Achille Chavêe |
J'aurais voulu écrire un livre sur le bonheur de vivre où la joie éclatait en explosions successives où le matin était l'angoisse heureuse d'être où le crépuscule du soir était un apaisant baiser de l'inconnu j'aurais voulu être mangé comme un fruit de lumière être bu comme une tisane de bonté j'aurais voulu vous présenter le merveilleux bouquet de roses sans épines que je n'ai pas trouvé Du temps que j'étais milliardaire un éléphant vêtu de noir près de moi vint s'asseoir en me disant pardon confrère Du temps que j'étais souris blanche je suis sorti de souricière au jour perdu de ma naissance mais je n'ai pas gagné au change Du temps que j'étais hanneton je fus aussi dans la prison de l'allumette et dans celle des horizons Du temps trouvé pour être un homme et pour penser à moi aussi je n'ai cueilli sur l'arbre que la pomme pleine des vers de mon souci à Edouard Faucon O nuit horrible aurore horrible soleil horrible mémoire horrible ô dérisoire identité universelle vacherie Et si le Jésus-Christ est Dieu tant mieux et mieux vaut lui qu'un autre crocodile spirituel Vous le voyez j'ai quelquefois la connerie de croire en des instants d'immense lassitude que je me ferais bien à sa mâchoire ainsi qu'un très petit oiseau du Nil Fusillez-moi je l'autorise Et ne pas faire le dresseur de puces intellectuelles et ne pas oublier lorsque je mange que mon petit chien me regarde et penser quand je fais l'amour que c'est acte de dieu et dévorer le monde en affame de vérité à Armand Simon N'importe quel homme peut bien m'assassiner au tout premier tournant venu et je dirai adieu veaux vaches cochons couvées très calmement ainsi que se prononce le mot dormir dormir dans la voiture du néant traînée par quatre sauterelles sans mémoire chacun sachant ce que parler veut dire Douce maman soyez heureuse auprès de Dieu ne pensez plus à moi je vous en prie oubliez-moi dans l'inconnu dans Pinescamotable aventure de vivre dans son atrocité autorisez que s'accomplissent les derniers pas d'irréparable à Paul Michel Avoir tiré des dizaines de fois à boulets rouges sur son âme son cour et progresser avec l'imprudence du sage dans les ruines de son propre destin c'est vivre c'est modeler dans l'invisible la matière indissoluble de son noyau c'est graver dans la muraille d'ombre les traits secrets de son dernier visage Hommes vous m'entourez de toutes parts hommes ma bonne volonté vous cerne hommes vous torturez les étendues les façades de l'incidence les oripeaux de la saison les sédiments spirituels hommes je suis en vous à votre insu je suis la belle négation de vos maîtresses prétendues hommes je suis toujours en vous comme un serment de contingence d'étonnante fidélité d'aromatique probité hommes vous ne pourrez jamais m'atteindre que dans le sang que je vous donne à Albert Snchelbaut Un jour viendra sans doute où nous serons en communication avec le monde des insectes avec les termites muets avec les aveugles fourmis Qu'est-ce que parler humain veut dire au fond du gouffre de la pensée ! Et je me vois très bien buvant un bock avec un insecte asexué à la table effrayante de l'éternité Insecte je bois à ta santé à nos bonnes santés interminables Écrire le poème unique qui a plus d'importance que d'être né que d'être encore en vie Écrire le poème unique intraduisible de survie l'ayant porté en soi humainement comme a porté Marie |
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Achille Chavêe (1906 - 1969) |
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