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Paul Verlaine



Amoureuse du diable - Poéme


Poéme / Poémes d'Paul Verlaine





Il parle italien avec un accent russe.

Il dit : «
Chère, il serait précieux que je fusse

«
Riche, et seul, tout demain et tout après-demain,

«
Mais riche à paver d'or monnayé le chemin

«
De l'Enfer, et si seul qu'il vous va falloir prendre

«
Sur vous de m'oublier jusqu'à ne plus entendre

«
Parler de moi sans vous dire de bonne foi :

«
Qu'est-ce que ce monsieur
Félice ?
Il vend de quoi ? »

Cela s'adresse à la plus blanche des comtesses.

Hélas ! toute grandeurs, toute délicatesses.
Cour d'or, comme l'on dit, âme de diamant,
Riche, belle, un mari magnifique et charmant
Qui lui réalisait toute chose rêvée.
Adorée, adorable, une
Heureuse, la
Fée,
La
Reine, aussi la
Sainte, elle était tout cela.
Elle avait tout cela.



Cet homme vint, vola
Son cour, son âme, en fit sa maîtresse et sa chose
Et ce que la voilà dans ce doux peignoir rose
Avec ses cheveux d'or épars " comme du feu.
Assise, et ses grands yeux d'azur tristes un peu.

Ce fut une banale et terrible aventure.

Elle quitta de nuit l'hôtel.
Une voiture

Attendait.
Lui dedans.
Ils restèrent six mois

Sans que personne sût où ni comment.
Parfois

On les disait partis à toujours.
Le scandale

Fut affreux.
Cette allure était par trop brutale

Aussi pour que le monde ainsi mis en défi

N'eût pas frémi d'une ire énorme et poursuivih

De ses langues les plus agiles l'insensée.

Elle, que lui faisait ?
Toute à cette pensée.

Lui, rien que lui, longtemps avant qu'elle s'enfuît.

Ayant réalisé son avoir (sept ou huit

Millions en billets de mille qu'on liasse

Ne pèsent pas beaucoup et tiennent peu de place),

Elle avait tassé tout dans un coffret mignon

Et, le jour du départ, lorsque son compagnon.

Dont du rhum bu de trop rendait la voix plus tendre.

L'interrogea sur ce colis qu'il voyait pendre

A son bras qui se lasse, elle répondit : « Ça,

«
C'est notre bourse. »

Ô tout ce qui se dépensa !

II n'avait rien que sa beauté problématique

(D'autant pire) et que cet esprit dont il se pique

Et dont nous parlerons, comme de sa beauté.

Quand il faudra...
Mais quel bourreau d'argent !
Prêté,

Gagné, volé !
Car il volait à sa manière,

Excessive, partant respectable en dernière

Analyse, et d'ailleurs respectée, et c'était

Prodigieux la vie énorme qu'il menait

Quand au bout de six mois ils revinrent.

Le coffre

Aux millions (dont plus que quatre) est là qui s'offre

A sa main.
Et pourtant celte fois - une fois

N'est pas coutume - il a gargarisé sa voix

Et remplacé son geste ordinaire de prendre

Fins demander, par ce que nous venons d'entendre.

Elle s'étonne avec douceur et dit : «
Prends tout,

«
Si tu veux. »



Il prend tout et sort.

Un mauvais goût.
Qui n'avait de pareil que sa désinvolture
Semblait pétrir le fond même de sa nature.
Et dans ses moindres mots, dans ses moindres clins d'yeux,



Faisait luire et vibrer comme un charme odieux.

Ses cheveux noirs étaient trop bouclés pour un homme.

Ses yeux très grands, très verts, luisaient comme à
Sodome.

Dans sa voix claire et lente, un serpent s'avançait.

Et sa tenue était de celles que l'on sait :

Du vernis, du velours, trop de c linge, et de bagues.

D'antécédents, il en avait de vraiment vagues

Ou, pour mieux dire, pas.
Il parut un beau soirrf,

L'autre hiver, à
Paris, sans qu'aucun pût savoir

D'où venait ce petite monsieur, fort bien du reste

Dans son genre et dans son outrecuidance leste.

Il fit rage, eut des duels célèbres et causa

Des morts de femmes par amour dont on causa.

Comment il vint à bout de la chère comtesse.

Par quel philtre ce gnome insuffisant qui laisse

Une odeur de cheval et de femme après lui

A-t-il fait d'elle cette fille d'aujourd'hui-^?

Ah ! ça, c'est le secret perpétuel que berce

Le sang des dames dans son plus joli commerce,

A moins que ce ne soit celui du
Diable aussi.

Toujours est-il que quand le tour eut réussi

Ce fut du propre !

Absent souvent trois jours sur quatre,
Il rentrait ivre, assez lâche et vil pour la battre,
Et quand il voulait bien rester près d'elle un peu,
II la martyrisait, en manière de jeu.
Par l'étalage de doctrines impossibles.



«
Mia, je ne suis pas d'entre les irascibles,

«
Je suis le doux par excellence, mais tenez,

« Ça m'exaspère, et je le dis à votre nez,

«
Quand je vous vois l'oil blanc et la lèvre pincée,

«
Avec je ne sais quoi d'étroit dans la pensée,

«
Parce que je reviens un peu soûl quelquefois.

«
Vraiment en seriez-vous à croire que je bois

«
Pour boire, pour licher, comme vous autres chattes,

«
Avec vos vin sucrés dans vos verres à pattes,

«
Et que l'Ivrogne est une forme du
Gourmand?

«
Alors l'instinct qui vous dit ça ment plaisamment

«
Et d'y prêter l'oreille un instant, quel dommage !

«
Dites, dans un bon
Dieu de bois, est-ce l'image

«
Que vous voyez et vers qui vos voux vont monter ?

«
L'Eucharistie est-elle un pain à cacheter

«
Pur et simple, et l'amant d'une femme, si j'ose

«
Parler ainsi, consiste-t-il en cette chose

«
Unique d'un monsieur qui n'est pas son mari

«
Et se voit de ce chef tout spécial chéri ?

«
Ah ! si je bois, c'est pour me soûler, non pour boire.



« Être soûl, vous ne savez pas quelle victoire

«
C'est qu'on remporte sur la vie, et quel don c'est !

«
On oublie, on revoit, on ignore et l'on sait ;

«
C'est des mystères pleins d'aperçus, c'est * du rêve

«
Qui n'a jamais eu de naissance et ne s'achève

«
Pas. et ne se meut pas dans l'essence d'ici ;

«
C'est une espèce d'autre vie en raccourci ',

«
Un espoir actuel, un regret qui « rapplique »,

«
Que sais-je encore ?
Et quant à la rumeur publique,

«
Au préjugé qui hue un homme dans ce cas,

«
C'est hideux, parce que bête, et je ne plains pas

«
Ceux ou celles qu'il bat à travers son extase,

« Ô que nenni !

«
Voyons, l'amour, c'est une phrase «
Sous un mot, - avouez, un écoute-s'il-pleut, «
Un calembour dont un chacun prend ce qu'il veut, «
Un peu de plaisir fin. beaucoup de grosse joie, «
Selon le plus ou moins de moyens qu'il emploie, «
Ou, pour mieux dire, au gré de son tempérament, «
Mais, entre nous, le temps qu'on y perd !
Et comment ! «
Vrai, c'est honteux que des personnes sérieuses «
Comme nous deux, avec ces vertus précieuses «
Que nous avons, du cour, de l'esprit, - de l'argent, «
Dans un siècle que l'on peut dire intelligent, «
Aillent !... »

Ainsi de suite, et sa fade ironie
N'épargnait rien de rien dans sa blague infinie.
Elle écoutait le tout avec les yeux baissés
Des cours aimants à qui tous torts sont effacés.
Hélas!

L'après-demain et le demain se passent.
Il rentre et dit : «
Altro ! que voulez-vous que fassent «
Quatre pauvres petits millions contre un sort ? «
Ruinés, ruinés, je vous dis !
C'est la mort «
Dans l'âme que je vous le dis. »

Elle frissonne
Un peu, mais sait que c'est arrivé.

- « Ça personne. «
Même vous, diletta, ne me croit assez sot «
Pour demeurer ici dedans le temps d'un saut «
De puce. »

Elle pâlit très fort et frémit-'' presque.
Et dit : «
Va, je sais tout. » - «
Alors c'est trop grotesque
Et vous jouez là sans atouts * avec le feu. »

- «
Qui dit non ?» - «
Mais je suis spécial à ce jeu. »

- «
Mais si je veux, exclame-t-elle, être damnée ? »



- «
C'est différent, arrange ainsi ta destinée.

«
Moi, je sors. » - «
Avec moi !» - «
Je ne puis aujourd'hui

Il a disparu sans autre trace de lui

Qu'une odeur de soufre et qu'un aigre éclat de rire.

Elle tire un petit ' couteau.

Le temps de luire
Et la lame est entrée à deux lignes du cour.
Le temps de dire, en renfonçant l'acier vainqueur : «
A toi, je t'aime ! » et la justice la recense.

Elle ne savait pas que l'Enfer c'est l'absence.






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Paul Verlaine
(1844 - 1896)
 
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Portrait de Paul Verlaine


Ouvres

Après une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b

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