Triste brouillard - Poéme Tristesse

La tristesse parfois s'entête
Elle s'accroche à l'âme
Brouillard persistant.
Les mots se dérobent
Lourds et las et plein d'ennui
Un homme va vers son vide
D'un long vol il traverse ses plaies
C'est un poète errant
Les poètes sont des oiseaux
Au langage obscur
Ils se tiennent sur les corniches
Croque-morts désouvrés
La terre s'étire empale l'océan
La mer blessée malmène les barques frêles
Des âmes dérivent sans horizon ni rêve
Les poètes sont des hommes ou des femmes
Les vagues roulent leurs regards à la dérive
Leurs corps sont des cathédrales effondrées
Avachis sur des esquifs rompus
Ils lâchent prise et se noient en silence
L'océan les prend, les broie et les rejette
Les rues sont des estuaires marécageux
Et les villes des ports en déshérence
Y errent ces spectres irrésolus
Ils meurent sans fin
Ainsi qu'un crépuscule indécis
Mourir sans avoir vécu est supplice
Tant de désirs non éclos
Tant de chemins sans but
Tant de voyages inutiles
Tant de mains tendues restées vides
Tant de mains lâchées jamais reprises
Les êtres vont seuls malgré la foule
On s'aime comme on ment
On ment parce qu'on craint
On craint de se perdre encore
Alors, on ne s'aime qu'un peu seulement
Du bout des cours
Du bout des mains
Puis on se quitte lâche sur la pointe des pieds
Au milieu des nuits ou l'ennui s'épaissit
On s'en va seul rejoindre la foule des esseulés
Espérant que sa dérive croise une errance
Que toutes deux s'accompagnent en de vagues itinéraires
Dans la contemplation d'un lendemain incertain.
Et les poètes s'interrogent en silence :
Vivre n'est-ce qu'un long trépas ?
Demeure la tristesse qui s'entête
Elle s'accroche à l'âme
Brouillard persistant.