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Anne Perrier



Le petit pré - Poéme


Poéme / Poémes d'Anne Perrier





I



Amour

Les étoiles t'ont pris pour leurs lampes

Buveuses de soleil

Où l'ont-elles mis sous quelle rampe

Du ciel

Ont-elles caché l'Amour

Si doux que je cueillais

Dans un éternel jour

Que je cueillais cueillais

En paix

Cerises mûres au creux du temps

Coqs de lumière

Etés printemps dorés ô ma terre

Brûlante sous la mort ô grand

Soleil des mers

Qui m'emportait tous vents éteints

Et puis sans fin

De rivage en désert

Me répondait au cour Comme de frère à sour Et maintenant qui me dira Des mots semblables des mots Si beaux

Qu'ils firent perdre éclat Et rompirent les veines A la douce langue humaine



II



Pour un chemin

Que je connus sans le connaître

Pour un vin

Que je goûtai peut-être

Pour un matin

Qui mit le feu à ma fenêtre

J'irai si loin

Que les morts me verront apparaître



III



Terre sois belle ô l'endormie

Des jours d'été

Peux-tu me contenter

Que je ne crie

Ma faim vers ton silence

Deux à deux brûlent les noisettes

Mais les yeux verts de l'innocence

Dans quelle cachette ?

La source du rocher

Je la vois bien

Mais l'eau dont la nuit m'a parlé

Non point

L'amour pend sous la treille

Comme le chaud raisin

Mais qu'elle est loin

La pure la douce merveille

Dont j'ai faim



IV



Toute la vie quotidienne

Est là

Un visage sous les persiennes

Qui se rabat

Le doux soleil

S'en va mourir la tête en bas

Et le jour se débat

Comme une fine abeille

Entre deux doigts



V



Une enfance nous est cachée

O mon âme

Très loin nous l'aurons cherchée

Mais la recevrons dans les larmes

De tout près

Ce faux deviendra vrai

Ce bas deviendra haut

Déchire ton manteau

O nuit longue douleur

La mort se brise comme un verre

Et le fruit tourne en fleur

Au milieu de l'hiver



VI



Ne me faites pareille

A la rose la passerose

Royale des jardins

Car je n'ose

Porter dans mes rêves les abeilles

Mais l'herbe du chemin

Que nul n'a regardée

Un pied l'a couchée dans le soir

Et les étoiles boivent

Son parfum d'écrasée



VII



O mort un jour enfin

Tu briseras ce voile ce rideau d'arbres

Qui tremble à mi-chemin

D'un monde qui m'est seul adorable

Et le silence couvrira la terre

Couchera les vieux mots au cercueil

Et mille sources bondiront dans l'air

Doux comme un oil



VIII



Nous nous endormirons

Et ce sera tellement simple Nous verrons

Que vivre était beaucoup plus difficile

Et tout rempli de gestes inutiles

Que craindre ? Le jour se changera en un soir

Ordinaire La vigne me le dit si paisible

Au moment de verser dans l'invisible

Pressoir



IX



C'est tout petit qu'il faut entrer dans mon Seule une tête d'enfant [royaume

Peut trouver place entre mes paumes Je ne veux pas qu'on soit grand Ni qu'on pèse trop lourd Sur mes genoux de lumière Que cherchez-vous ailleurs ? Je suis la mère Du pur amour



X



Si vive était la clarté

Que je fermai les yeux

Si pure était la beauté

Que se taire valait mieux

Et maintenant s'il m'arrive de les citer

C'est un peu

Comme on demande pardon de tenter

Dieu



XI



Un corps

En terre prend si peu de place

Pour un mort

Il suffit de ce bref espace

Marge de bois

Là tiennent les mains les bras

Tous les rêves étroits

Et cette verte immensité

L'Eternité



XII



Souvent je pense qu'il faudra mourir Où, quand ? Seules questions Puis le temps va s'ouvrir Et nous jeter pauvres apodes sur le pont De l'amour Alors nul vent Ne tentera plus nos ailes Où Irions-nous désormais ô mon cour ayant Manifestement tout



XIII



En ce monde tu es l'oiseau

Ne trahis pas l'espace ni le chant

Ce serait beau

Déjà et suffisant

Si tu pouvais tenir la note unique

Que Dieu te destina dans sa libre musique



XIV



Joue contre joue ciel contre ciel

Le monde et moi

L'oiseau prend voix

Dans l'arbre artériel [la distance

Depuis longtemps un même sang abolit

Quelle est cette ombre ? Qui m'appelle ?

S'il est au monde une souffrance

Je suis en elle



XV



Je suis l'enfant des rivières lentes

Et des demi-jours

Conduisez-moi je suis l'amante

D'un unique amour

Trop fière pour pleurer trop faible

Pour cacher mes larmes je vais

Sans savoir si je suis partie

Et si viendra le jour que je mendie



XVI



Si j'étais la vallée profonde

Je vous cacherais dans mes fleuves

Si j'étais la mer

Je vous emporterais vers mes abîmes

Si j'étais le torrent

Je me jetterais en vous

Si j'étais le sentier

J'irais me coucher sous vos pieds

Si j'étais la vigne et le vin

Je vous enivrerais toute la nuit

Si j'étais le blé mûr

Je vous couvrirais d'or

Si j'étais l'abeille de juin

Je vous butinerais le cour

Si j'étais le lézard

Vous me trouveriez dans vos murs

Mais que suis-je ? Rien rien

Pour toujours ce visage en larmes

Blotti dans vos mains



XVII



Lumière je te tiens

Déjà trouble

Joie désirée unique je t'atteins

Double

O monde sur deux tiges

Pour cueillir la fleur simple éternelle

Il faudra choir mortes les ailes

Dans la splendeur et l'ombre du vertige



XVIII



J'ai pris tout l'été

Sur le point de mourir

Avec un mot on pourrait enchanter

La mort et l'endormir

Eterniser doucement la lumière

Et la beauté si belle

Et la vie tout entière

Mais le mot qui rendrait les choses

Est caché dans la mort [immortelles

Et l'été qui s'en va poudre d'or

Sur ma vue l'été le saura

Plus tôt que moi



XIX



Nous nous étendrons sous les arbres

Et le jour passera

Plus tard quelqu'un prendra

Nos veines pour du marbre

Nous serons taillés vifs

Et le sang se taira

Ah! mais qui verra

Battre le cour vivant sous les massifs

Seules les fleurs de citronnelle

Troubleront l'air de leurs ailes



XX



Une à une

S'éteignent les prunes

Sous les profonds vergers

Où vont-elles pourriture fumier ?

Pour le savoir

Il faut regarder les étoiles

En pleine nuit de juin

Mais encore ce n'est rien

Il faut brûler tous les arbres en un seul feu

Arracher le soleil aux cieux

Mais encore c'est peu

Dire les mots les plus brillants

Perle rosée diamant

C'est encore néant

Quand les yeux pourront voir et les lèvres

Si puissante clarté [chanter

Deviendront pierre glace raideur

Et brûlure sans fin en polaire demeure



XXI



Le temps est mûr

Je n'en sais rien

Je vois le mur

Et le chemin

La vie peut-être qui s'arrête

Un plomb d'or dans la tête

Et moi toute déserte

Les mains bien lisses bien ouvertes

Vivant d'aumônes

A l'entrée des palais

Et des miettes que les balais

Chassent au vent pour personne



XXII



A quoi sert toute nulle la fleur Que l'abeille ne connaît point Vienne sur moi l'essaim Lumineux et que je meure Dans les parfums La prairie gardera le secret Le vent ne dira rien Crime parfait



XXIII



Sur mes genoux je berce le soleil

Lui grand moi si petite

Lui tout brillant moi l'anthracite

Je berce le soleil

Lui feu moi glace

Lui l'océan moi l'eau qui passe

Sur mes genoux je berce le soleil

Lui riche et moi pauvresse

Lui l'abondance moi sécheresse

Je berce le soleil

Je lui dis les mots d'une mère

Qui ne suit que son cour

Et tous ces riens miettes misères

Lui sont miel et douceur

O lourd été je tiens mon enfant sans

Lui plénitude moi désaccord

Lui rouge vie et moi la mort

Sur mes genoux je berce le soleil



XXIV



Je marche à la lisière

Du jour ou de la nuit

Qui peut dire si la lumière

Sera plus forte que l'oubli

Le beau soleil je l'ai vu mettre en bière

Tout pourri

Mais on dit

Que le coq a chanté au fond des cimetières

Eblouis



XXV



Voici ma place

Pour l'éternité

Une chaise de paille basse

Le silence et l'été

Un mur que le ciel a fendu

Comme une rue

Et mon âme qui s'habitue

A dire tu





XXVI



Ton nom me suffit

Le livre est mort la page est morte

Dévorés par le feu

Dieu

Ferme la porte

Eteins mes yeux

Tout est dit



XXVII



Tu ne connais pas

La douceur de ton nom

Tu ne sais pas comme il est bon

De le dire d'en bas

Quand on se tient

Dans l'ombre de ton cour

Quand on n'a rien

Que son âme en pleurs



XXVIII



Dans l'eau de ton visage Je suis le cresson sauvage Ne me demande pas de fleurir Je ne sais comment font Les roses pour mûrir Moi toute verte au fond D'une eau lente à me recouvrir



XXIX



Ce que je connais

Est plus profond que tous les mots

A côté c'est en vain que je mets

Les gages les plus beaux

Nul n'existe Pourtant s'il est vrai

Ce que je vois n'est rien

Auprès d'une beauté

Que je ne connais point



XXX



Il n'y a plus vergers ni guêpes

Ni les abeilles préférées

Et la douce lumière aimée

Dort sous le crêpe

Pas de larmes cour épuisé

Tu comprends que c'était folie

De vouloir éterniser

La danse et la saison fleurie



XXXI



Il suffirait d'un papillon

Pour que la prairie se mette à voler

Que l'oiseau moribond

Cueille son cour étoile

Quand le trèfle sent bon

Comme un framboisier

Pourquoi dirait-on

Que l'oiseau s'est trompé

De saison



XXXII



Petit chemin blanc

Qui t'agenouilles entre les herbes

Dis-moi quel vent

T'a dépouillé de tous les gestes

Si je m'étends comme toi sous la haie

Serai-je assez inaperçue

Pour que les enfants ne s'effrayent

Et pleins de rires me passent dessus



XXXIII



Abeille qu'as-tu fait ?

Toutes les fleurs te furent prêtées

On vit couler dans la vallée

La luzerne et le serpolet

Nulle excuse pour toi

Et nul amendement

L'été fut grand

Comme un geste de roi



XXXIV



Un jour peut-être que se taire

Sera ma récompense

Les mots tombés à terre

Ont-ils encore un sens ?

O cour tu ne vois que des morts

Et doucement tu consens au silence

En toi plus beau: pépite d'or



XXXV



Je ne suis pas poète

Dans une chambre j'attendrais

Tous les mots en habits de fête ?

Les jeux sont faits:

Au bord de la rivière

J'habite avec les cailloux blonds

Sur l'eau seule j'écris ton nom

Lumière



XXXVI



Ce n'est pas assez

D'une flaque de ciel en notre cour

C'est le ciel tout entier

Que je veux Quand viendra l'heure

De s'écouler comme une eau pure

Dans le lit profond de l'amour

Oh! quand viendra le jour

D'être comme une étoffe sans couture



XXXVII



Pauvreté ma demeure

Nulle autre ne m'attend que toi

Je t'aime et tu me fais peur

Pourquoi

Il n'y a plus de traces

Qui peut me montrer le chemin ?

Je marche et le temps passe

Une voix dit rien rien rien



XXXVIII



La gravité

Persienne ouverte sur l'éternité Elle est si tranquille liesse Que les âmes superficielles La prennent pour la tristesse Pourquoi triste quand l'énigme est Mais si profonde qu'on ne peut La lire sans fermer les yeux



XXXIX



On voudrait dire c'est le paradis

Tellement cette pauvre apparence

Est douce à notre ignorance

Le temps marque midi

La lumière des campaniles

Entre en nous comme une couleuvre

Plus besoin de preuve

Mourir est inutile



XL



Je vois la poésie couchée

Des femmes prient

A côté

Serait-ce l'agonie

Là-bas les blés sont beaux

Comme les yeux de juillet

Si l'on pouvait oublier

Ce visage bientôt

Décomposé

Qui entre dans la mort

Comme un petit pré

S'endort



XLI



Tout est consenti

Je m'abandonne à l'oubli

Au silence à la nudité

Minérale du chant

Forêts et champs

Rivières laissez-moi passer...

Le coeur tremblant

Je cherche la beauté

Vêtue de nuit

Qui vous a renversés

D'un cri



XLII



La fleur

Nous ne la verrons pas

Viendra

La mort et sa profondeur

Et cette chair éclatera

De peur

Luira

Soudain d'éternelle splendeur



XLIII



Suis-je venue

La lumière sera pareille

Exactement

Peut-être même un peu plus belle

Qu'avant

Elle m'aura perdue

Et puis après?

Pour la terre nul intérêt

Que je vive ou je meure

Pour moi c'est l'unique commencement

Dans une heure

Je serai cendre ou diamant



XLIV



Entre les haies fleuries

Je n'irai plus

Rasez ma vie

Comme un talus

Prenez le trésor des greniers

La maison le cellier

Toute la vigne d'or

Je n'en veux plus

Ce temps hurle à la mort

Et je ne peux dormir

Je m'en vais les pieds nus

L'amour seul à dire



XLV



Je chante le très pauvre le très doux amour

Qui m'a rompu le cour

Ecoutez la fontaine en pleurs

A la tombée du jour

Peut-être que la nuit va réveiller

Celui dont on n'a pas voulu

Et qui mourut

Cent mille fois martyrisé

Si vous le rencontrez

Dans les yeux d'un enfant perdu

Vous comprendrez

Pourquoi mon chant s'est tu



XLVI



C'est le temps de l'humilité

De la petite source

Aux yeux brisés

Nous finirons la course

Aveugles dépouillés

De tout

Frères vivants priez

Pour nous



XLVII



Parler haut

N'a plus de sens

Et le silence

Est un oiseau

Perdu... Peut-être qu'il faut

Donner aux mots

Une nouvelle naissance

Une douce innocence

A l'orée du cour

Ce qu'ils diront

Tuera les fleurs

Et l'arbre dans l'amande

Terre à nu tremble et demande

Pardon








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Anne Perrier
(1922 - ?)
 
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