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Alfred de Musset

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Alfred de MUSSET (1810-1857) - Le prodige et le prodigue


Poésie / Poémes d'Alfred de Musset





Le prodige et le prodigue



Issu d'une famille aisée, Musset fait de brillantes études que couronne un prix de latin au concours général (1827), fréquente l'Arsenal et le salon des Hugo, lance à dix-neuf ans un premier recueil poétique : Contes d'Espagne et d'Italie (1830). Mais ce n'est qu'en météore qu'il traverse un romantisme qu'il répudie peu après dans les Pensées secrètes de Raphaël Guillet 1830), préférant aux « romantiques barbus aux visages blanchis » les élégances du dandysme.



Volontairement séparé de ses pairs, Musset se trouve très vite complètement isolé par l'échec de la Nuit vénitienne à l'Odéon (1er décembre 1830). Pourtant la scène continue de le fasciner : Un spectacle dans un fauteuil (un drame, la Coupe et les Lèvres ; une comédie, À quoi rêvent les jeunes filles, et un « conte oriental », NamounA) ouvre ainsi la voie à ce théâtre écrit hors des contraintes de la représentation et qui donnera quelques uns des chefs-d'ouvre de la littérature dramatique romantique : André del Sarto et les Caprices de Marianne (1833), Fantasio,^On nebadine pas avec l'amour et Lorenzaccio (1834), etc. Lorenzo, Perdican, Octave... autant de variations sur un même personnage, autant de projections de la sensibilité de Musset ; une sensibilité particulièrement éprouvée par la liaison passionnelle et orageuse avec George Sand (1833-1835) et dont la trace se retrouve aussi dans le roman (la Confession d'un enfant du siècle, 1836) ou le poème (Rolla, 1833, et surtout le cycle des Nuits [1835-1837]).

Des aventures sans lendemain (Rachel, la princesse Belgiojoso, Mme Jaubert, etc.), des vers d'un lyrisme de plus en plus idéalisé (Tristesse, 1840 ; Souvenir, 1841), des « proverbes » (Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, 1845 ; On ne saurait penser à tout, 1849) : la vie et l'ouvre de Musset s'achèvent, consacrées par l'élection à l'Académie (1852), mais dans l'indifférence générale.



Le cas Musset



Il y a un « cas » Musset - qui ne date pas d'aujourd'hui - et qui enferme l'écrivain dans de réductives formules. Si l'on se plaît à louer son théâtre, il est de bon ton de mépriser sa poésie ; et les cautions d'un tel jugement ne manquent pas, parmi les plus illustres : Rimbaud ne le proclame-t-il pas « quatorze fois exécrable » ? Et Baudelaire ne dénonce-t-il pas son « torrent bourbeux de fautes de grammaire et de prosodie » ? Parce qu'il fut précoce on le condamne à n'être qu'un poète de la facilité ou du superficiel, lui concédant tout juste le « charme » du badinage d'un autre âge. Parce qu'il ne connut pas le guignon, on ne supporte pas son dandysme, objet d'admiration s'agissant d'autres ; on va même jusqu'à l'accuser de privilégier le paraître à l'être, de n'être que postures sociales. Parce qu'il fut d'abord poète de la douleur, on en fait un efféminé, digne de la grisette mais indigne de l'art. Surtout, parce qu'il refusa de s'engager dans le siècle et n'ouvrit pas la voie d'une poétique nouvelle, on le décide poeta minor, bon pour les récitations enfantines ou les amoureux en mal d'inspiration.

Mais ce que l'on refuse au poète, on l'accorde sans réserve au dramaturge... en oubliant que son théâtre s'est avant tout construit hors de la scène et que sa poésie - voir les Nuits - est avant tout une dramatisation de la parole. Et que l'on ne saurait aimer ses multiples héros sans songer que la plume qui les a couchés sur le papier se servait souvent d'une encre qui avait la couleur du sang de Musset...



Une poétique de l'interrogation



Pourtant, l'itinéraire poétique de Musset traverse le romantisme en posant la question fondamentale de la fonction de l'art : ses Contes d'Espagne et d'Italie, festival de thèmes à la mode et à la versification virtuose, semblent ouvrir une brillante carrière à une plume joyeuse, exaltant le plaisir d'écrire ; mais tout se brise après juillet 1830, alors que les romantiques assignent une mission sociale et politique à l'écriture. Avec les Voux stériles se manifestent les premiers symptômes d'une crise. Incontestablement personnelle, elle affecte également l'ensemble des valeurs, et d'abord celles de la nouvelle école, taxée de dogmatisme. Le conflit entre action et lyrisme, compliqué par celui entre passion et poésie, aboutit au constat d'échec, exprimé dans les Nuits. Echec de l'écriture, incapable d'unir le vivre et le dire, échec individuel de la faculté créatrice. Musset est peut-être ainsi le mieux placé pour analyser le « mal du siècle », fondateur et destructeur de l'écriture. La Confession d'un enfant du siècle saura exprimer ce vide et cette déréliction. Désigner une absence : le dolorisme affecté occulte la revendication de l'acte poétique et la valorisation de la souffrance créatrice. Angoisse existentielle, interrogation sur le monde, la poésie permet la maîtrise provisoire d'une existence par la coïncidence de la parole et du désir. Seule vérité dans un univers du mensonge et de la dégradation, elle ne prétend rien dire qu'elle-même, au prix d'un travail formel qui retrouve les contraintes classiques, mais elle suppose et affiche les exigences du jeu. Ironie gratuite et implication de l'essentiel : l'écriture de Musset sauve la vie.



La vie contre l'art



Placé sous le signe du manque, l'être a cru trouver dans l'art une salvation. Or, pris dans la logique délétère du marché, l'art se dévalue, et sa quête du même coup. La création, loin de racheter la vie, la contrarie. La poésie s'avère illusoire. Mais avant l'impasse ultime qui stérilise l'écriture au nom d'une incompatibilité affirmée entre expression et travail, Musset explore les voies du je problématique, celui de renonciation lyrique. Ce je fictif ne recouvre pas le moi, si souvent étalé dans les lectures traditionnelles. Il renvoie à l'absence et convoque les prestiges de l'ironie romantique, qui postule à la fois la nécessité et l'impossibilité de la création, vertu critique par excellence. S'expliquent ainsi l'apparente désinvolture, la légèreté, les pratiques parodiques de genres consacrés (épopée, poème dramatique...), et aussi certaines outrances. L'incertitude du sujet, son rapport problématique au monde s'énoncent lucidement.

Orchestrant de façon quasi obsessionnelle des thèmes romantiques (jeunesse, réelle ou rêvée, blessures du cour, angoisse du néant...), la poésie énonce une morale de la modernité, temps de la perte et de l'avilissement. Procédé privilégié, le dédoublement n'obéit pas seulement à une loi psychologique : il exprime cette scission du moi qu'implique l'ironie, cette distance, et il autorise le dialogue, cette procédure d'estrangement. Cette multiplication des voix, si souvent relevée dans cette écriture de la contradiction, trouve sa meilleure expression au théâtre, ce lieu des discours divers.



Le Shakespeare français ?



À la différence de ses contemporains, Musset ne s'est guère préoccupé de théorie : pas de Préface de Cromwell chez lui ; tout au plus pourrait-on déceler une poétique dramatique dans l'article « De la tragédie » (1838) qui confirme le regain d'intérêt de Musset pour le siècle classique qu'annonçaient déjà les Secrètes pensées de Raphaël :



Vétéran je m'assois sur mon tambour crevé.

Racine rencontrant Shakespeare sur ma table,

S'endort près de Boileau qui leur a pardonné.



Synthèse des contraires ? Oui, si l'on s'en tient à l'opposition formelle d'un théâtre de règles et d'une dramaturgie en liberté ; non, si l'on s'attache à la seule essence du théâtre :



L'autre, comme Racine et le divin Shakespeare,

Monte sur le théâtre, une lampe à la main,

Et de sa plume d'or ouvre le cour humain. [...]

L'action n'est pour lui qu'un moule à sa pensée. la Coupe et les Lèvres, Dédicace.



Tout le théâtre de Musset s'inscrit dans cette relation évidente de la forme et du fond qui n'a que faire des théories : les personnages parlent pour défendre des idées, et le choc de ces idées crée l'intrigue. D'où un théâtre alliant, dans une structure fortement organisée, une action centrale autour des protagonistes et des actions secondaires où se croisent des fantoches, ceux-ci mimant et commentant faits et paroles de ceux-là.



Le théâtre d'une génération perdue



Déploiement des contradictions, le théâtre est aussi tableau de la Cité et dynamique des trajets. Se donnent à voir l'impossibilité d'oublier le passé, le refus du présent, l'opacité de l'avenir. Sans préoccupation idéologique, le théâtre de Musset combine les dégradations : de l'action à la politique, de l'amour au libertinage, de la foi à l'indifférence. Lorenzaccio offre le traitement exemplaire de cette condamnation. Aboutissement d'une chute hors de l'enfance, de l'expérience tragique du réel, la mort du héros démontre l'échec et l'impossible accomplissement. Toutes les pièces se disposent sur ce parcours, privilégiant la psychologie amoureuse, la satire des grotesques, et la stratégie du masque. Nuisibles, les marionnettes ridicules figurent une société insupportable ; ambivalent, instance de vérité et scansion de l'intrigue, le masque interdit et autorise la communication. Caprice et tragédie, fantaisie et drame, humour et sérieux s'harmonisent dans une écriture souvent brillante, où la séduction dénonce, et qui décline des variations sur la trahison, ce leitmotiv de toute l'ouvre.

Le mélange des tons, plus encore que celui des genres, prouve la maîtrise d'un dramaturge capable de passer du marivaudage tragique au drame quasi shakespearien. De quiproquos en dévoilements, il met en scène toutes les faillites d'une époque. Dérision, pathétique, comique, grimace... tout concourt à élaborer une vision romantique du monde (et les distances prises par Musset avec cette esthétique éthique de la modernité n'y changent rieN). Le sublime, la passion, les épreuves chantent la grandeur de l'individu, mais d'un individu confronté à l'oppression du social, et donc condamné à une mort réelle ou symbolique. L'horizon garde l'empreinte de valeurs absentes, mais qui happent le héros, hanté de nostalgie, miné par le désenchantement ou fou d'impatience. L'absolu informe ce théâtre foncièrement pessimiste, à commencer par le bonheur, objet d'une quête désespérée, et que les pauvres compromis de la vie privée ne réalisent guère, sinon comme mensonge {le ChandelieR). Musset est bien ce poète que le siècle tue.



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Alfred de Musset
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