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Jules Laforgue



Le paysan du danube - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





Il ne faut point juger des gens sur l'apparence.
Le conseil en est bon, mais il n'est pas nouveau.

Jadis l'erreur du
Souriceau
Me servit à prouver le discours que j'avance :

J'ai, pour le fonder à présent,
Le bon
Socrate,
Esope, et certain paysan
Des rives du
Danube, homme dont
Marc-Aurèle

Nous fait un portrait fort fidèle.
On connoît les premiers : quant à l'autre, voici

Le personnage en raccourci.
Son menton nourissoit une barbe touffue;

Toute sa personne velue
Représentoit un ours, mais un ours mal léché :
Sous un sourcil épais il avoit l'oeil caché.
Le regard de travers, nez tortu, grosse lèvre,

Portoit sayon de poil de chèvre,

Et ceinture de joncs marins.
Cet homme ainsi bâti fut député des villes
Que lave le
Danube.
Il n'étoit point d'asiles

Où l'avarice des
Romains
Ne pénétrât alors, et ne portât les mains.
Le député vint donc, et fit cette harangue : «
Romains, et vous
Sénat assis pour m'écouter,
Je supplie avant tout les
Dieux de m'assister :
Veuillent les
Immortels, conducteurs de ma langue,
Que je ne dise rien qui doive être repris!
Sans leur aide, il ne peut entrer dans les esprits

Que tout mal et toute injustice :
Faute d'y recourir, on viole leurs lois.



Témoin nous que punit la romaine avarice :

Rome est, par nos forfaits, plus que par ses exploits,

L'instrument de notre supplice.
Craignez,
Romains, craignez que le
Ciel quelque jour
Ne transporte chez vous les pleurs et la misère;
Et mettant en nos mains, par un juste retour,
Les armes dont se sert sa vengeance sévère,

Il ne vous fasse, en sa colère.

Nos esclaves à votre tour.
Et pourquoi sommes-nous les vôtres?
Qu'on me die
En quoi vous valez mieux que cent peuples divers.
Quel droit vous a rendus maîtres de l'univers?
Pourquoi venir troubler une innocente vie?
Nous cultivions en paix d'heureux champs; et nos mains
Etoient propres aux arts, ainsi qu'au labourage.

Qu'avez-vous appris aux
Germains?

Ils ont l'adresse et le courage :

S'ils avoient eu l'avidité,

Comme vous, et la violence,
Peut-être en votre place ils auroient la puissance,
Et sauraient en user sans inhumanité.
Celle que vos préteurs ont sur nous exercée

N'entre qu'à peine en la pensée.

La majesté de vos autels

Elle-même en est offensée; -

Car sachez que les
Immortels
Ont les regards sur nous.
Grâces à vos exemples.
Ils n'ont devant les yeux que des objets d'horreur,

De mépris d'eux et de leurs temples.
D'avarice qui va jusques à la fureur.
Rien ne suffit aux gens qui nous viennent de
Rome :

La terre et le travail de l'homme
Font pour les assouvir des efforts superflus.

Retirez-les : on ne veut plus

Cultiver pour eux les campagnes.
Nous quittons les cités, nous fuyons aux montagnes;



Nous laissons nos chères compagnes;
Nous ne conversons plus qu'avec des ours affreux,
Découragés de mettre au jour des malheureux.
Et de peupler pour
Rome un pays qu'elle opprime.

Quant à nos enfants déjà nés,
Nous souhaitons de voir leurs jours bientôt bornés :
Vos préteurs au malheur nous font joindre le crime.
Retirez-les : ils ne nous apprendront

Que la mollesse et que le vice;

Les
Germains comme eux deviendront

Gens de rapine et d'avarice.
C'est tout ce que j'ai vu dans
Rome à mon abord.

N'a-t-on point de présent à faire,
Point de pourpre à donner : c'est en vain qu'on espère
Quelque refuge aux lois; encor leur ministère
A-t-il mille longueurs.
Ce discours, un peu fort,

Doit commencer à vous déplaire.

Je finis.
Punissez de mort

Une plainte un peu trop sincère. »
A ces mots, il se couche; et chacun étonné
Admire le grand cour, le bon sens, l'éloquence

Du sauvage ainsi prosterné.
On le créa patrice; et ce fut la vengeance
Qu'on crut qu'un tel discours méritoit.
On choisit

D'autres préteurs; et par écrit
Le
Sénat demanda ce qu'avoit dit cet homme,
Pour servir de modèle aux parleurs à venir.

On ne sut pas longtemps à
Rome

Cette éloquence entretenir.



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Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue

Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

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