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ROMANCES SANS PAROLES


Poésie / Poémes d'Paul Verlaine





Quatre années après la publication de La Bonne Chanson paraît un nouveau volume, Romances sans paroles (Sens, 1874). En fait, la composition de ces poèmes commence en mai 1872 pour s'achever en mars 1873. Bien des événements ont alors bouleversé la vie de Verlaine. Marié le 11 août 1870, il s'engage dans la garde nationale au moment du siège de Paris, puis reprend à la fin de l'année son poste de fonctionnaire à l'Hôtel de Ville. En août 1871 recommencent les dîners des Vilains Bonshommes où Verlaine retrouve des amis d'avant la guerre ; tous ont rompu avec le Parnasse. Charles Cros fonde alors le Cercle Zutique, où les Vilains Bonshommes se réunissent pour parler de poésie et se livrer à d'abondantes libations. En septembre 1871, Rimbaud arrive à Paris, où Verlaine l'accueille et très vite se noue entre eux une liaison amoureuse. Verlaine a repris goût à l'alcool, il s'enivre et se livre à des actes de violence. Aussi, Mathilde le quitte en janvier 1872. Verlaine vit avec Rimbaud mais souffre de cette séparation. Il se résout à rompre avec Rimbaud, qui regagne Charleville à la mi-mars. Mathilde reprend alors la vie conjugale et le poète retrouve une existence équilibrée. Mais Rimbaud revient à Paris au début du mois de mai. C'est alors que Verlaine écrit les « Ariettes oubliées » : l'ariette I est publiée le 18 mai dans La Renaissance littéraire et artistique que vient de fonder, en avril, Emile Blémont ; l'ariette V y parait le 29 juin. On peut estimer que les sept autres ont été écrites durant ces deux mois de mai et de juin 1872. Le 7 juillet, Verlaine quitte Mathilde et part pour la Belgique en compagnie de Rimbaud. Ils passent par Walcourt, Charleroi, s'installent à Bruxelles et visitent Matines. De ce séjour datent les « Paysages belges ». Le 7 septembre 1872, les deux amis s'embarquent à Ostende pour Douvres. Us arrivent à Londres le 9 et vont y résider plusieurs mois. Verlaine écrit alors « Birds in the night », dont il envoie à Emile Blémont les trois premières parties le 5 octobre ; il y évoque le rapide voyage de Mathilde à Bruxelles : le 22 juillet, elle était venue en vain chercher Verlaine. C'est dans cette lettre à Blémont que se trouve pour la première fois le titre Romances sans paroles. Mais la procédure de séparation s'engage au début du mois d'octobre. Rimbaud rentre en France en décembre.





Verlaine souffre de sa solitude et tombe malade. Sa mère vient le soigner, en janvier 1873 et Rimbaud revient à Londres. Les « Aquarelles » datent de cette période et livrent ses impressions anglaises. Les deux hommes demeurent à Londres jusqu'au 4 avril, jour où ils s'embarquent pour Ostende. Verlaine séjourne alors un mois chez sa tante à Jéhonville. Le 19 mai, il envoie à Lepelletier le manuscrit de Romances sans paroles et il lui demande de s'occuper de l'édition. Le livre verra le jour le 27 mars 1874, mais Verlaine se trouve alors à la prison de Mons. Romances sans paroles reflète ainsi deux années de crise et de conflit intérieur.



Certes, Romances sans paroles possède une indéniable unité. Toutefois, chacune des quatre sections de l'ouvrage conserve une certaine originalité. Dans les « Ariettes oubliées », Verlaine met en ouvre une poétique de la suggestion. Rien ne se trouve dit : le poète efface l'anecdote ; il ne révèle pas l'identité des personnes : qui est le tu de l'ariette II ? Qui représente le nous de l'ariette IV ? Verlaine parle-t-il de Rimbaud ou de Mathilde, ou encore d'Élisa dont le souvenir demeure vivace ? Peu importe en définitive. Verlaine a pris soin de voiler toute indication trop directe sur les êtres aimés. L'essentiel des poèmes réside ailleurs. Verlaine suggère des sentiments et des états d'âme indéfinissables et inexprimables. L'ariette I chante avec délicatesse une extase douce et triste, où le temps paraît s'immobiliser ; les cours et les corps des amants fusionnent et le poète cherche à exprimer par des images cet état de la sensibilité. L'ariette II montre le vertige et le trouble d'un cour qui hésite entre le passé et l'avenir, entre le calme et l'aventure. Un va-et-vient, semblable à celui de l'escarpolette, laisse le poète dans l'indécision et l'équivoque : « mouvement de l'oublié à l'oubliable, ou plus précisément du pas tout à fait oublié à ce qui ne sera peut-être pas oubliable ' » selon la belle formule de Pierre Brunel. Dans l'ariette III. il s'agit d'une langueur, d'un ennui, d'un écourement sans motif précis ; le poète éprouve une peine qui s'accorde à la tristesse de l'univers et dont il ne peut indiquer la cause ; l'incertitude en accroît l'intensité. L'ariette V évoque un attendrissement vague, où la douceur se nuance d'un léger effroi. L'ariette VII reprend le thème de la tristesse et du balancement incertain entre la sensibilité et la lucidité. Pour accentuer le caractère indicible de l'objet du poème, Verlaine cherche à estomper et à atténuer toute expression trop vive. Les notations de couleurs font songer aux tons pâles des pastels : « soir rose et gris » (V). « jour trouble » (II), « paysage blême » (IX). Il use surtout de l'adjectif pour effacer ce qui aurait trop de netteté : dans l'ariette V, il qualifie le bruit d'aile de « très léger », l'air musical de « bien vieux, bien faible et bien charmant » ; le chant est « doux » et le refrain « incertain ». Les impressions se fondent et se confondent. Des correspondances sensorielles s'établissent : les « voix anciennes » ont « un contour subtil » et les « lueurs » sont « musiciennes » (II). Surtout, Verlaine mêle subtilement le paysage et l'état d'âme. La plainte du poète qui se lamente ne se distingue pas du bruissement de la brise dans les feuillages, du froissement de l'herbe et du murmure du ruisseau. Les mouvements intérieurs de l'âme s'expriment en termes de nature. Grâce à l'admirable trouvaille de l'impersonnel « Il pleure » (III), la pluie et les pleurs deviennent identiques et sont ressentis ensemble, une parfaite osmose unissant le cour et l'univers. Le sentiment d'ennui qu'éprouve le poète se trouve projeté sur la plaine interminable et dans le ciel de cuivre sombre. Verlaine ne décrit pas cet ennui, il le fait sourdre du paysage (VIII). De même, dans l'ariette LX, la plainte du poète se trouve transférée sur les tourterelles et ce sont ses « espérances » qui pleurent tristement dans les feuillages. Cette fusion entre le paysage et l'état d'âme se réalise dans la rêverie. Alors, le moi ne dispose plus de repères fixes dans l'univers. Il ne se situe plus avec précision dans l'espace ; les jeux de l'ombre et de la lumière l'égarent, réalités et reflets interfèrent. Les chênes deviennent des « nuées » qui « flottent dans la brume » (IX) ; dans la rivière, on perçoit seulement le reflet de l'ombre de l'arbre, qui s'évanouit et disparaît peu à peu ; le paysage renvoie au poète son image, aussi floue et incertaine dans le brouillard blême. La conscience rêveuse perd également toute référence temporelle : souvenirs et désirs, nostalgies et virtualités, regrets et espoirs se mêlent dans une confuse incertitude : « jeunes et vieilles heures » (II) finissent par se confondre. Dépourvu de situation précise dans l'espace et dans le temps, le rêveur perd sa propre identité. II se fond dans l'univers, il s'oublie dans l'autre :



Cette âme qui se lamente

C'est la nôtre, n'est-ce pas ?

La mienne, dis, et la tienne.

(I)



L'âme n'a plus le sentiment de sa singularité et devient impersonnelle ; ainsi, le chant du poète se dissout dans le chant de tous et l'ariette verlainienne dans P« ariette [...] de toutes lyres » (II). Un même rêve anime les chansons et les légendes, et, dans le pot-pourri de l'ariette VI, temps, lieux et personnages finissent par s'identifier dans un chant universel.

Les « Paysages belges » offrent un aspect quelque peu différent. Le monde extérieur y acquiert une plus grande présence. Les poèmes évoquent les principales étapes du voyage en Belgique. Verlaine ressent un étonnement heureux et une certaine griserie à parcourir cette région, fl peint des paysages contrastés : à l'atmosphère plaisante et gaie de Walcourt s'oppose la grisaille industrielle de Charleroi. Verlaine éprouve du plaisir à voyager par le train, d'où il peut à loisir contempler villes et campagnes, qui s'effacent aussitôt. B note les aspects éphémères du monde et les nuances de la lumière : demi-jour à Bruxelles recouvert par la brume, or et sang de l'automne, nuit qui tombe sur la fête foraine. La netteté de la vision s'exprime par des notations juxtaposées, sans transition. Aucune phrase n'est construite dans « Walcourt » ; la sensation se trouve rendue de manière brute. L'art de Verlaine s'apparente ici à l'impressionnisme : les peintres se contentaient de poser sur la toile des taches de couleur, en refusant tout dessin préalable et toute interprétation ; à partir de ces impressions colorées, chacun pouvait reconstituer les formes. Dans « Charleroi », les questions posées ne portent pas sur les sensations, très précises, mais sur leur signification. Avant de voir « des collines et des rampes » (« Bruxelles », I), le poète aperçoit des tonalités verdâtres et roses. Comme dans les « Ariettes oubliées ». les paysages se trouvent intimement liés à un état d'âme : joie procurée par LIe voyage dans « Walcourt », effroi sinistre dans « Charleroi », tristesse rêveuse et ironique ou espoir de calme bonheur dans « Simples fresques », vertige du corps et du cour dans « Chevaux de bois » où le tournoiement du manège emporte l'être dans un temps indéfini où se mêlent espoirs et souvenirs, rêverie apaisée dans « Malines ».

La troisième section, « Birds in the night », paraît d'emblée présenter un caractère différent. Ce long poème en sept mouvements, qui comprennent chacun trois strophes, s'adresse nettement à Mathilde. Verlaine y exprime sa souffrance et son amertume. Mathilde a manqué de patience et de douceur ; elle n'a pas su accepter et pardonner. Verlaine ne l'accuse pas ; il met en cause sa jeunesse, seule raison de son insouciance et de son indifférence. Pourtant, il lui reproche sa trahison : ses yeux et ses paroles masquaient la vérité profonde de son cour. Le poète se résigne à souffrir. Il évoque avec une tristesse douce-amère la venue de Mathilde à Bruxelles, le 22 juillet, et leur réconciliation passagère. Mais le destin les a séparés et le poète se compare à un navire démâté qui erre dans la tempête sans apercevoir la moindre lueur de salut. On entend dans ce poème comme un écho de La Bonne Chanson, mais vite dominé par une attitude de défi.

Les « Aquarelles » expriment des rêves de Verlaine qui songe encore à un bonheur possible avec Mathilde. Inspirées par des souvenirs littéraires comme « Green » par les « Roses de Saadi » de Marceline Desbordes-Valmore ou « Child Wife » par une chanson populaire anglaise (The Utile pretly onE), ou nées d'impressions ressenties à Londres (« Streets 1 » évoque Hibernia Store, et « Streets II » Regent's CanaL), ces « Aquarelles » paraissent dépourvues d'ambiguïté. « Green » imagine un retour près de la bien-aimée : « Spleen » chante la crainte de perdre définitivement sa femme, « Streets I » évoque avec nostalgie le souvenir des heures vécues ensemble ; « Child Wife » renouvelle les reproches de « Birds in the night » ; « A poor young shepherd » s'adresse, sous le pseudonyme de Kate, à Mathilde ; et « Beams » dépeint encore sa figure merveilleuse. Verlaine renoue ici avec l'impressionnisme des deux premières sections. Les couleurs nettes et vives de « Spleen » - roses rouges, lierre noir, ciel « trop bleu », mer « trop verte » - se trouvent comme neutralisées par les émotions renaissantes : Verlaine aspire à la nuance. Dans « Streets II » surgit et s'évanouit un paysage fantastique dans la brume.



L'art de Verlaine atteint ici sa plus haute réussite. L'influence de Rimbaud paraît indéniable. D a détourné Verlaine de l'effusion lyrique, de la confidence subjective, du pittoresque extérieur. Il l'a incité à s'abandonner à l'univers du songe. Verlaine cherche à atteindre une langue épurée, qui frise parfois la banalité ; la syntaxe et son armature logique s'effacent pour laisser place aux notations juxtaposées. Les mots perdent leur signification conceptuelle pour ne conserver que leur valeur musicale. Le titre emprunté à Mendelssohn (Lieder ohne Worte, 1828) indique clairement l'intention du poète : la parole s'efface devant la musique. La poésie devient chant. Aussi Verlaine accorde-t-il toute son attention à la mélodie du vers. Il conserve la strophe traditionnelle car il n'a nul souci de la composition harmonique qui s'étend sur tout le poème ; et le quatrain domine nettement. Il introduit les mètres impairs, plus souples et plus fluides : le pentasyllabe (« Ariette VIII ». « Simples fresques I », « A poor young shepherd »), Pheptasyllabe (« Ariette I », « Simples fresques II »), l'ennéasyllabe (« Ariette II », « Chevaux de bois »), le vers de onze syllabes (« Ariette IV »). Ces deux derniers types de vers manquent d'assise rythmique et se trouvent en perpétuel déséquilibre. Rien ne convient mieux pour suggérer musicalement î'évanescence et l'incertitude :



Je devine, à travers un murmure,

Le contour subtil des voix anciennes.



Si les mètres pairs dominent, Verlaine en renouvelle la forme. Il use en effet deux fois de l'alexandrin, deux fois du décasyllabe, cinq fois de l'octosyllabe, une fois de l'hexasyllabe et deux fois du tétrasyllabe. Trois poèmes sont écrits en vers variés : 12 - 7 (« Ariette LX »), 12 - 6 (« Child Wife »), 8-4 (« Streets I »). Mais il fait varier la place des coupes et des accents; l'alexandrin perd son architecture traditionnelle avec la coupe à la césure et les quatre accents qui délimitent quatre mesures régulièrement distribuées. Ici, aucune coupe n'intervient :



L'ombre des ar/bres dans la riviè/re embrumée 4 5 3



Ailleurs, la coupe se trouve déplacée :



Que le déroulement / des vagues, // ô délice ! 6 3 3



Le décasyllabe n'a plus sa structure habituelle : 4/6 ou 6/4. Verlaine préfère d'autres rythmes plus subtils. Tantôt, il supprime la coupe :

Luit dans le soir / rose et gris / vaguement 4 3 3 tantôt, il la met au milieu du vers :

Par instant/je meurs//la mort/du pécheur 3 2 2 3 ou à des endroits imprévus :

Mon amour // qui n'est / que ressouvenance 3 2 5

Verlaine relègue la rime à un rôle secondaire afin d'éviter le retour trop marqué d'une même sonorité. La continuité du chant exige une ligne mélodique où la rime s'estompe. Verlaine préfère la rime féminine ; souvent, il l'emploie à cause de 'e assourdi qui prolonge légèrement le vers. La modulation des voyelles et le jeu des consonnes lui permettent d'atteindre à de très heureux effets ; la musicalité de l'ariette III vient de la répétition des /oe/ fermé et ouvert et de la reprise de /wi/. Les mots ne se regroupent plus selon les lois exclusives de la syntaxe, mais s'enchaînent en arpèges ; [ils deviennent des notes. Modulations, euphonies ou parfois dissonances calculées des timbres envoûtant la sensibilité. Qu'on écoute ici la modulation /aR/, /eR/, /oeR/ qu'adoucit la reprise des nasales : chaque voyelle et chaque consonne se trouvent choisies avec soin et serties à une place irremplaçable. Verlaine a renoué la vieille alliance de la poésie et de la musique. Nul n'a mieux défini son art que Suarès : « Verlaine a le privilège de la mélodie parfaite : une adorable musique, plus délicieuse qu'en toute autre langue, une chanson de Psyché rêveuse et contrite [...] penchée sur sa propre grâce comme une anémone qui se ferme, perdue en tendresse, toute fiévreuse en sa mélancolie et toute déçue, l'enchantement de cette mélodie est celui de la caresse '. »



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Paul Verlaine
(1844 - 1896)
 
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Ouvres

Après une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b

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