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Paul Morin



Scriabine - Poéme


Poéme / Poémes d'Paul Morin





Pour la première fois, nous avons entendu,

ce soir d'avril orageux,

alangui, tiède, bleu,

et qui semblait comprendre,

nous avons entendu

ta voix

prométhéenne,

pour la première fois,

sans que, toujours lointaine

(mais si proche quand même), ait répondu

à nos âmes tumultueuses ou tendres

la sombre et magnifique flamme

de ton âme.

O soir d'avril mélancolique !

Tout l'éther frémissant chantait dans ta musique...

traîtrise, miroir ensorcelé des eaux dormantes

où l'arpège fluide s'enroule comme un pampre ;

flûtes de
Pan, pipeaux de faunes bucoliques ;

guirlandes frêles.

caresses dansées, caresses d'ailes

et syrinx,



chimère, énigme, et sphinx ;

désir, et fièvres,

et prisonnières lèvres...

O soir d'avril mélancolique où pleurèrent, où tournoyèrent les aériens préludes clairs !
Mais combien triste...

De même qu'il est doux, dans l'ombre du vallon

de savoir que la cime est baignée de rayons

et d'épier l'aurore d'améthyste,

tous, les plus ignorés et les plus grands des nôtres,

ceux qui furent tes plus harmonieux apôtres

et ceux qui, humblement, dans les lents crépuscules,

tendaient leurs mains aux étincelles

du sublime brasier d'Hercule,

tous, nous tentions sans trêve de nous tourner vers elle,

vers l'Ame de mystère, profonde et belle,

et que nous devinions, très pure, sur les monts,

fulgurante et universelle.

Mais ce soir sombre...

Ce fut la sonate houleuse et tragique

où clame et commande la farouche et sombre

majesté ;

et l'autre sonate, d'azur nostalgique ;

et celle où l'Eté,

ivre,

mire son clair visage émerveillé de vivre...



Mais ce soir équivoque, ce soir insidieux,

d'ombre, et de deuil,

où l'on te couchait, peut-être, dans ton linceul,

comme un homme, toi qui fus dieu...

oh, combien triste !

Mais ne soupirez pas, ô femmes, ô poètes,

le
Maître lui-même l'a dit :

Il ne faut pas que l'on regrette

les éphémères envolés

aux planétaires paradis...

Ô frère de l'harmonie ailée,

il sied que l'équitable et l'excellente mort

te ravisse vers l'immuable aurore

et la mystique essence d'autres sphères plus calmes.

Car tel était le
Rêve unique, ardent, jaloux,

de son âme.

Ah, les poètes et les femmes, pourquoi soupirez-vous ?

Souvenez-vous de sa prestigieuse voix :

il n'eut d'autre enseignement que la joie,

que la belle, sereine, et forte
Indifférence,

la noble, l'abondante et la puissante
Foi

en son labeur, en sa propre vaillance,

en
Soi !

Par les labyrinthes cruels de la sinueuse
Musique

il fut l'auguste exemple de l'inlassable effort

vers l'idéal mystérieux,

de l'escalade magnifique

vers le
Feu !

Il faut donc remercier la
Mort



et trouver des chants clairs, des rythmes éclatants,

puisqu'un mortel enfin s'approche du
Titan.

La tâche est accomplie, au prix de quelle angoisse...

Ah, les fourbes et les sournoises

vengeances,

et les silences

concertés,

devant tant, devant trop de beauté !

Ô nouveau
Prométhée,

toi aussi, tu connus

le rocher solitaire où rêve la douleur

et les chaînes rongeant les membres nus,

et le vautour nocturne

s'abreuvant à ton cour

comme un damné collant ses lèvres à une urne...

Mais, avec la musique dont se mourait ton âme,

tu nous as prodigué la
Flamme,

et nous la possédons, quand nos sonores mémoires,

nuages qu'illuminent de féeriques parhélies,

frémissent de ton harmonieuse gloire.

Maître, la tâche est accomplie,

pourquoi donc pleurer sur des cendres ?

Il convient que ton âme,

légère, et précieuse, et ondoyante flamme

(tel un étincelant atome

erre,

et danse, et s'élance,

et puis se perd

au royaume du sylphe et de la salamandre...),

il convient que ton âme



remonte vers le
Feu

et retourne à la
Flamme !

Car, véritablement, la
Flamme est son domaine,

il la traitait en maître.

Entendez-la, vous qui pleurez, cette voix surhumaine

parlant aux puissances de l'Être ;

celui qui sut créer la subtile harmonie

ne saurait disparaître,

il est ici. Écoutez-le...

Car toute la musique

qui chantera dans ses disciples,

désormais,

sous leurs doigts hésitants et dans leurs cours fermés,

ce sera,
Lui, le maître bien-aimé,

qui la fera chanter

pour notre joie et notre peine.

Et, véritablement, notre douleur est vaine puisque l'Azur est son domaine...



Avril 1915.


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Paul Morin
(1889 - 1963)
 
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