, s'est dressée, pleine architecture et pleins canaux, pleines criées et routes débordantes de brume, avec la clarté précise qui pèse et qui veille autour des nouvelles voix, comme si l'éclair, comme si l'Éclair, l'avait ce jour-là désignée pour y tremper son méridien de lueurs, de musiques et d'étrangeté, comme si la foudre, parée des plumes du paon fameux, avait dit «j'y tomberai», et seul sur un pont, je titubais avec froideur entre les débardeurs gris et les maraîchers ceinturés de varechs, entre les beffrois et les enfants pauvres, entre je ne sais plus quels histrions magnifiques et quels dévoués et incompréhensibles serviteurs. Mais c'était bien là Amsterdam, tous les journaux le disaient, et la gravure. Cette ville avait été choisie par les terrifiants ateliers de la métamorphose, pour être, pendant une heure singulièrement émouvante, quelque chose comme le soupirail du temps. »



Certaine rue dont par orgueil je tairai le nom, je n'y suis passé qu'à de très rares intervalles, mais cloué de terreur et solidement noué à la fascination qu'elle m'impose, d'une désolation sans pareille, abandonnée jusqu'à la limite de ce qui peut être abandonné. Elle a vieilli dans mes yeux l'image réelle d'une maison remplie de démence et de poussières, de plâtres, de bois pourris et d'un silence tel qu'il sort en sifflant comme le gaz par des fenêtres toujours inexplicablement entr'ouvertes. Je me souviens de la soirée où tel ami voulut m'y conduire, et qu'accroupis devant un soupirail à la hauteur du pavé, nous avons essayé de voir clair à l'intérieur de ce dédale clos et promis à l'écroulement, avec quelle peur de quelle rencontre aux yeux sombres. La ruelle qui tourne plus loin, juste au coude d'un château ceinturé de grilles, d'arbres et de chiens, il est, cette fois encore interdit d'en rien dire. Ces domaines appartiennent irrécusablement au secret, au seul secret que, bien vide de toute approche et toujours prêt de le déchirer enfin, je chercherai comme une ombre humaine dans certains lieux et dans certains périls au cour desquels je sais qu'il brûle.



*

«Les lumières nées du vent s'immobilisent et tournent sans ombre dans quelques places habitées par elles, pour les sourires de la pesanteur et pour la joie. »

*

Il est temps de le dire, ou bien il n'est plus temps, cet homme désert, un secret qu'il portait sur lui mais dont jusqu'avant d'arriver à certains points extrêmes il ignorait la lettre, c'était le gouvernail de ses moindres actions comme c'était le mobile de ses plus graves tentatives. Un secret qu'il portait vide, tout à fait comme une escarcelle sans or. La singulière destinée qui l'habitait avait voulu qu'il en fût ainsi, et depuis un assez long temps d'ailleurs, lui-même en avait l'assurance.

Cette révélation éclaire d'une lueur nouvelle le sillage humain qu'il devait laisser derrière lui: elle éclaire encore, bien que partiellement, l'espèce de désolation qui l'entraînait.



Alors s'accomplit positivement l'irréalisable, et les voies choisies pour cet accomplissement furent les oreilles, les yeux et les mains ; la respiration aussi, peut-être même rien que la respiration. Il se trouvait dans la chambre fameuse où les atmosphères tour à tour ténébreuses lourdes et lucides ne cessaient de voltiger, quand, à la pointe d'un long silence, il sentit arriver l'un de ces chants qu'il avait beaucoup aimé, fait d'allégresse et de déchirement, comme toujours, et porté par une voix qui battait bien l'espace. Un lourd et long tonnerre, à marteaux réguliers, suivit comme si les cent mille pattes d'un insecte géant, bandées d'étoupe, faisaient passage sur une immense bande de métal. Il connaissait ce bruit: c'était celui de la machine-à-détruire-la-tête. Enfin, poussé au bord d'une avalanche trop fraîche, et sans rien connaître qu'une grande soif, il vit, il entendit, La-Bouche-de-Terre qui lui parlait au ras de la plaine, en plein sol. Il est à jamais vain de tenter la moindre explication ou la moindre sentence sur La-Bouche-de-Terre, ni sur la révélation qu'elle apporta à l'incomparable spectateur. Mais il est sûr que dès cette heure il connut enfin quel secret était son maître, qu'il toucha le vrai fond du paysage dévasté qui brûlait et s'ébranlait déjà sous les chambranles habités par les hommes, et qu'il disparut.

Mangé par les lucioles du sable, par les dents nervées des palmes chaudes, par les lucioles du sable, par les cris aigus poussés à gorge close dans les immondes souterrains du sable, mangé par le Soleil fracassé sur le sable où quelques millions de pépites brûlent encore dans la dent des pieuvres, où quelques millions d'astres abattus, digitales de l'écorce terrestre, écumes d'éme-raudes et de radium, papillons de la nacre et du sel, morceaux violets de phosphorescence, tumeurs de pourpres, vrilles de diamant mort palpitent, toutes les lucioles du sable, les lucioles du sable qu'un vent monstrueux achève sans fin de porter à la mer, de verser dans l'eau diamantaire et morte où pourrissent encore dans la splendeur les cadavres immaculés de toute vie, dormant d'un Soleil rouge, double pierre Tombale de ses yeux, cette nuit-là le prit au bord du Gange où l'avaient traîné dans l'horreur, et pour lui pénétrer la face, une face enfin pétrifiée de certitude et d'oubli, les éclats tourbillonnants qui volent autour de la mise au tombeau du monde.



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