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ESQUISSE DU SIGNE AVEUGLE - FIGURES DE L'ÉLÉMENTAIRE DANS AROMATES CHASSEURS


Poésie / Poémes d'René Char





La modernité commence avec la recherche d'une littérature impossible qui reconnaît la rupture comme un anatheme positif et instaure un discours rhizomique capable de façonner une histoire disjointe. Les catégories fortes qui justifiaient un monde centripète ne soutiennent plus dorénavant les vocations révolutionnaires réformatrices de champ littéraire et discréditent son visage canonique. Une telle refondamentation du monde qui rejette tous les avatars du consensus se propage jusqu'aux niveaux élémentaires de l'être et cherche à ressusciter la puissance du vide et à reconvoquer la force d'un langage originaire, à le soustraire à son usage pour lui rendre tout son pouvoir, pour l'émanciper. Ainsi, l'avant-garde va restaurer la liberté du langage, retracer le degré zéro de l'altérité jusqu'au point où le moi devient l'être. Afin qu'une métanarration de son trajet soit possible et donc plausible il faut accéder au réseau idéologique qui constitue l'infrastructure de toute poétique, même d'une poétique dont les traits « vocifèrent » la non-représentation, l'illisible et cultivent « le beau désordre ». La révolution soutenue par les « hordes des mots » vise l'esprit qui doit se réassimiler, qui doit toucher sa caverne sensorielle et réapprendre la leçon du nomothète sans se préoccuper du fait qu'il cesse d'être le sujet de son parcours. Les funérailles de la subjectivité font ainsi triompher là figuralité d'un sujet dont l'affirmation reste vide et entretiennent la science gaie de l'absence.



Sur les pages extraverties de l'histoire des écarts, la vision anthropocentrique ne traduit plus le monde que l'homme habite. Cependant, on repère que des anti-codes favorisent le nouveau projet poétique qui, une fois de plus, remanie le débordement de la poésie par-dessus ses frontières. L'auto-référentialité, le discours sur la limite et celui de l'effacement du sujet proposent un réel surabondant, infini, un hyper-réseau fragmenté, plus réel que la réalité même. Le « sommeil anthropologique » dont parle Michel Foucault entretient ce type de réalité subversive, comme une plénitude indistincte (Maurice BlanchoT), un espace intervalle, antigéométrique. Malgré l'incompatibilité d'un tel espace avec une vocation d'arpenteur on se propose de déceler un tel « réel incréé » chez René Char, un poète qui, lui-même, demeure dans l'intervalle hermétique, auto suffisant, du champ poétique.



Tenter une approche de l'espace liminaire charien réclame dans un premier mouvement l'acclimatation à une rhétorique de l'ellipse, congénère à une logique échancrée qui soutient l'instauration des régions instables de l'esprit. Alors qu'on n'opère plus avec un espace en soi (NewtoN), ou qui soit synonyme d'un concept logique (LcibnitZ), ni avec un espace comme forme a priori de notre intuition (KanT) on se retrouve au milieu de l'indifférencié, basculé vers une forme d'énergie qui entretient le mouvement, la migration. C'est un état de « fleet in being » d'après Paul Virilio, résultat d'une union rythmée par la rupture, fondamentalement oxymorique, une virtualisation de l'instant qui n'obéit plus aux lois d'une mémoire organisée autour de l'événementiel. Celui-ci ressemble à une plénitude froide, jamais productive, fragmentée et subversive, inatteignable par le ressources des surréalistes. Cela est plutôt une tragique constatation qu'une innocente contemplation :



Entre télescope et microscope, c'est là que nous sommes, en mer des tempêtes, au centre de l'écart, arc-boutés, cruels, opposants, hôtes indésirables .



D'emblée, une telle sentence se configure comme une vraie profession de foi, à la fois formule violente et signe d'une conscience plus que lucide. En ses marges se dresse un inventaire abrégé de l'être et se pose la redoutable question de ses limites. On pourrait confiner notre analyse à cette manière charienne de mise en crise de l'être, si une telle réplique ne faisait pas partie d'une orchestration beaucoup plus intrigante.

Le jeu de la séduction de René Char nous amène dans le contexte d'Aromates Chasseurs, recueil paru en 1975 et dont les accords annoncent ce qu'on pourrait considérer le dernier volet de son évolution poétique. Dans l'antichambre du volume, lieu troublant et magnanime à la fois, on peut repérer une certaine atmosphère existentialiste bien familière à un poète comme René Char qui problématise les crevasses de l'être.



Ce siècle a décidé de l'existence de nos deux espaces immémoriaux : le premier, l'espace intime où jouaient notre imagination et notre sentiment ; le second, l'espace circulaire, celui du monde concret. Les deux étaient inséparables. Subvertir l'un c'était bouleverser l'autre. Les premiers signes de cette violence peuvent être surpris nettement. Mais quelles sont les lois qui corrigent et redressent ce que les lois qui infestent et ruinent ont laisse inachevé? [...] Est-il un troisième espace en chemin, hors du trajet des deux connus ? Révolution d'Orion resurgi parmi nous.



Bien qu'on soit tentes d'entrevoir déjà un pattern de l'écriture charienne attribuable à une logique de l'élémentaire -dans la mesure où l'alternative d'un tiers espace liminal satisfaisait un tel propos- on préfère être plus socratiques. Catégoriser les poèmes chariens ce serait les dénouer de leur immanence, exprimée par une certaine résistance à la géométrie, par l'aversion pour les volumes. Certes, d'un côté Aromates Chasseurs promet une troisième voie, hors tout déterminisme, qui fait preuve de ubiquité tout absente, et qui, en plus, se veut une sorte de retour amont vers une indétermination originaire. En outre, en nommant l'existence d'un tel espace, le poème fait ressortir sa valeur primitive d'insurgent, car il s'évertue à nommer l'innomé (l'indiciblE) ou ce qui n'a pas encore reçu un nom (l'originairE). Il s'agit ici d'une vocation de totalisation du poème, repérable aussi longtemps que celui-ci reste une structure de séparation, une forme qui introduit la rupture. De l'autre côté, on ne peut pas s'empêcher de voir comme insuffisantes les simples prémisses d'une archi-géographic car un tel espace s'entoure de prédicats inassimilables.

Toutefois en avançant dans les découpures du texte charien, dans les interstices d'un tel (infrA)espace- vision on rencontre une figure gigantesque qui bloque en quelque sorte notre chemin vers les significations ultimes du recueil. « La révolution d'Orion ressurgit parmi nous »3 constitue la ligne qui ferme le paratexte dans une tonalité sibylline. Il nous semble déjà élémentaire qu'aucune dialectique ne reste immune à la subversion, car René Char instrumentalise le poème comme un virtuose, avec les effets de discordia concors, mais, comment un personnage sous ces auspices devient-il subversif?

Nous allons suivre le rapport qui s'établit entre la figure gigantesque (qui remonte aux temps homériqueS) et la figuralisation d'un espace hors temps (ou bien temps hors espacE) vu que le scénario à'Aromates Chasseurs s'individualise comme une chasse aux arômes, aux essences. Comme René Char aime sacrifier la cohérence en faveur de l'ellipse et privilégie la logique du fragment à la place d'une pensée architecturelle, dans les poèmes s'installe à tout pas une tension fondamentale qui empêche toute forme de consolidation et surtout tout repérage de l'élémentaire, de l'infra-sens. C'est dans un tangage hors-gravitation où on retrouve l'être, état qui rend futile même l'apocalypse :



Le présent-passe, le présent-futur. Rien qui précède et rien qui succède, seulement les offrandes de l'imagination.

Nous ne sommes plus dans l'incurvé. Ce qui nous écartera de l'usage est déjà en chemin. Puis nous deviendrons terre, nous deviendrons soif



Ces signes d'un indéterminé toujours tragiques remontent à une philosophie anti-qualitative et ratifient le statut événementiel de la poésie. « Il n'y a de vrai que les atomes et le vide » suggérait Démocrite5 tandis que la poésie de René Char divulgue les cris silencieux d'un univers évacué.

D'autant plus - au niveau des dispositifs poétiques -une telle position est une riposte à l'absence de justification du réel qui dans un premier mouvement décroche le langage de sa fonction représentative et cherche à le re-motiver, puis, dans un deuxième mouvement - « le qualitatif est par essence radicalement autre »6, l'authenticité se mue en atomes et le vide, substance disqualifiée, la seule qui puisse être assignée au réel. C'est justement ce « réel incréé » qui entretient la nécessite perpétuelle d'auto-définition, d'auto-réflexivité. René Char fait appel à la « connaissance prismatique7 », au savoir trompeur de la «maison mentale»8 et qui, sous la forme d'une «foudre sensuelle »9, élucide la conscience. Orion est le porteur d'une telle conscience, personnage gigantesque, substitut de la conscience poétique même.



La première partie du recueil débute par « Evadé d'archipel » et instaure la rupture comme précipitât de la violence positive plaquée sur le réel. Un autre volume, qui réunit des poèmes composés entre 1947- 1949, Les Matinaux, est suivi par La Parole en archipel, ce qui rend plus qu'évidente, la passion métaphorique et les récurrences significatives du terme. L'archipel se veut ainsi être porte-parole de la poétique du fragment, un signe de l'onto - théologie relationnelle, qui privilégie un savoir partagé, et qui -paradoxalement- n'implique pas une perte de cohérence mais, au contraire, sa prolifération. Le principe de la parole en archipel -un ordre insurgé- réclame la continuité, la consécutivité sous-cutanée du texte qui lie ce qui semble être une pulvérisation aléatoire. Néanmoins aux seuils de la logique désarticulée se trouve la rupture (heideggérienne ou bien nietzschéennE) qui définit la catégorie de l'identique et qui rend l'être fragmentaire. La pensée amorphe, celle qui solidifie le monde de notre perception, traduit l'insécurité fondamentale de l'être et organise notre réalité en éliminant les différences. La connaissance prismatique s'oppose, donc, à une lucidité architecturante du monde et devient un mode d'être alchimique : « l'homme [était] fort d'une alchimie qui se renouvelait. »10. D'ailleurs un savoir en archipel est aussi une forme hédoniste de prise en possession du monde, une forme de nostalgie pour la pensée naturelle dialogique. Le fragment est notre sublime et dernière cohérence, figure de l'harmonie de l'absence, énergie viscérale qui surprend notre logique éminemment déficitaire.

« L'homme à l'homme identique, dans une condition granulaire »" c'est-à-dire qu'il nous est impossible d'échapper à la dispersion relationnelle qui nous réunifie. Qu'est-ce qui se passe, donc, quand « la révolution d'Orion ressurgit parmi nous » ? Quand on doit affronter « l'évadé d'archipel » ? Quel est le rôle de l'infatigable chasseur dans l'économie des poèmes chariens ?

Né par la participation de Zeus, Poséidon et Hermès, fils de Hyriée, Orion est réputé pour sa beauté et sa puissance, sa stature lui permettant de marcher au fond de la mer tout en gardant sa tête et ses épaules hors de l'eau. L'amour pour Mérope, fille de Oenopion qui régnait sur Chios, le transforme en un prétendant importun, ce dernier finissant par l'aveugler et l'abandonner sur le rivage. Son destin d'aveugle est soulagé par Héphaïstos qui accepte de lui prêter son assistant afin de lui servir comme guide. En marchant vers l'est dans la mer, Orion récupère miraculeusement la vue. Enfin il trouve sa mort par la flèche aveugle d'Artémis (ou foudroyé par le scorpion envoyé par HérA) qui le tue involontairement et puis le transforme en constellation. Une telle figure, rendue fameuse surtout par le tableau de Poussin se configure comme un point prodigue dans les interstices d'Aromates Chasseurs :



Orion,

Pigmenté d'infini et de soif terrestre,

N'épointant plus sa flèche à la faucille ancienne,

Les traits noircis par le fer calciné,

Le pied toujours prompt à éviter la faille,

Se plut avec nous

Et resta.



Chuchotement parmi les étoiles.



C'est autour de lui qu'on doit reconsidérer les pulsions du volume charien car son statut de personnage ab-oculaire ouvre les paliers du texte. La puissance du regard souffre une implosion, elle est incompatible avec les tragiques constatations qui se multiplient tout au long du passage poétique. Tout comme le poème homérique, fruit d'une imagination - organe cosmique - le poème charien distingue une force et non un personnage comme tel, ce dernier ayant juste une fonction représentative. Si l'individualité archaïque était représentée par la forme, par l'extériorité, chaque individu équivalant à son potentiel sacral, au mana qu'il portait, toute violence vise donc sa corporalité et non son intériorité. L'évolution de l'individu ne semble pas s'être délivrée de cette passion pour l'extérieur, pour le visible en discréditant avec un appétit parfois barbare tout ce qui se cache derrière la carcasse (« Tu ne trembles plus carcasse », affirmait Breton une fois accomplie la révolution de l'espriT).



La subordination ou la terreur, puis les deux à la fois, le totalitarisme vers quoi tout converge : l'anneau nuptial du dessert, les jeux sinistres, la pause punitive...Aveugles ne pissez pas sur le ver luisant ; seul entre tous il se hâte. Dans ma jeunesse, le monde était un blanc chaos d'où s'élançaient des glaciers rebelles. Aujourd'hui, c'est un chaos sanglant et boursouflé où l'être le mieux doué n'est maître que de la bouffissure.



Voilà donc Onon, force du poème, celle qui facilite le passage d'un régime du regard vers celui de la vision. Sa cécité facilite l'accès vers une infra-sensorialité, en déployant son pouvoir de ressaisir le monde, d'évacuer ses vérités nocturnes. Dans la force de cette cécité réside toute une nouvelle appréhension de l'espace sous la forme saccadée d'un savoir fragmenté, incoagulable. « Tout ce qui se dérobe sous la main est, ce soir, essentiel. L'inaccompli bourdonne d'essentiel.14 » Ainsi, la révolution d'Orion c'est immersion dans un savoir élémentaire, une vision qui pénètre la chair des choses, la solidité du temps, qui s'aventure vers le « réel incréé ». Un savoir violemment institué (une mort symboliquE) entraîne un déséquilibre au niveau de l'être et le fait resurgir comme porteur d'une violence positive, productive, en surpassant le savoir manqué de la tribu. Orion, l'aveugle, l'assoiffé, permet l'accès à l'espace intervalle, vers l'archigéographie où restent comme des monades redondantes les échos d'un originaire de l'être.



Le vrai dispositif poétique qu'on considère comme forme de l'élémentaire au niveau de l'écriture de René Char c'est la cécité, comme énergie violente, spéculaire, comme chasse perpétuelle de l'essentiel. La vision qui porte sur les vérités de l'être, celle de la caverne platonicienne, s'oppose aux vérités héliocentriques, amorphes. Aromates Chasseurs exhibe donc la mémoire glissante de l'être, ses drames vus par les yeux aveugles.



Il eût suffi d'un non lumineux pour indéfiniment allonger et élever nos doigts sur l'étendue et sur les choses. La pierre milliaire où se dépensait devant les ajoncs toute source à saisir est maintenant mutilée. Le temps aux reins cassés, nous en prenons soin, en un lieu à nous.



Le non lumineux c'est l'instant d'aveuglement (élémentairE) qui nous fait dépasser le sens manifeste et resassir la rupture comme dépositaire de la limite qui s'étend convulsivement.



Nous inventons des forces dont nous touchons les extrémités, presque jamais le cour.

Il convient approcher les outils de la table du repas avec d'insignes de précautions. Cet intervalle singulier n'est pas apparenté ni mesurable.



La structure du monde (du point de vue ontologiquE) est, donc, celle du supplément, du pli qui ne cesse jamais d'être une réflexivité. A son tour, le temps se boucle (« Notre présent c'est à un tel point enflammé17 ») et devient fluide : « Rien ne demeure longtemps identique. Nul ne se montre longtemps contracté. Couche après couche cela s'enfouit, occupant tout le silence. » La dissémination derridienne fait écho aux métaphores de la cécité, au mécanisme interne qu'elle déclenche.

D'un côté on a une extériorité refoulée, « toute symétrie du corps [comme surface signifiante aussi n. n] est rompue, entre lui et lui il n'y a plus que des spectres » pendant que, d'un autre côté se situe un intérieur indécidable, « l'équilibre blanc ». Ce dernier n'est ni dépassement, ni dynamisme, ni déconstruction, ni création, mais incision qui augmente les sens, leur rend un potentiel qui active la mémoire en-statique, celle qui se préserve en soi, auto-suffisante. L'invisible que l'aveugle parcourt du bout des doigts presque incandescents (ils ont intériorisé la lumière comme énergie qui rend visiblE) fait les jeux d'une poétique de l'illisible, celle qui peut lutter contre « l'écriture d'échouage » :



Il faut cesser de parler aux décombres.

Une écriture d'échouage. Celle à laquelle on m'oppose aujourd'hui. Pavsage répété au sommet de la nuit sur qui se lève une lueur



O la nouveauté du souffle de celui qui voit une étincelle solitaire pénétrer dans la rainure du jour ! Il faut réapprendre à frapper le silex à l'aube, s'opposer au flot des mots-Seuls les mots, les mots aimants, matériels, vengeurs, redevenus silex, leur vibration clouée aux volets de la maison.



Ces vers récupèrent l'écart que René Char insère au niveau du signifié, jamais identique à lui-même, et qui doit regagner la vigueur originaire au milieu du poème comme « insomnie perpétuelle », comme forme d'amnésie troublante qui parle toujours des commencements. La force de la poésie est événementielle et satisfait à la nécessité accablante d'anamnèse d'une époque qui vit sous la puissance de l'instant, de la multiplication (« la multiplication, opération aujourd'hui maudite») incessante.

Ce qu'on distinguait comme la « révolution d'Orion », formule qui abrège l'élémentaire d'Aromates Chasseurs, et qui se manifeste comme manière d'être ab-oculaire au monde est, en fin de compte, un récit spéculaire condamné à se chasser éternellement. Sa réussite réside dans cette poétique du fragment qu'on réclamait à soutenir le monde textuel. Le poème l'Eloquence d'Orion qui achève le recueil est une autre déclaration de foi comme un vrai épisode de catastérisme.



Il te fut prêté de dire une fois à la belle, à la sourcilleuse distance les chants matinaux de la rébellion. Métal rallume sans cesse de ton chagrin, ils me parvenaient humides d'inclémence et d'amour.

Et à présent si tu avais pouvoir de dire l'aromate de ton mode profond, tu te rappelais l'armoise. Appel au signe vaut défi. Tu t'établirais dans ta page, sur les bords d'un ruisseau, comme l'ambre gris sur le varech échoué ; puis la nuit montée, tu t'éloignerais des habitants insatisfaits, pour un oubli servant d'étoile. Tu n'entendrais plus geindre tes souliers entrouverts.



Orion est lui-même le signe d'un Olympe oxymorique, il porte les signes de la mort, de la cécité, il saisit la lumière comme absence, mais une fois sublimé, comme «étoile» il devient lumière froide. D'emblée, la dialectique du fragment -la voie royale du signe qui se chasse - est toujours fertile et fonctionne dans un régime de compensation. L'aromate, l'essentiel du poème, demeure volatile au milieu de l'hédonisme du texte, replié sur lui-même comme la vue d'un aveugle.



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René Char
(1907 - 1988)
 
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Portrait de René Char

Biographie / Ouvres

René Char est né le 14 juin 1907 à L'Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse.

Principaux ouvrages


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