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Stéphane Mallarmé



Sa fosse est fermee - Poéme


Poéme / Poémes d'Stéphane Mallarmé






JUILLET



« À notre maison blanche, où chante l'hirondelle

»
Dans un bois verdoyant, vous viendrez, disait-elle

»
Nous cueillerons les fleurs que cachent les grands blés,

»
Le soleil qui les dore a fait mes pieds ailés,

»
Et le soir, au foyer où chaque cour s'épanche,

»
Nous ferons pour ma mère une couronne blanche... »

La fleur rit aux épis : l'alcyon chante encor,
Elle seule a passé ! - sous un saule elle dort.

Albion !
Albion ! vieux roc que bat l'écume,
Devais-tu donc lui faire un linceul de ta brume !
On ne savait donc pas que sous ton sombre ciel
Le soir où don la fleur est un soir éternel,
Et qu'au lieu de rosée, aux reflets de l'aurore,
Des pleurs inondent seuls son calice incolore !

Non !... son père l'aimait, vieillard à qui les ans
N'ont point ravi l'amour pour prix des cheveux blancs,
Et l'amour, comme on sait, est sour de l'espérance.
Il disait plein d'espoir : «
Dieu, que le ciel encense
Ne peut pas envier l'ange de notre toit. »
Car le soir, au foyer, quand son timide doigt
Dans la bible aux clous d'or, où prièrent ses pères,
Faisait épeler «
Ruth » à ses deux jeunes frères,



Le soir, on eût pensé qu'un ange voyageur,
Comme ceux qu'il voyait au livre du
Seigneur,
Sous leur tente venait révéler ses purs charmes,
Et bénir la famille, et sécher quelques larmes,
Et porter aux enfants un baiser du
Très-Haut !

Que vont-ils devenir, hélas ! loin de son aile
Sous laquelle, en volant du foyer, l'étincelle
Brillait comme une étoile, et rappelait les deux !
A
Noël quand vibrait son chant mélodieux,
Un silence pieux planait sur chaque tête :
Seule la mère, au soir, songeant à l'autre fête,
Sentait battre son cour et se mouiller son oil.
Elle, riant, disait : «
Mère, pourquoi ce deuil ? »

Pourquoi ce deuil, ô mère ?
Harriet est l'auréole
Qui luit sur la famille, et dont l'éclat console.

C'était l'âme de tout ! la
France au ciel d'azur

A pleuré de la voir fuir son beau soleil pur.

Son lac américain où le
Niagara brise

L'algue blanche d'écume, a gémi sous la brise :

«
La mirerons-nous plus, comme aux hivers passés ? »

Car, comme la mouette, aux flots qu'elle a rasés

Jette un écho joyeux, une plume de l'aile,

Elle donna partout un doux souvenir d'elle !

De tout que reste-t-il ? que nous peut-on montrer ?

Un nom ! sur un cercueil où je ne puis pleurer !
Un nom ! qu'effaceront le temps et le lierre !
Un nom ! couvert de pleurs, demain de poussière
Et tout est dit.

Oh ! non, doit-on donc l'oublier ?
Qui sut se faire aimer ne meurt pas tout entier !
On laisse sa mémoire ainsi qu'aux nuits l'étoile



Laisse une blanche lueur qu'aucune ombre ne voile :

Et, mort en son cercueil, on revit dans les cours !

Non !... tout n'est pas perdu ! pour endormir leurs pleurs,

Le soir, elle viendra sous les ailes d'un ange

A ses sours murmurer des neuf chours la louange !

Dans leurs rêves dorés, ses frères sur leur front

Sentiront un baiser, et ravis, souriront !

Quand la brise des nuits sous la lune argentée

Gémira par le parc en la feuille embaumée,

On la verra passer comme une ombre d'azur

Et le matin la fleur sera d'un bleu plus pur !

Enfants, oh ! pleurez-la comme une sour éteinte,

Mais aussi priez-la comme on prie une sainte !

Le soir à la prière, où manquera sa voix,

N'oubliez pas un nom gravé sous une croix !

Car c'était une vierge au regard d'innocence

Que le ciel vous prêta pour bénir votre enfance :

Il lui rendit son aile, elle revint à
Dieu !

Mais en partant du moins elle vous dit :
Adieu !...

Vous avez sur ce
Ut où ce combat expire

Baisé sa main tremblante, en son dernier sourire !

Hélas ! plus que le vôtre il est un cour brisé !
Loin, derrière les flots, rêvant au lys glacé
Une sour, l'oil en pleurs, a maudit l'espérance,
Qui lui disait trompeuse : «
Aux lacs de ton enfance
Retourne la première : avec les fleurs, l'été
Va rendre à toi, ta sour, à ta sour, sa santé !...
Au cercueil elle aussi vient demander sa couche
Pour n'avoir pas, hélas ! recueilli sur ta bouche,
Harriet, ce mot d'un cour qui se fait immortel,
Le dernier de la terre et le premier du ciel !



Ah ! pleure, infortunée ! en ta barque perdue,
Seule, tu n'auras point, pour reposer ta vue
Ce tableau déchirant, mais qui brille si doux
De l'ange qui bénit sa famille à genoux !

Et moi !... n'était-ce assez pour ta faux déplorée,
Dieu, d'avoir moissonné ma sour, rose égarée
Dans les épis que l'âge a courbés vers le sol ?

Non ! - à l'archange noir tu comptes un grand vol !

Et quand je pleure, ô
Dieu, tu ris dans la fumée

Qu'exhale en blancs flocons du ciel l'urne embaumée !

Tu ris !... et comme toi rit l'heureux univers.

L'oiseau boit la rosée et chante dans les airs,

La fleur sous le zéphyr que sa senteur parfume

Berce le papillon, qui, riant, sur l'écume

Se mire au flot d'azur, écoute son doux chant ;

Et le soleil n'a pas moins de pourpre au couchant !

Le flot n'est pas moins beau, sa voix n'est pas plus sombre,

De moins d'astres le ciel ne sème pas son ombre !

La nature dit :
Joie, et l'écho chante :
Amour,

Et, narguant mes pleurs, tout poursuit joyeux son jour !

Elle est morte !... et demain le siècle qui succombe
Lui donnera l'oubli, cette seconde tombe !
Foulant sa cendre aux pieds les autres passeront,
Sans prier à genoux, sans détourner le front !
D'autres épis comme elle avant qu'on ne moissonne
Tomberont ; d'autres pleurs couleront : et personne
En entendant son nom, hélas ! ne sourira !

«
Elle est morte », dit-on, et chacun l'oubliera.



Pourquoi montrer ces cours, ô
Dieu qui les protège,
Pourquoi les faire aimer, si, comme pour tes neiges,
C'est assez d'un rayon... pour fermer leur cercueil ?
Fleur par fleur, chaque soir, on voit, la larme à l'oil,
S'effeuiller la couronne, - où demeure l'épine !
Et perdu dans ce deuil, on sent que l'on s'incline
Où va la feuille jaune, et qu'il faut, ô destin !
Plier sa tente, un soir qui n'aura de matin !
On ignore pour qui sa larme coule, - et prie !
Hier ! c'était ma sour ! aujourd'hui mon amie !
Cette nuit pour demain a filé mon linceul !
Couche-m'y, sombre mort, je ne sais vivre seul !



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Stéphane Mallarmé
(1842 - 1898)
 
  Stéphane Mallarmé - Portrait  
 
Portrait de Stéphane Mallarmé

Biographie / chronologie

1842
- Naissance à Paris le 18 mars.

Orientation bibliographique / Ouvres

Ouvres :
Deux éditions principales, disponibles en librairie : Poésies, Edition de 1899, complétée et rééditée en 1913, puis à plusieurs reprises par les éditions de la Nouvelle Revue française (Gallimard) ; préface de Jean-Paul Sartre pour l'édition dans la collection « Poésie/Gallimard ». Ouvres complètes (un volume), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Edition établie et présentée par

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