wikipoemes
paul-verlaine

Paul Verlaine

alain-bosquet

Alain Bosquet

jules-laforgue

Jules Laforgue

jacques-prevert

Jacques Prévert

pierre-reverdy

Pierre Reverdy

max-jacob

Max Jacob

clement-marot

Clément Marot

aime-cesaire

Aimé Césaire

henri-michaux

Henri Michaux

victor-hugo

Victor Hugo

robert-desnos

Robert Desnos

blaise-cendrars

Blaise Cendrars

rene-char

René Char

charles-baudelaire

Charles Baudelaire

georges-mogin

Georges Mogin

andree-chedid

Andrée Chedid

guillaume-apollinaire

Guillaume Apollinaire

Louis Aragon

arthur-rimbaud

Arthur Rimbaud

francis-jammes

Francis Jammes


Devenir membre
 
 
auteurs essais
 

Paul Verlaine



La mort de philippe ii - Poéme


Poéme / Poémes d'Paul Verlaine





Le coucher d'un soleil de septembre ensanglante
La plaine morne et l'âpre arête des sierras
Et de la brume au loin l'installation lente.



Le
Guadarrama pousse entre les sables ras
Son flot hâtif qui va réfléchissant par places
Quelques oliviers nains tordant leurs maigres bras.



Le grand vol anguleux des éperviers rapaces
Raye à l'ouest le ciel mat et rouge qui brunit.
Et leur cri rauque grince à travers les espaces.



Despotique, et dressant au-devant du zénith
L'entassement brutal de ses tours octogones,
L'Escurial étend son orgueil de granit.



Les murs carrés, percés de vitraux monotones.
Montent droits, blancs et nus, sans autres ornements
Que quelques grils sculptés qu'alternent des couronnes.



Avec des bruits pareils aux rudes hurlements

D'un ours que des bergers navrent de coups de pioches

Et dont l'écho redit les râles alarmants.



Torrent de cris roulant ses ondes sur les roches.
Et puis s'évaporant en des murmures longs,
Sinistrement dans l'air du soir tintent les cloches.



Par les cours du palais, où l'ombre met ses plombs.
Circule - tortueux serpent hiératique -
Une procession de moines aux frocs blonds



Qui marchent un par un, suivant l'ordre ascétique

Et qui, pieds nus, la corde aux reins, un cierge en main

Ululent d'une voix formidable un cantique.



-
Qui donc ici se meurt ?
Pour qui sur le chemin
Cette paille épandue et ces croix long-voilées
Selon le rituel catholique romain ? -



La chambre est haute, vaste et sombre.
Niellées,
Les portes d'acajou massif tournent sans bruit,
Leurs serrures étant, comme leurs gonds, huilées.



Une vague rougeur plus triste que la nuit
Filtre à rais indécis par les plis des tentures
A travers les vitraux où le couchant reluit.



Et fait papilloter sur les architectures,

A l'angle des objets, dans l'ombre du plafond,

Ce halo singulier qu'on voit dans les peintures.



Parmi le clair-obscur transparent et profond
S'agitent effarés des hommes et des femmes
A pas furtifs, ainsi que les hyènes font.



Riches, les vêtements des seigneurs et des dames,
Velours, panne , satin, soie, hermine et brocart,
Chantent l'ode du luxe en chatoyantes gammes,



Et, trouant par éclairs distancés avec art
L'opaque demi-jour, les cuirasses de cuivre
Des gardes alignés scintillent de trois quart.



Un homme en robe noire, à visage de guivre,
Se penche, en caressant de la main ses fémurs,
Sur un lit, comme l'on se penche sur un livre.



Des rideaux de drap d'or roides comme des murs
Tombent d'un dais de bois d'ébène en droite ligne,
Dardant à temps égaux l'oil des diamants durs.



Dans le lit, un vieillard d'une maigreur insigne

Egrène un chapelet, qu'il baise par moment.

Entre ses doigts crochus comme des brins de vigne.



Ses lèvres font ce sourd et long marmottement.
Dernier signe de vie et premier d'agonie,

-
Et son haleine pue épouvantablement.



Dans sa barbe couleur d'amarante ternie.

Parmi ses cheveux blancs où luisent des tons roux.

Sous son linge bordé de dentelle jaunie,



Avides, empressés, fourmillants, et jaloux

De pomper tout le sang malsain du mourant fauve,

En bataillons serrés vont et viennent les poux.



C'est le
Roi, ce mourant qu'assiste un mire chauve.
Le
Roi
Philippe
Deux d'Espagne, - saluez ! -Et l'aigle autrichien s'effare dans l'alcôve,



Et de grands écussons, aux murailles cloués,
Brillent, et maints drapeaux où l'oiseau noir s'étale
Pendent de çà de là, vaguement remués !...



-
La porte s'ouvre.
Un flot de lumière brutale
Jaillit soudain, déferle et bientôt s'établit

Par l'ampleur de la chambre en nappe horizontale ;



Porteurs de torches, roux, et que l'extase emplit,

Entrent dix capucins qui restent en prière :

Un d'entre eux se détache et marche droit au lit.



Il est grand, jeune et maigre, et son pas est de pierre.
Et les élancements farouches de la
Foi
Rayonnent à travers les cils de sa paupière ;



Son pied ferme et pesant et lourd, comme la
Loi,

Sonne sur les tapis, régulier, emphatique :

Les yeux baissés en terre, il marche droit au
Roi.



Et tous sur son trajet dans un geste extatique
S'agenouillent, frappant trois fois du poing leur sein ;
Car il porte avec lui le sacré
Viatique.



Du lit s'écarte avec respect le matassin ,
Le médecin du corps, en pareille occurrence,
Devant céder la place,
Ame, à ton médecin.



La figure du
Roi, qu'étire la souffrance,
A l'approche du fray se rassérène un peu,
Tant la religion est grosse d'espérance !



Le moine cette fois ouvrant son oil de feu
Tout brillant de pardons mêlés à des reproches,
S'arrête, messager des justices de
Dieu.



-
Sinistrement dans l'air du soir tintent les cloches.

Et la
Confession commence.
Sur le flanc

Se retournant, le
Roi, d'un ton sourd, bas et grêle,

Parle de feux, de juifs, de bûchers et de sang.



- «
Vous repentiriez-vous par hasard de ce zèle ? «
Brûler des juifs, mais c'est une dilection !



«
Vous fûtes, ce faisant, orthodoxe et fidèle. » -

Et se pétrifiant dans l'exaltation.

Le
Révérend, les bras en croix, tête baissée,

Semble " l'esprit sculpté de l'Inquisition.



Ayant repris haleine, et d'une voix cassée,
Péniblement, et comme arrachant par lambeaux
Un remords douloureux du fond de sa pensée,



Le
Roi, dont la lueur tragique des flambeaux

Éclaire le visage osseux et le front blême,

Prononce ces mots :
Flandre,
Albe, morts, sacs, tombeaux.



- «
Les
Flamands, révoltés contre l'Eglise même, «
Furent très justement punis, à votre los,

«
Et je m'étonne, ô
Roi, de ce doute suprême.



«
Poursuivez. »
Et le
Roi parla de don
Carlos.
Et deux larmes coulaient tremblantes sur sa joue
Palpitante et collée affreusement à l'os.



- «
Vous déplorez cet acte, et moi je vous en loue ! «
L'Infant, certes, était coupable au dernier point,



«
Ayant voulu tirer l'Espagne dans la boue

«
De l'hérésie anglaise, et de plus n'ayant point

«
Frémi de conspirer - ô ruses abhorrées ! -



«
Et contre un
Père, et contre un
Maître, et contre un
Oint ! » -

Le moine ensuite dit les formules sacrées

Par quoi tous nos péchés nous sont remis, et puis.



Prenant l'Hostie avec ses deux mains timorées.



Sur la langue du
Roi la déposa.
Tous bruits
Se sont tus, et la
Cour, pliant dans la détresse.

Pria, muette et pâle, et nul n'a su depuis



Si sa prière fut sincère ou bien traîtresse.

-
Qui dira les pensers obscurs que protégea

Ce silence, brouillard complice qui se dresse ? -



Ayant communié, le
Roi se replongea
Dans l'ampleur des coussins, et la béatitude
De l'Absolution reçue ouvrant déjà



L'oil de son âme au jour clair de la certitude. Épanouit ses traits en un sourire exquis
Qui tenait de la fière et de la quiétude.



Et tandis qu'alentour ducs, comtes et marquis.

Pleins d'angoisses, fichaient leurs yeux sous la courtine.

L'âme du
Roi mourant montait aux cieux conquis.



Puis le râle des morts hurla dans la poitrine
De l'auguste malade avec des sursauts fous :
Tel l'ouragan passe à travers une ruine.



Et puis, plus rien ; et puis, sortant par mille trous,
Ainsi que des serpents frileux de leur repaire,
Sur le corps froid les vers se mêlèrent aux poux.



-
Philippe
Deux était à la droite du
Père.



Contact - Membres - Conditions d'utilisation

© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.

Paul Verlaine
(1844 - 1896)
 
  Paul Verlaine - Portrait  
 
Portrait de Paul Verlaine

Ouvres

Après une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b

Chronologie


Biographie


mobile-img