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Jules Laforgue



L'homme et la couleuvre - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





Un
Homme vit une couleuvre : «
Ah! méchante, dit-il, je m'en vais faire une ouvre

Agréable à tout l'univers! »

A ces mots, l'animal pervers

(C'est le
Serpent que je veux dire,
Et non l'Homme : on pourroit aisément s'y tromper),
A ces mots, le
Serpent, se laissant attraper,
Est pris, mis en un sac; et, ce qui fut le pire,
On résolut sa mort, fût-il coupable ou non.
Afin de le payer toutefois de raison,

L'autre lui fit cette harangue : «
Symbole des ingrats! être bon aux méchants.
C'est être sot, meurs donc : ta colère et tes dents
Ne me nuiront jamais. »
Le
Serpent, en sa langue,
Reprit du mieux qu'il put : «
S'il falloit condamner

Tous les ingrats qui sont au monde,

A qui pourroit-on pardonner?
Toi-même tu te fais ton procès : je me fonde
Sur tes propres leçons; jette les yeux sur toi.
Mes jours sont en tes mains, tranche-les; ta justice,
C'est ton utilité, ton plaisir, ton caprice :

Selon ces lois, condamne-moi;

Mais trouve bon qu'avec franchise

En mourant au moins je te dise

Que le symbole des ingrats



Ce n'est point le
Serpent, c'est l'Homme. »
Ces paroles

Firent arrêter l'autre; il recula d'un pas.

Enfin il repartit : «
Tes raisons sont frivoles.

Je pourrais décider, car ce droit m'appartient;

Mais rapportons-nous-en. -
Soit fait », dit le
Reptile.

Une
Vache étoit là : l'on l'appelle; elle vient :

Le cas est proposé. «
C'étoit chose facile :

Falloit-il pour cela, dit-elle, m'appeler?

La
Couleuvre a raison : pourquoi dissimuler?

Je nourris celui-ci depuis longues années;

Il n'a sans mes bienfaits passé nulles journées :

Tout n'est que pour lui seul; mon lait et mes enfants

Le font à la maison revenir les mains pleines :

Même j'ai rétabli sa santé, que les ans

Avoient altérée; et mes peines
Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin.
Enfin me voilà vieille; il me laisse en un coin
Sans herbe : s'il vouloit encor me laisser paître!
Mais je suis attachée; et si j'eusse eu pour maître
Un
Serpent, eût-il su jamais pousser si loin
L'ingratitude?
Adieu : j'ai dit ce que je pense. »
L'Homme, tout étonné d'une telle sentence.
Dit au
Serpent : «
Faut-il croire ce qu'elle dit?
C'est une radoteuse; elle a perdu l'esprit.
Croyons ce
Bouf. -
Croyons », dit la rampante bête.
Ainsi dit, ainsi fait.
Le
Bouf vient à pas lents.
Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête.

Il dit que du labeur des ans
Pour nous seuls il portoit les soins les plus pesants.
Parcourant sans cesser ce long cercle de peines
Qui, revenant sur soi, ramenoit dans nos plaines
Ce que
Cérès nous donne, et vend aux animaux;

Que cette suite de travaux
Pour récompense avoit, de tous tant que nous sommes.
Force coups, peu de gré; puis, quand il étoit vieux,
On croyoit l'honorer chaque fois que les hommes



Achetoient de son sang l'indulgence des
Dieux.
Ainsi parla le
Bouf.
L'Homme dit : «
Faisons taire

Cet ennuyeux déclamateur;
Il cherche de grands mots, et vient ici se feire.

Au lieu d'arbitre, accusateur.
Je le récuse aussi. »
L'Arbre étant pris pour juge.
Ce fut bien pis encore.
Il servoit de refuge
Contre le chaud, la pluie, et la fureur des vents;
Pour nous seuls il ornoit les jardins et les champs;
L'ombrage n'étoit pas le seul bien qu'il sût faire :
Il courboit sous les fruits.
Cependant pour salaire
Un rustre l'abattoit : c'étoit là son loyer;
Quoique, pendant tout l'an, libéral il nous donne,
Ou des fleurs au printemps, ou du fruit en automne,
L'ombre l'été, l'hiver les plaisirs du foyer.
Que ne l'émondoit-on, sans prendre la cognée?
De son tempérament, il eût encor vécu.
L'Homme, trouvant mauvais que l'on l'eût convaincu.
Voulut à toute force avoir cause gagnée. «
Je suis bien bon, dit-il, d'écouter ces gens-là! »
Du sac et du
Serpent aussitôt il donna

Contre les murs, tant qu'il tua la bête.

On en use ainsi chez les grands :
La raison les offense; ils se mettent en tête
Que tout est né pour eux, quadrupèdes et gens,
Et serpents.

Si quelqu'un desserre les dents.
C'est un sot. -J'en conviens : mais que faut-il donc faire?

-
Parler de loin, ou bien se taire.






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Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue


Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

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