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André Malraux

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Préface à Sumer d'André Parrot


Poésie / Poémes d'André Malraux





(Gallimard, i960, p. XX-XXIII)



Les dieux sumériens, comme les dieux mexicains, sont encore nommés couramment des idoles, mais qu'est-ce qu'une idole ? Les conquistadores ne pensaient point que les dieux aztèques fussent des statues, ils les tenaient pour démons, et les brûlaient en conséquence ; les Aztèques avaient construit une prison pour les dieux des vaincus. Le XIX0 siècle voyait dans l'idole, le fétiche, des objets auxquels ceux qui les vénéraient prêtaient un pouvoir illusoire ; de ce point de vue, aucune différence entre un chef-d'ouvre africain et un bâton. On ne s'interrogeait pas alors sur la création de l'idole, parce que l'on tenait pour assuré que si les Africains sculptaient leurs figures comme ils le faisaient, c'est qu'ils étaient incapables d'imiter ou d'idéaliser le corps humain. (Les Espagnols avaient été plus troublés, parce qu'ils avaient rencontré au Mexique un empire - et le luxe.) Que les idoles cessent d'être « des bonshommes », le problème que leur création pose à l'artiste devient clair : c'est de créer une figure qui soit autre chose que ce qu 'elle représente. De même que nous ne pourrions admirer comme ouvre d'art un tableau qui serait seulement un trompe-l'oil, un Sumérien n'eût pu prier une statue dans laquelle il n'eût vu que l'imitation d'un homme. Le pouvoir magique de toute statue était assuré par ce qui la séparait de cette imitation.



Quelques-uns des moyens employés par les sculpteurs sont aisément saisissables : épaules et coudes en croc hérités des déesses ophidiennes, nez en bec hérité peut-être de l'homme-oiseau préhistorique ; violente schématisation, barbes étagées comme les escaliers des ziggurats, et surtout, pour les déesses et pour les dieux, ces yeux d'hypnose. Nous ne connaissons pas l'atmosphère dans laquelle baignaient les figures de Tell Asmar et de Khafadje (en face de l'Egypte, la Mésopotamie est un champ de décombreS), et nous ne pouvons imaginer sans effort le sentiment que firent naître ces formes chez ceux qui les découvrirent, non comme des statues, mais comme des apparitions. Les formes de la première moitié du IIIe millénaire sont nombreuses, depuis la Tête de Warka jusqu'à la Grande Chanteuse ; les têtes de la Diyala, moins familiales que celles de Tell Asmar, ne se ressemblent guère plus que des anges ; quelques adorants, celui de Khafadje par exemple, opposent à l'hiératisme des grands dieux un frisson terrifié... Les créateurs de ces figures sont unis par leur volonté de les délivrer du monde des vivants, et cette volonté de les introduire dans un autre est l'objet même de leur création commune. La référence à la forme humaine n'intervient que dans la mesure où celle-ci peut devenir un moyen d'expression du surnaturel.



Les arts liés à l'idéalisation sont de puissants moyens d'imagination, et leurs ouvres ont été longtemps tenues pour l'imitation de modèles imaginaires. Mais non seulement le Dieu Abu n'est pas l'imitation maladroite d'une figure imaginaire : il n'est l'imitation de rien. Cet art rend les personnages sacrés présents à l'émotion du spectateur, comme leurs idéogrammes les rendent présents à son esprit. Si les divinités de Tell Asmar agissent sur l'imagination, ce n'est pas au sens où nous le disons de l'Ecole d'Athènes, c'est au sens où nous le disons de la musique. Le Dieu Abu ne suggère pas un personnage qui lui ressemblerait : un tel personnage est inconcevable. L'assemblée des figures qui l'accompagnent ne suggère aucune assemblée humaine devenue sacrée, elle est sacrée par ce qui la sépare de toute assemblée humaine. Trop de résurrections emplissent notre Musée Imaginaire, pour que nous puissions encore attribuer à la gaucherie le contraste entre les mains minuscules de la déesse de Tell Asmar et ses yeux immenses. Ces yeux, nous les retrouverons, avec leur cornée d'os ou leurs paupières de bitume, pendant cinq siècles. Moyen de création, et non d'expression, car le but du sculpteur sumérien n'est point de s'exprimer en tant qu'individu ; moyen de création majeur, parce qu'il délivre de l'humanité la figure humaine, et la rend parente de celles des dieux qu'elle capte en semblant les refléter. [...]



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André Malraux
(1901 - 1976)
 
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