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Achille Chavêe



La panique rouge - Poéme


Poéme / Poémes d'Achille Chavêe





Belle parfaite intangible folie

venge-toi

il faut que tu te venges

imagination d'impériale origine

venge-moi

venge-toi

venge-nous tous

brute qui passes

brise-moi la figure si cela te console

tue-moi parmi ce flot de paroles tranchantes

dont j'use pour dire un peu de vérité

vérité aux miasmes redoutables

qui déjà devrait m'avoir mangé

et qui me laisse ridicule et brisé

entre les doigts d'airain de tous les inconnus

et puis quelle blague que tout cela

mais pourquoi venir nous répéter

que nous sommes prisonniers

nous ne sommes pas prisonniers

nous ne le serons jamais

nous répétons que nous sommes libres

nous sommes libres

nous sommes libres

la belle affaire

hélas

chère pauvreté

ce n'est pas assez d'être pauvre

ce n'est pas assez d'être pur

pour être libre

les hommes qui de très loin nous connaîtront

devront savoir un jour

un jour de délire communicable

vers quelle souffrance nous a conduits

une volonté sauvage

et si dure

et si triste

Comment fuir

par où fuir

comment briser le moule

qui enserre notre visage

au regard cependant impérissable

il faut se justifier

tout justifier

les débris de notre cour

hypocritement recollés

comme un vase précieux de
Chine

qu'un choc pesant aurait brisé

il faut sauver quelque chose

comme une fleur

comme un poison

comme une île

comme un poignard

Parle

pauvre type

pauvre petit propriétaire de désespoir

de moyenne envergure

tu ne pourras même plus honnêtement posséder

l'orgueil d'un aussi petit désespoir

puisque tous les désastres prédits

puisque tous les anathèmes lancés

s'accomplissent aujourd'hui

il n'y a plus que chansons sanglantes d'engrenage

qui vont tout happer sans te happer

qui vont tout tuer sans t'achever

qui vont tout détruire sans ton suicide

il n'y a plus qu'un rouge irréfutable

aux pervenches de nouveaux printemps

aux ailes éclatantes de diadème bleu



9 septembre 1939

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Achille Chavêe
(1906 - 1969)
 
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