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Jean Racine



Mithridate - Poéme


Poéme / Poémes d'Jean Racine





Acte
III,
Scène i.

MJTHRJDATE

Approchez, mes enfants.
Enfin l'heure est venue

Qu'il faut que mon secret éclate à votre vue.

A mes nobles projets je vois tout conspirer;

Il ne me reste plus qu'à vous les déclarer.

Je fuis : ainsi le veut la fortune ennemie.

Mais vous savez trop bien l'histoire de ma vie

Pour croire que longtemps soigneux de me cacher,

J'attende en ces déserts qu'on me vienne chercher.

La guerre a ses faveurs ainsi que ses disgrâces.

Déjà plus d'une fois, retournant sur mes traces*

Tandis que l'ennemi, par ma fuite trompé,

Tenait après son char un vain peuple occupé,

Et gravant en airain ses frêles avantages,

De mes États conquis enchaînait les images,

Le
Bosphore m'a vu, par de nouveaux apprêts,

Ramener la terreur du fond de ses marais,

Et chassant les
Romains de l'Asie étonnée

Renverser en un jour l'ouvrage d'une année.

D'autres temps, d'autres soins.
L'Orient accablé

Ne peut plus soutenir leur effort redoublé.

Il voit plus que jamais ses campagnes couvertes

De
Romains que la guerre enrichit de nos pertes.

Des biens des nations ravisseurs altérés,

Le bruit de nos trésors les a tous attirés :

Ils y courent en foule; et jaloux l'un de l'autre,

Désertent leur pays pour inonder le nôtre.

Moi seul je leur résiste.
Ou lassés, ou soumis.

Ma funeste amitié pèse à tous mes amis :

Chacun à ce fardeau veut dérober sa tête.



Le grand nom de
Pompée assure sa conquête :
C'est l'effroi de l'Asie; et loin de l'y chercher,
C'est à
Rome, mes fils, que je prétends marcher.
Ce dessein vous surprend; et vous croyez peut-être
Que le seul désespoir aujourd'hui le fait naître.
J'excuse votre erreur ; et pour être approuvés,
De semblables projets veulent être achevés.

Ne vous figurez point que de cette contrée
Par d'éternels remparts
Rome soit séparée.
Je sais tous les chemins par où je dois passer;
Et si la mort bientôt ne me vient traverser,
Sans reculer plus loin l'effet de ma parole,
Je vous rends dans trois mois au pied du
Capitole.
Doutez-vous que l'Euxin ne me porte en deux jours
Aux lieux où le
Danube y vient finir son cours?
Que du
Scythe avec moi l'alliance jurée
De l'Europe en ces lieux ne me livre l'entrée?
Recueilli dans leurs ports, accru de leurs soldats,
Nous verrons notre camp grossir à chaque pas.
Daces,
Pannoniens, la fière
Germanie,
Tous n'attendent qu'un chef contre la tyrannie.
Vous avez vu l'Espagne, et surtout les
Gaulois,
Contre ces mêmes murs qu'ils ont pris autrefois
Kxciter ma vengeance, et jusque dans la
Grèce,
Par des ambassadeurs accuser ma paresse.
Ils savent que sur eux prêt â se déborder,
Ce torrent, s'il m'entraîne, ira tout inonder;
Et vous les verrez tous, prévenant son ravage,
Guider dans l'Italie et suivre mon passage.

C'est là qu'en arrivant, plus qu'en tout le chemin.
Vous trouverez partout l'horreur du nom romain,
Et la triste
Italie encor toute fumante
Des feux qu'a rallumés sa liberté mourante.
Non,
Princes, ce n'est point au bout de l'univers
Que
Rome fait sentir tout le poids de ses fers ;
Et de près inspirant les haines les plus fortes,



Tes plus grands ennemis,
Rome, sont à tes portes.

Ali! s'ils ont pu choisir pour leur libérateur

Spartacus, un esclave, un vil gladiateur,

S'ils suivent au combat des brigands qui les vengent,

De quelle noble ardeur pensez-vous qu'ils se rangent

Sous les drapeaux d'un roi longtemps victorieux,

Qui voit jusqu'à
Cyrus remonter ses aïeux?

Que dis-je?
En quel état croyez-vous la surprendre?

Vide de légions qui la puissent défendre,

Tandis que tout s'occupe à me persécuter,

Leurs femmes, leurs enfants pourront-ils m'arrêter?

Marchons; et dans son sein rejetons cette guerre
Que sa fureur envoie aux deux bouts de la terre.
Attaquons dans leurs murs ces conquérants si fiers;
Qu'ils tremblent à leur tour pour leurs propres foyers.
Annibal l'a prédit, croyons-en ce grand homme,
Jamais on ne vaincra les
Romains que dans
Rome.
Noyons-la dans son sang justement répandu.
Brûlons ce
Capitole où j'étais attendu.
Détruisons ses honneurs, et faisons disparaître
La honte de cent rois; et la mienne peut-être;
Et la flamme à la main effaçons tous ces noms
Que
Rome y consacrait à d'éternels affronts.
Voilà l'ambition dont mon âme est saisie.
Ne croyez point pourtant qu'éloigné de l'Asie
J'en laisse les
Romains tranquilles possesseurs.
Je sais où je lui dois trouver des défenseurs.
Je veux que d'ennemis partout enveloppée,
Rome rappelle en vain le secours de
Pompée.
Le
Parthe, des
Romains comme moi la terreur,
Consent de succéder à ma juste fureur;
Prêt d'unir avec moi sa haine et sa famille,
Il me demande un fils pour époux à sa fille.
Cet honneur vous regarde, et j'ai fait choix de vous,
Pharnace : allez, soyez ce bienheureux époux.
Demain, sans différer, je prétends que l'Aurore



Découvre mes vaisseaux déjà loin du
Bosphore.
Vous que rien n'y retient, partez dès ce moment,
Et méritez mon choix par votre empressement.
Achevez cet hymen, et, repassant l'Euphrate,
Faites voir à l'Asie un autre
Mithridate.
Que nos tyrans communs en pâlissent d'effroi,
Et que le bruit à
Rome en vienne jusqu'à moi.

Acte
IV,
Scène . -
Monime,
Mithridate. monime
Je n'ai point oublié quelle reconnaissance,
Seigneur, m'a dû ranger sous votre obéissance.
Quelque rang où jadis soient montés mes aïeux,
Leur gloire de si loin n'éblouit point mes yeux.
Je songe avec respect de combien je suis née
Au-dessous des grandeurs d'un si noble hyménée;
Et malgré mon penchant et mes premiers desseins
Pour un fils, après vous le plus grand des humains,
Du jour que sur mon front on mit ce diadème,
Je renonçai,
Seigneur, à ce prince, à moi-même.
Tous deux d'intelligence à nous sacrifier,
Loin de moi, par mon ordre, il courait m'oublier.
Dans l'ombre du secret ce feu s'allait éteindre;
Et même de mon sort je ne pouvais me plaindre,
Puisqu'enfin, aux dépens de mes voux les plus doux,
Je faisais le bonheur d'un héros tel que vous.

Vous seul,
Seigneur, vous seul, vous m'avez arrachée
A cette obéissance où j'étais attachée;
Et ce fatal amour dont j'avais triomphé, 'Ce feu que dans l'oubli je croyais étouffé,
Dont la cause à jamais s'éloignait de ma vue,
Vos détours l'ont surpris, et m'en ont convaincue.
Je vous l'ai confessé, je le dois soutenir.
En vain vous en pourriez perdre le souvenir; [Et cet aveu honteux, où vous m'avez forcée,



Demeurera toujours présent à ma pensée.

Toujours je vous croirais incertain de ma foi ;

Et le tombeau,
Seigneur, est moins triste pour moi

Que le lit d'un époux qui m'a fait cet outrage,

Qui s'est acquis sur moi ce cruel avantage,

Et qui me préparant un éternel ennui,

M'a fait rougir d'un feu qui n'était pas pour lui.

MITHRIDATE

C'est donc votre réponse?
Et, sans plus me complaire,
Vous refusez l'honneur que je voulais vous faire?
Penscz-y bien.
J'attends, pour me déterminer.

MONIME

Non,
Seigneur, vainement vous croyez m'étonner.

Je vous connais : je sais tout ce que je m'apprête,

Et je vois quels malheurs j'assemble sur ma tête.

Mais le dessein est pris : rien ne peut m'ébranler.

Jugez-en, puisqu'ainsi je vous ose parler,

Et m'emporte au delà de cette modestie

Dont jusqu'à ce moment je n'étais point sortie.

Vous vous êtes servi de ma funeste main

Pour mettre à votre fils un poignard dans le sein.

De ses feux innocents j'ai trahi le mystère;

Et, quand il n'en perdrait que l'amour de son père,
Il en mourra,
Seigneur.
Ma foi ni mon amour

Ne seront point le prix d'un si cruel détour.

Après cela, jugez.
Perdez une rebelle;
Armez-vous du pouvoir qu'on vous donna sur elle :
J'attendrai mon arrêt; vous pouvez commander.
Tout ce qu'en vous quittant j'ose vous demander,
Croyez (à la vertu je dois cette justice)
Que je vous trahis seule, et n'ai point de compUce;
Et que d'un plein succès vos voux seraient suivis
Si j'en croyais,
Seigneur, les voux de votre fils.


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(1639 - 1699)
 
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