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Essais littéraire

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ALFRED DE VIGNY (1797-1863) - En quête d'une destinée






Son père avait soixante ans et sa mère quarante lorsqu'il naquit au château de Loches. Héritier d'une famille d'ancienne noblesse dont on lui rappelle sans cesse les hauts faits passés, élevé dans le respect d'une religion rigoureuse, Vigny sentit très tôt peser le poids de la tradition. Moqué par ses camarades (« je me sentais d'une race maudite »), mais respectueux de ses racines, il choisira, malgré une santé déficiente, la carrière des armes : il préparera Polytechnique pour aboutir... sous-lieutenant des Compagnies rouges qui escortent Louis XVIII dans son exil gantois. Le rêve de gloire se refuse obstinément et vient le temps des congés (1825), prélude à la réforme (1827).



« Spectateur plus qu'acteur » de la vie militaire, il n'en était pas moins sorti de l'ombre... grâce à la poésie : une plaquette anonyme - Poèmes (1822) -, des vers placés ici ou là dans les revues de la jeune école, Éloa (1824), les Poèmes antiques et modernes (1826), sans oublier Cinq-Mars, le premier en date des grands romans historiques français (1826), qui fit de lui « le Walter Scott français ». Comme tous les jeunes romantiques il voudra conquérir la scène, adaptant Shakespeare {le More de Venise, 1829) avant de produire une ouvre personnelle (la Maréchale d'Ancre, 1831).

Avec la révolution de 1830 Vigny avait vu s'effriter ses « gênantes superstitions politiques » ; comme beaucoup de légitimistes catholiques il est séduit par les idées menaisien-nes et se prend à rêver d'une « république sage ». C'est l'époque où il tente de définir la fonction du poète - un roman, Stello (1832) d'où il tirera la matière d'un drame, Chatterton (1835), dans lequel triompha Marie Dorval, - et celle du soldat - Servitude et grandeur militaires (1835). Réflexions philosophiques austères, à l'image d'un Vigny isolé dans sa propriété du Maine-Giraud en Charente ou dans sa résidence parisienne de la rue d'Artois. C'est ici et là qu'il peaufine ses grands poèmes - « la Mort du Loup » (1838), « la Colère de Samson » et « le Mont des Oliviers » (1839), « la Maison du berger » (1847), « la Bouteille à la mer » (1854) - qui formeront l'ossature des posthumes Destinées (1864).

Élu, enfin, après six candidatures à l'Académie (1845) mais battu aux élections à la députation (1848 et 1849), il se retire définitivement pour rédiger quelques derniers poèmes - « le Silence » (1851), « les Oracles » (1862), « l'Esprit pur » (1863) -, jetant des notes qui fourniront la matière du Journal d'un poète (posth., 1867) non sans avoir eu le temps d'organiser le recueil des Destinées.



Écrire la condition humaine



Dès les Poèmes antiqups et modernes Vigny se place dans la lumière de ce qui donnera son titre à son plus célèbre recueil : la destinée. De la fatalité antique à la Providence chrétienne, un même malheur informe l'histoire des hommes. Samson, Moïse, Jésus, Éloa, Jephté... autant de figures qui incarnent une condition tragique. Un divorce s'est installé entre le Créateur et ses créatures : il engendre angoisse et souffrances, questions et révolte. Le thème de la condamnation amène celui de « la Prison » (1821). Réduit à l'impuissance, soumis aux affres de la solitude, l'homme trouve sa dignité dans la figure du poète, maudit parmi les maudits, permanent exilé, sublime dans son inlassable quête de la beauté et de la vérité. D'où Stello et Chatterton, ces textes sur le malheur des génies accablés du fardeau de toute l'humanité. Le pessimisme organise une pensée de l'absurdité, mais se décline en dandysme, en silence blasphématoire (« le Mont des Oliviers ») ou en stoïcisme méprisant (« la Mort du loup »). Vigny récuse poétiquement tous les pouvoirs, même si ses actes contredisent cet anarchisme farouche. Il leur oppose l'honneur, la liberté et l'énergie, ce maître mot de la pensée romantique (Cinq-Mars, Servitude et grandeur militaireS).

La poésie se fait philosophie, puisque le poète est penseur. Le culte de l'Idée aboutit à l'ambition créatrice d'un univers où se déploie le Sens. Véritable promotion du symbole, l'écriture vise à consacrer la puissance de l'esprit, seule ressource contre la servitude, mise en forme de la liberté de parole, ultime recours dans un monde de ténèbres. Ainsi peut-on échapper à la désespérance. Contre la métaphysique, il s'agit de rétablir des valeurs, dont la plus haute est le sacerdoce de l'esprit : « Tous les grands problèmes de l'humanité peuvent être discutés dans la forme des vers. Je l'ai prouvé » (Journal d'un poètE). Ainsi Vigny ne prône nullement l'engagement du poète dans la cité, mais il envisage la réconciliation des hommes et des génies solitaires, précurseurs en attente d'une réception, porteurs d'une parole en instance de reconnaissance. Par-delà la pose et les affectations de l'incompréhension, l'attitude de Vigny traduit cette foi en l'avenir de la pensée. L'écriture inscrit la lucidité dans son cristal, ou sa perle.



Une poétique de l'ascèse



La poésie met et garde en forme. Le poète tient à distance sentiments et émotions. Le souci de l'ordre filtre la sensibilité. Tout est transposition et sublimation. Cette ambition esthétique, au service de l'Idée, implique un labeur consciencieux. L'apparente froideur de l'expression révèle la profondeur et privilégie l'harmonie. Maîtrise, condensation, cristallisation : l'art poétique de Vigny veut conjuguer l'abstraction de la pensée et les prestiges de la plénitude épurée du vers. Romantisme de l'intelligence, la poésie objective transcende les aléas de la vie pour atteindre la vérité. Vigny se reconnaît les vertus de conception et composition : c'est dire qu'il conçoit la poésie comme transmutation. Il n'évite cependant pas le didactisme, voire le prosaïsme, tombant, comme les poètes des Lumières, dans les pièges de l'allégorie. Prisonnier des contraintes narratives qu'il s'impose, il ne dépasse pas toujours le discours versifié. Mais ses réussites (« la Maison du berger » et Éva en particulieR) révèlent un art du chant, tout de vibration et de grâce.

La réflexion sur la création aboutit à une énergétique de l'expression. Le pouvoir des mots s'affirme au terme d'un travail qui place l'écrit au plus haut des productions humaines. L'art, cette religion nouvelle, subsume toutes les constructions de l'esprit et toutes les révélations. Vigny assume ainsi la révolution romantique. Surtout, il s'inscrit dans la modernité, alors même qu'il rejette hautement un monde barbare et s'inquiète des progrès matériels. Traduction du malaise d'un noble inadapté, repli hautain dans la tour d'ivoire, mais aussi quête de l'immortalité et solidarité avec le genre humain, l'écriture, cette « Bouteille à la mer », assure et contient l'avenir.



Les voies de la modernité



Ses contemporains saluent en Vigny le maître du poème, soit l'épopée qu'il régénère. Chargée de mettre en scène la pensée philosophique, elle se donne comme une légende des siècles, rencontrant les préoccupations des écrivains romantiques. Le « ministère poétique » (BénichoU) s'exerce pleinement dans l'épopée, cette geste du verbe. Chez Vigny, elle peut prendre comme sujet des objets ordinaires ou des situations communes (« la Flûte »), les intégrant dans la fable moderne, genre totalisateur qui englobe aussi le roman et le théâtre.

Forme narrative moderne destinée à conquérir le champ littéraire, le roman échange avec la poésie les mêmes thèmes et la même tension symbolique. Ainsi Vigny, s'il semble céder à la mode du roman historique avec Cinq-Mars, y fait régner l'Idée, l'élevant au niveau du roman philosophique, dédaignant « l'authenticité du fait ». Les types, produits de la force créatrice, servent la recherche de l'idéal, cet autre nom du sens. Dispensateur de leçons, le roman éclaire l'humanité.

S'il avait voulu ouvrir la voie à la « tragédie moderne » avec le More de Venise, Vigny entendait surtout y permettre « le développement métaphysique d'une idée philosophique ». Le drame, quant à lui, doit représenter « le sort particulier de l'homme ». Après avoir essayé le drame historique (la Maréchale d'AncrE), Vigny trouve avec Chatterton - issu de Stello - la forme d'une « page de philosophie au théâtre ». Nombre des thèmes de la modernité romantique y sont rassemblés : refus du monde de l'argent et de l'utilitarisme, aversion pour le bourgeois, dénonciation de la condition féminine, malheur de la passion, poids de la destinée, malédiction poétique... Au-delà des faiblesses de la pièce faut-il parler de son engagement, paradoxal en regard des positions sans cesse réaffirmées par Vigny ? Si la réussite de Chatterton tient d'abord à la rigueur de sa composition, semblable aux poèmes, la pièce touche directement son public, sans s'en remettre à l'avenir, comme si le théâtre, cette obsession romantique, autorisait par ses contraintes et sa fonction de représentation la présence tangible de l'idée.



La protestation du poète : se réunissent en cette force moderne les exigences assumées de l'écriture et les urgences dominées de l'histoire. Victime de sa rigueur, Vigny rassemble cependant la plupart des caractéristiques de la modernité romantique. Symbole hugolien, distance baude-lairienne, ambition lamartinienne : autant de composantes poétiques pour ce chantre froid de la grandeur et de la misère de l'homme.






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