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Les poèmes de Claude Roy


Poésie / Poémes d'Claude Roy





Les poèmes de Claude Roy ne sont que la partie immédiatement visible de sa poésie. « Aucun genre ne lui est étranger », constatait Tves Berger. Mais dans chacun, ajoute Jean Rousselot, « il est peu d'écrivains de son âge à se laisser aller aussi constamment que lui à " l'allure poétique " ». On rencontre en effet, aussi souvent que dans ses poèmes-poèmes, la poésie de Claude Roy dans une page de ses Descriptions critiques ou dans les essais du Verbe aimer, déguisée en chapitre de roman ou attribuée (empruntéE) à un poète chinois de la dynastie Han, comme au détour de l'itinéraire de la Maria de La nuit est le manteau des pauvres ou au courant des accalmies méditatives dans l'atelier du peintre autour duquel s'organise La Dérobée. C'est à propos de ce roman que Claude Mauriac pouvait écrire : « Romancier, Claude Roy demeure poète. Les descriptions des tableaux de son personnage sont autant de poèmes en une langue qui si elle apparaît encore précieuse, c'est comme une pierre ou un métal de ce nom. » Lorsque, passé la cinquantaine, il aborde la grande confession critique de sa vie, avec Moi je, ses lecteurs constatent encore que le poète est toujours là, qui affleure derrière la voix du mémorialiste. « Au moment même où il se confesse, fan remarquer Alain Bosquet, il se transforme en fable. C'est le poète qui lui permet cette liberté, c'est l'amour de la parole affirmant sa fierté indépendante... dans cette somme qui chante et qui enchante. »



Un chant, et cependant lucide. Qui enchante et, comme le dit le poète lui-même, qui fait ouvrir les yeux. «J'ai toujours demandé deux choses à la parole des vivants, écrivait Claude Roy : m'enchanter, et m'aider à déchanter. C'est le titre que notre bon vieil oncle Goethe donnait à son autobiographie. »

Les premiers textes littéraires de Claude Roy sont des poèmes, que publient Pierre Seghers dans Poésie 40, et Max-Pol Fouchet dans Fontaine. C'est à Alger, en 1942, que paraîtra son premier livre, les poèmes de L'Enfance de l'Art. Cependant, après Un seul poème, en 1954, Claude Roy, sans cesser d'écrire des poèmes, cessera (en apparencE) d'en publier. L'apparence ici est, encore une fois, trompeuse. L'ouvre de Claude Roy, et la conception qu'il se fait de la poésie, rejoint à la limite celle de Cocteau intitulant « Poésie » tous ses livres, et les répartissanl en Poésie de roman, Poésie de théâtre, Poésie de critique.



La « poésie de poèmes » réunie dans ce recueil embrasse des poèmes écrits pour la plupart entre 1939 et 1953. Entre la « drôle de guerre » et la fin de la « guerre froide ». Si on préfère des références littéraires, entre la publication du Crève-cour et la mort de Paul Éluard. Si on veut des références sociales, entre la Résistance et la mort de Staline.

On sent dans Le Poète mineur, qui recueillait en 1949 l'ouvre poétique des dix années précédentes, et dans Un seul poème (1954) à la fois les sources profondes et subjectives de l'ouvre qui va s'accomplir et se développer, et les tentations qui pèsent sur la poésie française des années 40-50 : « l'engagement » selon le projet politico-esthétique de L'Honneur des poètes, la tentative d'une « poésie nationale », la recherche éluardienne d'une « poésie vraiment rimée, vraiment rythmée ». Le poids du chant et de la rime, celui des « leçons de morale ». Mais ce qui frappe quand on relit ceux des poèmes de Claude Roy qui sont plus volontairement « de circonstances », c'est à la fois l'inquiétude critique, la liberté intérieure et la liberté prosodique délibérée qui font échapper cette poésie à la plupart des périls et des réveils amers qui attendent ses contemporains (et lui-mêmE). On pourrait, de la technique poétique du Claude Roy des années 40-50, déduire son attitude éthique et esthétique : un mélange de passion combative et de distance critique, de chaleur des élans et de lucidité ironique, de tout feu tout flamme et de pénétration. La prosodie de ces poèmes est, à première vue, tout à fait régulière. Mais cette prosodie d'apparence classique est en réalité la poursuite subtile d'une action dissolvante menée contre la poésie métrique. Il s'agit en somme d'un « vers librisme » à l'intérieur de la poésie « régulière », vers librisme dont Raymond Queneau sera à la même époque le plus grand représentant sur le mode ironique-parodique. Une analyse méthodique des « libertés » formelles que Claude Roy impose à la versification à laquelle il feint de se soumettre, l'ironie d'une déclaration comme celle qui précédait Le Poète mineur (« s'il y a des vers faux, c'est exprès »), fait entrevoir comment Claude Roy a réussi à échapper à l'inflation verbale, à la rhétorique de la poésie « engagée ». C'est que, d'abord, sa poésie est littéralement née de chocs émotifs violents. Le caporal des chars de combat de juin 40 avait « subi » des influences dont il ne se cache pas, de Supervielle à Eluard, de Mourras à Aragon. « Perdant plusieurs années, avoue-t-il, j'écrivis des poèmes exécrables. » Il faut attendre la défaite de juin 1940, l'évasion, en octobre de la même année, pour que soient écrits les premiers véritables poèmes du poète Claude Roy .



L'absent, en mémoire du sergent Raphaël Roy, et Un mort m'attend à la maison, en mémoire du lieutenant Félix Roy.

« En octobre 1940, puis en juin 1941, inopinément, plusieurs poèmes m'écrivirent. Je ne trouve pas d'autre mot. »

On sait les « circonstances », les combats de juin 40, l'évasion, le passage de la ligne de démarcation, après quelques jours à Paris, avec « un volume de Platon, un autre de Villon, un Keats, un dictionnaire chinois, un rasoir, une brosse à dents ». Mais plus que les « circonstances », importe ici le surgissement d'un des thèmes fondamentaux de l'ouvre de Claude Roy : le thème de la mort. Il est présent dès les premiers textes publiés, et jusqu'à l'ouvre de la maturité. On peut même parler de leitmotiv. Les premiers poèmes publiés, ceux écrits en 1940 sur la mort de ses cousins apparaissent à leur auteur, on l'a vu, comme lui ayant été « dictés ». Dès lors, au fil des livres, Claude Roy va entreprendre et poursuivre une sorte de duel ludique avec la mort.

« Freud, confiera-t-il, parle de /'"humour d'échafaud". Je crois avoir pratiqué dans certains de mes vers une "ironie d'échafaud"...»



Des poèmes tels qu' « A regret » ( « La mort en tablier qui rentre ses moissons, / repliant les messieurs, les dames, les oiseaux, / la mort n'écoute pas nos discours de poissons, / les mots que nous disons restent au fond des eaux. ») tels que « Contre-temps », « Amour », « Le mot de passe », tels que « Le poseur de questions » : « Le mort que je serai s'étonne d'être en vie » - de tels poèmes illustrent assez bien le lyrisme obsessionnel de ce mort en sursis que Claude Roy ne peut s'empêcher d'être. De même, La nuit est le manteau des pauvres s'ouvre par un chapitre où le sentiment de la mort surplombe les autres sentiments du héros et règne sur le monde extérieur. De même dans l'ouverture du Malheur d'aimer (« L'amour est une invention de la mort ») ou au chapitre XVII du Soleil sur la terre : « Gomment les vivants s'y prennent-ils pour n'être pas envahis par les morts? » Claude Roy reste obstinément « celui qui se cogne à la mort ».

« Je suis, avouait-il, un enfant du siècle des sursis. En soulignant le mot sursis. Né dans la guerre, en 1915, je suis venu à la conscience d'homme pour voir se succéder les guerres. Réoccupation de la rive gauche du Rhin par Hitler, guerre d'Ethiopie, guerre d'Espagne, capitulation de Munich... Et puis, bien sûr, la guerre de 39-40, l'occupation, la guerre de 44-45... Des années durant, ma génération a vécu sans lendemain. »



Mais un autre thème fondamental de l'ouvre se dessine déjà dès les premiers poèmes : celui de la duplicité, du déchirement ou du dédoublement de l'être. C'est le thème qu'on pourrait nommer celui de « l'animal double » ou « des deux hommes en un ». Le poète pose constamment la même question : « J'habite aussi mes antipodes /je suis un autre et je suis moi / je me remaille et me débrode / Pénélope de mon En-moi (...) / Claude Roy dites-moi qui est-ce / je l'ai bien connu autrefois / C'est un homme d'une autre espèce / un visiteur que je reçois », « ... moi je m'évapore et me perds et me trouve / et ne suis jamais sûr d'être ce que je suis. »

A la certitude de la mort, Claude Roy oppose une « stratégie » dont il analysera plus tard dans Moi je les étapes, et dont ses poèmes illustrent la démarche intérieure : intensité vécue du « fait pur d'exister », usage de la mémoire volontaire - et involontaire, et recours à l'art enfin, à la poésie. Comme il l'écrira dans Arts sauvages : a Avant d'être une joie, l'art est une ruse de guerre... contre la mort. »



Aux vertiges de la division perpétuelle de soi d'avec soi, il répondra par les ressources unificatrices des instants privilégiés : la nuit (qui est aussi une nuit intérieurE) le soleil, la mer ou enfin l'amour réconciliateur. Ainsi peut-on interpréter le poème le plus connu de Claude Roy, « La Nuit » : « Elle est venue la nuit de plus loin que la nuit / à pas de vent de loup de fougère et de menthe / voleuse de parfum... » comme un texte sur la qualité unificatrice de la nuit. De même, dans « Mille morts », ces vers où brûle et irradie le pouvoir unificateur de midi (« Le soleil tout à ce qu'il fait / n'est que lumière et que chaleur / et l'arbre d'un seul mouvement / n'a qu'une idée dans ses racines »). De même, telle strophe de /'Elégie des lieux communs, tels vers de Clair comme le jour ont-ils pour le poète la vertu essentielle d'évoquer et invoquer l'amour ré-unificateur.



Mais c'est sans doute simplifier à excès, et donc trahir l'ouvre du poète Claude Roy, que de la réduire à un « système de défense » moral ou métaphysique, à une activité protectrice contre la mort et contre la dispersion ou le dédoublement existentiel. Certes, ses poèmes ont assez de densité et de rayonnement pour que leur lecteur ne soit plus à la sortie du recueil tout à fait ce qu'il était en l'ouvrant. Mais on ne saurait ramener une pareille ouvre aux dimensions d'une sorte de psychothérapie poétique. Car les plus beaux poèmes de Claude Roy sont finalement aussi peu réductibles à une entreprise de « récupération de soi » que la pierre d'améthyste de Picasso, dont il parle dans La Main heureuse :

« Cet objet m'a toujours fait rêver. C'est une améthyste à l'intérieur de laquelle est demeurée captive une goutte d'eau, une toute petite et tremblante et banale goutte d'eau âgée de millénaires. Quand Picasso prend la pierre d'améthyste dans sa main et l'agite, on voit la goutte d'eau fabuleuse et ordinaire doucement rouler dans son petit alvéole, et je me dis que la nature pendant des milliers d'années a médité la belle transparence violette de l'améthyste uniquement pour la charger de préserver et d'enclore cette minuscule fraîcheur d'avant le déluge et d'avant les hommes : une goutte d'eau. Ainsi toutes les ressources de la grammaire et de la syntaxe, des versifications et des règles, des rhétoriques et des conventions ne sont que les cristaux inventés par l'art pour transmettre et sauver la goutte d'eau de la confiance que, malgré tout, l'homme fait aux hommes. »



C'est cette goutte d'eau-là, qui parfois tremble et luit dans les vers d'un poète qui se définit lui-même comme un « poète mineur ». Mais les mineurs sont aussi, parfois, ceux qui vont chercher au profond de la nuit une goutte d'eau pure, une étincelle de feu central.



Pierre Gardais et Jacques Roubaud.



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Claude Roy
(1915 - ?)
 
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