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Othon de Grandson



Le songe saint valentin - Poéme


Poéme / Poémes d'Othon de Grandson





Il est grant * aise de penser.

Si ce n'était que pour passer

Aucune fois l'heure du jour.

Bien met le corps en grand séjour

En grand repos et en grant aise

Le penser, qui le cour apaise.

Penser peut homme jour et nuit.

Que ja nul ne peut savoir

S'il pense fouleur * ou savoir,

Tant qu'il même le découvre

Ou par parole ou par ouvre.

Et si fait au cour grand soûlas *

Quand un homme est pesant et las

Et il veut prendre son repos,

Il peut penser sur tel propos

Qu'en son propos s'endormira.

Et, en dormant, il songera

Aucune chose merveilleuse,

Bonne pour lui ou dangereuse,

Aussi com * je fais, au matin,

Le jour de la
Saint
Valentin.

Cette nuit avoye ' veillé,

Car mon cour m'avait travaillé

Pour plusieurs diverses pensées

Qui ne sont pas toutes passées.



Si m'advient que m'endormis

Sur un lit où je m'étais mis.

Et me semblait, en mon dormant,

Qu'un rubis et un diamant.

Le jour d'avant, laissés avais

En un verger, et les devais

A ce matin aller chercher.

Mais quand je vins près du verger

Où cuidais * trouver mes anneaux

Je vis dedans plusieurs oiseaux.

Blancs et noirs, privés et sauvages.

Sors *, muets, niais et ramaiges *,

De bois, de champs et de rivière.

De maisons et de colombiers.

Petits et grands, tous y étaient.

Et, devers la mer, y venaient

Oiseaux de diverses façons.

Illec * faisaient leurs parssons *.

Chacun y choisissait son pair

Qui veït ' l'un l'autre appair ,

Bec et bec, mâles et femelles,

Il se embrassaient des ailes

Et alignoyent ' leurs plumettes.

Les douces avec les doucettes,

L'un près de l'autre se jognoyent '

Et au soleil se pourrignoyent *.

Et seuls qui savaient chanter

Voulaient leur métier hanter.

Le roussignol et la maulvis *

Se taisaient moult à envis *,





Dessus tous ouïr se faisaient.
Et les colombeaux se baisaient.

Chacun faisait à sa manière

Ce que lui semblait bon yere '.

Et bien se savaient aiser

Fût de regard ou de baiser,

Ou de tout ce que l'un savait

Qui à l'autre plaire devait.

A leur semblant apparaît bien

Que chacun était lié * du sien,

Car ils avaient suffisance

Et de deux * biens grant abondance.

Entre eux tous était assise

L'aigle qui tenait sa justice

Et faisait à chacun raison

Selon le jour et la saison.

L'aigle tenait son pair près d'elle.

Cette parsson * était moult * belle,

Car tous étaient deux à deux.

Moult me plaisait la vie d'eux

Et leur déduit * que je voyais

Et de ce grand soûlas * avais

Qu'il me semblait, en mon courage,

Que j'entendoye leur langage,

Dont j'étais moult conforté.

Et ci était mon confort tel

Que j'oubliais mes annelets

Pour écouter les oiselets

Et pour ouïr ce qu'ils disaient.

Ci entendis bien qu'ils usaient

Trétous * les ans, à cette fête,

Que chacun d'eux tête pour tête,



Chacun choisit à pair en son degré

Celui qui mieux lui vient à gré.

Et font ensemble leur demour *

Pareille de cour et d'amour,

Jusques à fin de l'année.

Et quand la saison est finée *,

Qui veut, il peut son pair changer

Et choisir autre sans danger.

Mais, soit faucon soit épervier,

Sacre *, gerfaut ou mylion *,

Ou oiselet d'autre façon.

Certes ceux la font fausseté

Qui premiers brisent l'amitié.

Ne le tiennent nul à mensonge,



Or veux retourner à mon songe.

En mon dormant m'était avis

Entre les autres que je vis,

Un oisel assis sur un pin

Qui semblait faucon pèlerin,

D'ailes, de chef * et de corsage,

De pieds, de bec et de plumage,

De long, de gros et de largeur,

De siège, des yeux, de hauteur.

Très bien le faucon ressemblait,

Or presque tiercelet * était.

Car de ce me pris-je bien garde,

En sus des autres tout seulet,

Sans longes * et sans chapelet.

Mais il avait entour ses pieds

Bonnes campanes * et beaux giets *

L'aigle qui bien l'apercevoit,

Comme celle qui clair y voit



Le fit devant elle venir

Pour la coutume maintenir

Et ce lui dit, sans plus tarder :

«
Pourquoi viens-tu ci regarder

Notre fait et notre conseil,

Si choisir n'en veux un pareil,

Ainsi comme ces autres font

Qui ci entour assemblés sont ? »

«
Aigle, fait-il, pour
Dieu merci.

Sache de vrai que j'ai choisi

Si bien, si bel et si apoint

Que autre choisir ne veux-je point,

Et si ne puis, pour nul avoir,

Celui que j'ai choisi avoir.

Ja soit mon affaire petis

Si suis-je des oiseaux gentis *,

Et ne suis mie * si étrange

Que voler veuille pour le change *.

Le change ne m'est bel ni gent *.

Je fus jadis privé des gens

Et, si je puis, encor serai.

Dolent suis que je mesarrai,

Mais j'aye de mal envie.

Si savoir voulez de ma vie,

Sachez de vrai que j'ai été,

Plus d'un hiver et d'un été

En la garde d'un gentilhomme,

Nul besoin est que je le nomme.

Mais il m'a fait et m'a appris,

Et tient maints bons oiseaux de prix,

Faucons tiercelets * et laniers *,

Volants, réclamés * et maniers,

Qui très bien et hautement volent,

Quand il fait beau temps et ils veulent.

Entre tous ses faucons a un,

Et ci n'est mie du commun,

Mais est des autres dépareil,

Tout ainsi que le soleil

Est dépareille de la lune.

Cil oiseau a telle fortune

Qu'il est aimé et cher tenu

Devant tout autres plus que nul.

Tant par est beau et bien volant

Que chacun lui est bienveillant.

Il est en tous ses faits certain

Et à voler le plus hautain

Et, nonobstant sa grant hautour,

Jamais ne ferait un faux tour,

Tant sait à point de l'aile battre.

Lui seul fait plus que vingt et quatre,

Soit pour héron ou pour rivière.

Rien ne part, s'il veut, qu'il ne fière *,

Sans son corps trop évertuer.

Mais il n'a cure de tuer,
Ains * tient tout en subjection.

Car sa noble condition
Est de voler toujours plus haut.

Ja ne sera le jour si chaud

Que de l'aller plonger ait cure,

Tant par * est sa noble nature.

De sa bonté ne faut parler :

Pour bien voler et revoler

Il n'est oisel qui mieux l'endure.

N'il n'est besoin que on le hue,

Car il est toujours vers la nue.

Et s'il part malart * ou crécelle



Ni oisel qui par force d'aile

Veuille contre le vent voler

Pour soi cuider à eux sauver,

Cil-là le fait tantôt remettre,

Puisqu'il s'en veuille entremettre,

Soit de hauteur soit de toit.

Et puis ci leur est si courtois

Qu'il ne les fiert * ni ne méhaigne,

Ou il ne veut ou il ne daigne.

Mais les prend-on vifs à la main.

Bien vole au tard et mieux au main

Bien fait d'été et mieux d'hiver.

Jamais ne trouve temps divers,

Et ci n'aime change ni sort.

Il n'y a tel mué ni sor *.

Cil a tous les autres passé.

Point n'est de bien faire lassé,

Tant est gentil et vertueux,

Le bon, le bel, le gracieux.

Bien pert ' qu'il est de bon affaire,

Car il n'est nul plus débonnaire,

Plus doux ni de meilleur coutume.

Et porte la plus belle plume

Que nul oisel puisse porter.

C'est un déduit * à déporter *

De lui regarder seulement,

Sans avoir plus d'ébattement,

Soit à l'hostel ou soit au champ.

Il n'est nul oisel mieux sachant

De bien savoir faire son droit.

N'oncques ne vis si doux regard

De nul oisel, si
Dieu me gard



Ni qui tant fut poli et net

En tous les lieux où il se met.

Et s'on le veut lorrer * ou paître,

Il sait mieux ses droits que son maître

Le bien de lui et la beauté

Ne vous auroye pas conté,

Entre ci et deux ans entiers,

Mais vous dirai volontiers

En quel point j'ai mon temps usé.

Ci me tiendrez pour excusé

De ce que ce pareil ne quier *

Autre chose ne vous requier.

Sachez de vrai que cet oisel

Que les gens tiennent à si bel

Et à si bon et à si doux,

C'est cil que j'ai choisi sur tous,

Ja sais ce qu'il ne sait pas.

Car je feroye grand trépas

Et grant folie et grand outrage

Vers un oisel de son parage,

Si pour mon par * le demandoye.

Tel ne suis que faire le doye.

Mais pour ce que la nourriture

Ne peut apaiser ma nature,

Ni restreindre le grand désir

Que j'ai qu'il me voulût choisir,

Et, d'autre part, j'ai grant paour *,

Que ce ne fût pour mon peyour ',

S'il le pouvait apercevoir.

Si que pour faire mon devoir

Et tous ses périls achever,
Sur espoir de confort trouver,



Je me suis un peu assuré
Et mon cour lui est demeuré

Qui nuit et jour ne part,
Ni choisir ne veux autre part.

Jamais autre ne choisirai.

Pour lui ma franchise lairrai

Et tout le déduit * du bocage.

Si me remettrai en servage,

Soit sur le poing ou soit en mue,

Sans que jamais m'en remue.

Il ne me chaut par quelle voye,

Mais que souvent des yeux le voye,

Car je n'ai plume méhaignée.

Quand je suis en sa compagnie,

Je suis en parfaite plaisance

A regarder sa contenance.

Et à voir ce qu'il sait faire

Que rien ne me pourrait méfaire.

Tant aise suis quant à ce viens

Que de mon mal ne me souviens.

Et si j'eusse conneù

Le divers temps que j'ai eu,

Et celui que, jour et nuit, ai

Depuis que de lui m'éloignais,

Sachez bien que, par nul parti,

De lui ne me fusse parti.

Mais oncques, en tout mon vivant,

Senti n'avoye si avant

Quelle douleur est d'éloignier

Ce qu'on aime de cour entier.

Or l'ai si avant éprouvé

Que maint mal jour y ai trouvé.



Qui veut longuement demeurer

Sans revenir là où il aime.

Souvent convient que las se clame,

S'il n'a cour d'acier ou de fer.

Car c'est un des tourments d'enfer,

Sans repos et sans finement.

Je le sais de droit sentiment.

A bref parler et le voir dire,

C'est bien de tous les maux le pire.

Et pour ce je retournerai

Le plus briefment que je pourrai.

Or vous ai tout conté mon être,

Ci ne veux plus entre vous être. »

Lors s'écria à haute voix :

«
A
Dieu vous commens, je m'en vois ' »

Il prit son vol et s'envola.

Et l'aigle qui premier parla

Dit, quand elle l'eut écouté,

Que bien avait son fait conté

Et que loyaulment se partait

L'oisel qui d'eux se départait.

De celui fait plus ne parlèrent,

Mais tout à coup s'envolèrent.

Ainsi comme il me semblait,

Chacun à son pair s'assemblait,

En volant parmi le pays.

Et je qui remains ébahi

Et eût du jour dormi partie,

M'éveillai sur leur départie



Et me retournai sur mon lit,

Gisant à moult peu de délit *,

Car les oiseaux que je songoye,

Qui d'amour ont douleur et joye,

Me firent en songeant entendre

Que moult petit sont à reprendre

Les gens, si ils veulent aimer.

A tort les en peut-on blâmer,

Mais qu'il droit faire leur voudrait

Ja nul ne les en blâmerait.

Les oiseaux à leur gré choisissent,

Et les gens pour aimer élisent

Là où leur plaisance s'accorde.

Dont bien souvent y a discorde,

Car l'un plaît à l'autre non.
Chacun quiert ce qui lui est bon.
Mais quand bon accord y arrive,

Il n'est nul qui si aise vive

Comme font ces gens amoureux,

Tant sont les déduits savoureux.

L'amour des gens faits à parer *,

Autre ne s'y doit comparer.

Amour est chose naturelle,

Mais elle ne sera ja telle

Si loyal ni si bien servie

Ni tant à son droit assouvie,

Entre les oiseaux et les bêtes

Qui n'ont point de sens en leur tête,

Et ne doublent paour ni honte,

Et de danger ne tiennent compte,

Mais vivent sans entendement.

L'amour des gens est autrement.

Gens ont le sens clair et loyal

Pour connaître le bien du mal,

Et si savent par voye bonne,



Garder le bien quand
Dieu leur donne

Et, si le mal leur faut souffrir.

Aussi le savent-ils couvrir

Et porter en humilité.

Quand gens ont mal, c'est grant pitié.

Tant de bien veux à celles gens

Qui en aimer usent leur temps,

Que, de leur grief et de leur deuil.

Me vient souvent la larme à l'oil.

Et si m'entre parmi les veines

La remembrance de leur peines

Qu'à peu me fait le cour partir

Des maux qu'il leur convient souffrir.

Et ce penser où lors estoie,

M'était avis que je sentoie.

Ainsi que par pitié douleur.

En partie de la douleur

Et du mal que ces amants ont.

Quand ils aiment du cour parfont *

Et sont loin en étranges terres.

Pour suïr ' voyages ou guerres.

Et ont les cours en grant cremour *

Pour doubtance de long demour *,

Ni pour chose qui leur déplaise.

Le temps retourner ne les laisse,

Mais leur est fortune contraire.

Car ils ont volonté d'eux traire *

Cette part où leur cour les tire.

Et paour de ce les martyre :

Qu'ils ne savent au revenir

A quoi leur fin pourra venir,

Ni plus que faisaient les oiseaux



Qui tant étaient fermes et loyaux.

Tels gens ont moult peu de confort,

Si espoir ne les soutient fort.

Des oiseaux ne tiens-je plus plais '

Mais du mal des gens me déplais

Ja soit ce que je suis mie

Nesun * de ceux qui ont amie

Et si suis n'aimé n'ami.

Ni oncques ne m'en suis entremis,

Ni par ne m'en veux accointer

A moi mêler d'autrui métier *.

Car trop me tenrait-on pour nice *,

Si je prenoye tel office

Où je ne sais chanter ni lire,

Fors ainsi que par oui-dire.

Mais, nonobstant ma grant simplesse *,

Tant est navré qui amour blesse,

Que j'ai pitié de tous amants,

Soyent anglais ou allemands,

De
France nés ou de
Savoye,

Et prie à
Dieu qu'ils les avoye

Et conforter en leurs besoins.

Nommément ceux qui sont loins

De là où leur cour est assis,

Dont mains sont tristes et pensis

Et si requiers au
Dieu d'Amour

Qu'il veuille savoir en leur clamour

Et ouïr les pleurs et les plains '.

Et fasse les cours souvenants

A ces dames de leurs amants,

Et leur envoie bonnes nouvelles

A elles d'eux et à eux d'elles,

Et les fasse bien retourner

Et tous leurs faits à bien tourner.

Et quand ils seront revenus

Pour si loyaux soient tenus

Que envieux et médisants

Ne leur puissent être nuisants,

Mais leur soit mis en abandon

D'amour le gracieux guerdon *,

Pour avoir parfaite plaisance

Et chacun jour en accroissance

A honneur et au bien des dames

Et au plaisir de tout sont amies ou aimées.

Si que ja n'en soient blâmées.

Et tous ceux qui amants se clament

Aient joye de ce qu'ils aiment,

Selon l'état de leur service,

Gardant les droits et la franchise

Et tous les points de loyauté

Devant promis ou créante '.

Ni ja au dieu d'Amour ne plaise

Que loyal cour perde sa place

Par nul nouvel entrevenant,

Car ce serait pas advenant,

Je ne leur puis plis aider

Fors seulement de souhaiter,

Aussi comme pour moi feroye,

Si en lacs d'amour me feroye,

Où maintes gens ont été pris,

Qui en eux prenant ont appris

A savoir aimer de cour fin *.

Voici de mon songe la fin.



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(1340 - 1372)
 
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