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Emile Verhaeren



L'aventurier - Poéme


Poéme / Poémes d'Emile Verhaeren





Quand le valet chassé,

Le regard fou, le cour cassé,

De la ferme sortit,

Subitement,

La fermière rendit l'esprit.



A la morte qui tant aima

Le valet blond et leur serment.

On vacarma des funérailles.

Le soir,

Avec, autour du catafalque noir.

De grands cierges et des ferrailles.



Puis on couvrit de terre Leur adultère. Et le fermier rentra chez lui Et, dans leur lit, il s'endormit.



Le valet fou courut le monde Du port d'Anvers à Trébizonde, Jusqu'aux pays, où l'or nouveau Monte des mains vers le cerveau Et halluciné, autant qu'un vin.



Pendant des ans et puis des ans. 11 but cet or, comme un levain. Pour que chauffât la haine Implacable, parmi ses veines.



Et puis, un jour de mâle destinée. Vers son clocher et vers sa plaine. Tout sanguin d'or, il s'en revint.



La ferme était abandonnée. Depuis la mort, que les années Avaient, sur le fermier, vannée.



Le valet blond refit la métairie ;

Il regrafa, jusques aux toits.

Au long des murs fanés et des cloisons pourries,

La robe en fleur des autrefois :

Badigeon blanc et portes vertes

Et vols entrant, par la fenêtre ouverte.

La vigne, aux pignons clairs, s'adorna d'or

Et, dans la chambre, où s'accomplit

L'amour et puis la mort,

II fit dresser, comme un trône, le lit.



Les jours encore après les jours passèrent, Lorsqu'en automne enfin, les cloches Renversèrent, hors de leurs poches, L'anniversaire.



Le valet blond s'en vint, au cimetière, Chercher, dans son tombeau, Celle dont le regard était si beau Et dont le cour était tout en lumière. Il la dressa, devant lui seul. Droite et grande, dans son linceul, Et l'emporta, comme effaré De son crime presque sacré.



Il étala le cher squelette,

Avec douceur, sur les draps blancs.

Les vers touffus et ruisselants

Lui paraissaient une toilette

D'anneaux et de boucles aux hanches.

Les crins rouges funèbrement froissés.

Qui remuaient leurs avalanches,

Il les chauffa de ses baisers.

Il prit la morte, en ses deux bras fidèles,

Comme jadis au temps des joies,

Et le présent s'imprégna d'elle.



La chambre était restée amie Et son âme, comme une soie, Flottait, autour de l'endormie.

La lampe et sa flamme d'argent tissée

Se souvenait des soirs de l'amoureuse année.

Et brûlait là, ainsi qu'une pensée



Ardente encor de sa chaleur fanée.

Les grands meubles, en leurs vieux coins,

Dont la présence fut témoin

De la longue et funèbre absence,

Dressaient leurs panneaux de silence

Et surgissaient avec, au fond de leurs serrures,

Le bien gardé secret des superbes luxures.

Le valet blond comprit, dès cet instant, toute sa vie, Et que cette heure ne serait D'aucune autre heure, désormais, Pour lui-même, suivie.



Avec ses mains qui ne la sentaient pas,

Avec ses yeux qui ne la voyaient pas,

Avec son cour aveugle et fou,

A mots fervents, à deux genoux,

Il adorait la pourriture

De celle, hélas ! qui lui serait l'extrême amour,

Et qui vivait ! puisque son corps voyait le jour,

Puisqu'il avait vaincu sa sépulture,

Et qu'elle était, comme autrefois, à ses côtés.

Il se penchait, sur l'oreiller fêté,

Au guet d'une ancienne parole

Et répondait, comme s'il l'entendait.

Le front lui paraissait orné d'une auréole,

Les pieds minces dont les grands ongles droits

Sortaient des draps, sinistrement,



Il recouvrait leurs os, par peur du froid ;

Il s'en allait tel un aimant

Vers la gorge déserte et l'épaule flexible,

Il sanglotait, comme un perdu vers l'impossible,

L'esprit anéanti, dans la lumière

Aveuglante de sa chimère.

Et, sur les dents et sur les lèvres purulentes.

Il apaisa longtemps sa bouche violente.

Les fleurs, les merveilleuses fleurs aimées.

Qu'au verger vert, leurs mains, jadis, avaient semées,

Suspendaient l'or et les parfums,

En grappes fortes, sur la morte.

C'était le souvenir des âmes végétales,

Si doucement, que les roses sentimentales

Se détachaient vers elle, et laissaient leurs pétales

Dormir, en baisers clairs, parmi ses doigts défunts.



Dehors, dans la nuit moite et taciturne.

Une lune d'octobre allongeait droit,

Comme pour défendre et protéger le toit,

L'ombre grande des peupliers nocturnes.

Trop haut, pour que l'on vît leurs tragiques voyages,

Une bande d'oiseaux traversaient les nuages

Et s'éloignaient, sans bruit.

Tandis que. dans la ferme, au bord des routes.

Les fenêtres rougeoiaient toutes :

Morceaux de chair taillés, dans le cour de la nuit.



Quand l'aube ouvrit ses yeux de lait,

Par le matin lucide et frais,

Le valet fou comprit que désormais

La morte était bien morte et l'attendait,

Avec son âme, ailleurs ;

Il laissa choir les pauvres fleurs

Toutes ensemble, autour du lit,

Et s'y coucha lui-même - et puis selon tel vou,

Sauvagement, y mit le feu.

La flamme arda sourde d'abord.

Comme un regret, comme un délit,

Pour croître, en éclats d'or,

Et s'épandre complète et triomphale,

Comme le vent dans la rafale.

Une dernière fois,

Le valet blond ouït sa propre voix

Dire les mots qui sont toute la vie ;

Puis résigné, il étendit son corps

Sous le linceul et dans la mort.



Et le feu large et ses flammes brandies, Par a travers la ferme et ses grands toits Et les fenêtres de ses murs droits Tordaient déjà tout l'incendie

Quel viol noir de ses mystères Pendant la nuit, avait subi la terre.



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Emile Verhaeren
(1855 - 1916)
 
  Emile Verhaeren - Portrait  
 
Portrait de Emile Verhaeren

Biographie / Ouvres

Emile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local.

A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn

Bibliographie


Chronologie


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