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Victor Hugo



A juvénal - Poéme


Poéme / Poémes d'Victor Hugo





I



Retournons à l'école, ô mon vieux
Juvénal.
Homme d'ivoire et d'or, descends du tribunal
Où depuis deux mille ans tes vers superbes tonnent.
Il paraît, vois-tu bien, ces choses nous étonnent.
Mais c'est la vérité selon monsieur
Riancey,
Que lorsqu'un peu de temps sur le sang a passé.
Après un an ou deux, c'est une découverte.
Quoi qu'en disent les morts avec leur bouche verte.
Le meurtre n'est plus meurtre et le vol n'est plus vol
Monsieur
Veuillot, qui tient d'Ignace et d'Auriol,
Nous l'affirme; quand l'heure a tourné sur l'horloge.
De notre entendement ceci fait peu l'éloge.
Pourvu qu'à
Notre-Dame on brûle de l'encens
Ht que l'abonné vienne aux journaux bien pensants.
Il paraît que, sortant de son hideux suaire.
Joyeux, en panthéon changeant son ossuaire.
Dans l'opération par monsieur
Fould aidé.
Par les juges lavé, par les filles larde,
O miracle! entouré de croyants et d'apôtres.
En dépit des rêveurs, en dépit de nous autres
Noirs poètes bourrus qui n'y comprenons rien.
Le mal prend tout à coup la figure du bien.



II



Il est l'appui de l'ordre; il est bon catholique;

Il signe hardiment : prospérité publique.

La trahison s'habille en général français;

L'archevêque ébloui bénit le dieu
Succès;

C'était crime jeudi, mais c'est haut fait dimanche.

Du pourpoint
Probité l'on retourne la manche.

Tout est dii.
La vertu tombe dans l'arriéré.

L'honneur est un vieux fou dans sa cave muré.

O grand penseur de bronze, en nos dures cenelles

Faisons entrer un peu ces morales nouvelles,

Lorsque sur la
Grand'Combe ou sur le blanc de zinc1

On a revendu vingt ce qu'on a payé cinq,

Sache qu'un guet-apens par où nous triomphâmes

Est juste, honnête et bon.
Tout au rebours des femmes,

Sache qu'en vieillissant le crime devient beau.

Il plane cygne après s'être envolé corbeau.

Oui, tout cadavre mile exhale une odeur d'ambre.

Que vient-On nous parler d'un crime de décembre

Quand nous sommes en juin!
L'herbe a poussé dessus.

Toute la question, la voici : fils, (issus.

Cotons et sucres bruts prospèrent ; le temps passe.

Le parjure dillormc et la trahison basse

En avançant en âge ont la propriété

De perdre leur bassesse et leur difformité;

Et l'assassinai louche et tout souillé de fange

Change son front de spectre en un visage d'ange.



III



Et comme en même temps, dans ce travail normal,
La vertu devient faute et le bien devient mal.

Apprends que, quand
Saturne a soufflé sur leur rôle,

Néron est un sauveur et
Spartacus un drôle.

La raison obstinée a beau faire du bruit;

La justice, ombre pale, a beau, dans notre nuit.

Murmurer comme un souffle à toutes les oreilles;

On laisse dans leur coin bougonner ces deux vieilles.

Narcisse gazetier lapide
Scévola1.

Accoutumons nos yeux à ces lumières-là

Qui font qu'on aperçoit tout sous un nouvel angle.

Et qu'on voit
Malcsherbes en regardant
Delangle.

Sachons dire :
Lebouf est grand.
Persil est beau;

Et laissons la pudeur au fond du lavabo.



IV



Le lion, le sûr, le vrai, c'est l'or dans notre caisse.

L'homme est extravagant qui, lorsque tout s'affaisse,

Proteste seul debout clans une nation.

Et porte à bras tendu son indignation.

Que diable! il faut pourtant vivre de l'air des rues.

Et ne pas s'entêter aux choses disparues.

Quoi! tout meurt ici-bas, l'aigle comme le ver.

Le charançon périt sous la neige l'hiver.

Quoi!
Je
Pont-Neuf fléchit lorsque les eaux sont grosses

Quoi ! mon coude est troué, quoi ! je perce mes chausses

Quoi! mon feutre était neuf et s'est usé depuis,

El la vérité, maître, aurait, dans son vieux puits,

Cette prétention rare d'être éternelle!

De ne pas se mouiller quand il pleut, d'être belle

A jamais, d'être reine en n'ayant pas le sou,

Et de ne pas mourir quand on lui tord le cou!

Allons donc!
Citoyens, c'est au lait qu'il faut croire!



V



Sur ce, les charlatans prêchent leur auditoire

D'idiots, de mouchards, de grecs, de philistins.

Et de gens pleins d'esprit détroussant les crétins;

La
Bourse rit: la hausse offre aux badauds ses prismes;

La douce hypocrisie éclate en aphorismes;

C'est bien, nous gagnons gros et nous sommes contents;

Et ce sont.
Juvénal, les maximes du temps.

Quelque sous-diacre, écios dans je ne sais quel bouge.

Trouva ces vérités en balayant
Montrouge1,

Si bien qu'aujourd'hui fiers et rois des temps nouveaux,

Messieurs les aigrefins et messieurs les dévots

Déclarent,
S éclairant aux lueurs de leur cierge,

Jeanne d'Arc courtisane et
Mcssaline vierge.

Voilà ce que curés, évêques, talapoins2,
Au nom de
Dieu vivant, démontrent en trois points.
Et ce que le filou qui fouille dans ma poche
Prouve par
A plus
B, par
Argout plus
Baroche.



VI



Maine! voilà-t-il pas de quoi nous indigner:'
A quoi bon s'exclamer? à quoi bon trépigner?
Nous avons l'habitude, en songeurs que nous sommes.
De contempler les nains bien moins que-- les grands

[hommes;
Même toi satirique, et moi tribun amer.
Nous regardons en haut, le bourgeois dit : en l'air;
C'est notre infirmité.
Nous fuyons la rencontre
Des sots et des méchants.
Quand le
Dombidau monire
Son crâne et que le
Fould avance son menton.



J'aime mieux
Jacques
Coeur', tu préfères
Caton;
La gloire des héros, des sages que
Dieu crée.
Ksi notre vision éternelle et sacrée; Éblouis, l'oil noyé des clartés de l'azur,
Nous passons noire vie à voir dans l'éther pur
Resplendir les géants, penseurs ou capitaines;
Nous regardons, au bruit des fanfares lointaines,
Au-dessus de ce monde où l'ombre règne encor,
Mêlant dans les rayons leurs vagues poitrails d'or.
Une foule de chars voler dans les nuées.
Aussi l'essaim des gueux et des prostituées.
Quand il se heurte à nous, blesse nos yeux pensifs.

Soit.
Mais réfléchissons.
Soyons moins exclusifs.
Je hais les coeurs abjects, et toi, tu t'en défies;
Mais laissons-les en paix dans leurs philosophies.



VII



Et puis, même en dehors de tout ceci, vraiment.
Peut-on blâmer l'instinct et le tempérament?
Ne doit-on pas se faire aux natures des êtres?
La fange a ses amants et l'ordure a ses prêtres;
De la cité bourbier le vice est citoyen;
Où l'un se trouve mal, l'autre se trouve bien;
J'en atteste
Minos et j'en lais juge Éaque,
Le paradis du porc, n'est-ce pas le cloaque?
Voyons, en quoi, réponds, génie âpre et subtil.
Cela nous touche-t-il et nous regarde-t-il.
Quand l'homme du serment dans le meurtre patauge,
Quand monsieur
Beauharnais fait du pouvoir une auge.
Si quelque évéque arrive et chante alléluia.
Si
Saint-Arnaud bénit la main qui le paya.
Si tel ou tel bourgeois le célèbre et le loue.



S'il est des estomacs qui digèrent la bouc?

Quoi! quand la
France tremble au vent des trahisons.

Stupéfaits et naïfs, nous nous ébahissons

Si
Parieu vient manger des glands sous ce grand chêne!

Nous trouvons surprenant que l'eau coule à la
Seine,

Nous trouvons merveilleux que
Troplong soit
Scapin,

Nous trouvons inouï que
Dupin soit
Dupin!



VIII



Un vieux penchant humain mène à la turpitude.

L'opprobre est un logis, un centre, une habitude.

Un toit, un oreiller, un lit tiède et charmant,

Un bon manteau bien ample où l'on est chaudement.

L'opprobre est le milieu respirable aux immondes.

Quoi! nous nous étonnons d'ouïr dans les deux mondes

Les dupes faisant chour avec les chenapans,

Les gredins, les niais vanter ce guet-apens!

Mais ce sont là les lois de la mère nature.

C'est de l'antique instinct l'éternelle aventure.

Par le point qui séduit ses appétits flattés

Chaque bête se plaît aux monstruosités.

Quoi! ce crime est hideux! quoi! ce crime est stupide!

N'est-il plus d'animaux pour l'admirer?
Le vide

S'est-il fait?
N'cst-il plus d'êtres vils et rampants?

N'est-il plus de chacals? n'est-il plus de serpents?

Quoi! les baudets ont-ils pris tout à coup des ailes,

Et se sont-ils enfuis aux voûtes éternelles?

De la création l'âne a-t-il disparu?

Quand
Cyrus,
Annibal,
César, montaient à cru

Cet effrayant cheval qu'on appelle la gloire,

Quand, ailés, effarés de joie et de victoire.

Us passaient flamboyants au fond des deux vermeils.

Les aigles leur criaient : vous êtes nos pareils!

Les aigles leur criaient : vous portez le tonnerre!
Aujourd'hui les hiboux acclament
Lacenaire.
Eh bien! je trouve bon que cela soit ainsi.
J'applaudis les hiboux ei je leur dis : merci.
La sottise se mêle à ce concert sinistre,
Tant mieux.
Dans sa gazette, ô
Juvénal, tel cuistre
Déclare, avec messieurs d'Arras et de
Beauvais1,
Mandrin très bon, et dit l'honnête homme mauvais.
Foule aux pieds les héros, et vante les infâmes,
C'est tout simple; et, vraiment, nous serions bonnes âmes
De nous émerveiller lorsque nous entendons
Les
Veuillots aux lauriers préférer les chardons!



IX



Donc laissons aboyer la conscience humaine
Comme un chien qui s'agite et qui tire sa chaîne.
Guerre aux justes proscrits! gloire aux coquins fêtés!
Et faisons bonne mine à ces réalités.
Acceptons cet empire unique et véritable.
Saluons sans broncher
Trestaillon connétable,
Mingrat grand aumônier,
Bosco grand électeur;
Et ne nous fâchons pas s'il advient qu'un rhéteur.
Un homme du sénat, un homme du conclave,
Un eunuque, un cagot, un sophiste, un esclave,
Esprit sauteur prenant la phrase pour tremplin.
Après avoir chanté
César de grandeur plein.
El ses perfections et ses mansuétudes,
Insulte les bannis jetés aux solitudes.
Ces brigands qu'a vaincus
Tibère
Amphitryon2,
Vois-tu, c'est un talent de plus dans l'histrion;
C'est «le l'art de flatter le plus exquis peut-être;
On chatouille moins bien
Henri huit, le bon maître,
En louant
Henri huit qu'en déchirant
Morus.

Les dictateurs d'esprit, bourrés d'éloges crus.
Sont friands, dans leur gloire et dans leurs arrogances,
De ces raffinements et de ces élégances.
Poète, c'est ainsi que les despotes sont.
Le pouvoir, les honneurs sont plus doux quand ils ont
Sur l'échafaud du juste une fenêtre ouverte.
Les exilés, pleurant près de la mer déserte, les sages torturés, les martyrs expirants
Sont l'assaisonnement du bonheur des tyrans.
Juvénal,
Juvénal, mon vieux lion classique,
Notre vin de
Champagne et ton vin de
Massique,
Les festins, les palais, et le luxe effréné.
L'adhésion du prêtre et l'amour de
Phryné,
Les triomphes, l'orgueil, les respects, les caresses,
Toutes les voluptés et toutes les ivresses
Dont s'abreuvait
Séjan, dont se gorgeait
Rufin,
Sont meilleures à boire, ont un goût bien plus fin,
Si l'on n'est pas un sot à cervelle exiguë,
Dans la coupe où
Socrate hier but la ciguë!



Jersey.
Novembre 1852.


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Victor Hugo
(1802 - 1885)
 
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Biographie / Ouvres

C'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature

Chronologie

1802
- Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris.

Chronologie historique

1848

Bibliographie sÉlective


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