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Jean Moréas

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Jean Moréas «Un Manifeste littéraire» Le Figaro littéraire (18 septembre 1886)


Poésie / Poémes d'Jean Moréas





Le Manifeste du «Symbolisme», paru dans Le Figaro du 18 septembre 1886, continue et amplifie une première prise de position de Jean Moréas dans Le xixe siècle du 11 août 1885 : Moréas y répondait aux critiques de Paul Bourde qui venait d'attaquer (dans Le Temps du 6 août 1885) le groupe des poètes «décadents». «Le Romantisme épuisé a donné cette dernière petite fleur, écrivait Paul Bourde, une fleur de fin de saison, maladive et bizarre. C'est sûrement une décadence, mais seulement celle d'une école qui meurt. » Moréas, personnellement mis en cause, répondait en revendiquant le terme de «symbolistes» préféré à celui de «décadents». L'année suivante, il dessine, en termes il est vrai encore assez vagues, les grandes lignes du programme de l'École symboliste.





Comme tous les arts, la littérature évolue : évolution cyclique avec des retours strictement déterminés et qui se compliquent des diverses modifications apportées par la marche du temps et les bouleversements des milieux. Il serait superflu de faire observer que chaque nouvelle phase évolutive de l'art correspond exactement à la décrépitude sénile, à l'inéluctable fin de l'école immédiatement antérieure. Deux exemples suffiront : Ronsard triomphe de l'impuissance des derniers imitateurs de Marot, le romantisme éploie ses oriflammes sur les décombres classiques mal gardés par Casimir Delavigne et Etienne de Jouy. C'est que toute manifestation d'art arrive fatalement à s'appauvrir, à s'épuiser; alors, de copie en copie, d'imitation en imitation, ce qui fut plein de sève et de fraîcheur se dessèche et se recroqueville ; ce qui fut le neuf et le spontané devient le poncif et le lieu commun.

Ainsi le romantisme, après avoir sonné tous les tumultueux tocsins de la révolte, après avoir eu ses jours de gloire et de bataille, perdit de sa force et de sa grâce, abdiqua ses audaces héroïques, se fit rangé, sceptique et plein de bon sens ; dans l'honorable et mesquine tentative des Parnassiens, il espéra de fallacieux renouveaux, puis finalement, tel un monarque tombé en enfance, il s'est laissé déposer par le naturalisme auquel on ne peut accorder sérieusement qu'une valeur de protestation, légitime mais mal avisée, contre les fadeurs de quelques romanciers alors à la mode.



Une nouvelle manifestation d'art était donc attendue, nécessaire, inévitable. Cette manifestation, couvée depuis lontemps, vient d'éclore. Et toutes les anodines facéties des joyeux de la presse, toutes les inquiétudes des critiques graves, toute la mauvaise humeur du public surpris dans ses nonchalances moutonnières ne font qu'affirmer chaque jour davantage la vitalité de l'évolution actuelle dans les lettres françaises, cette évolution que des juges pressés notèrent, par une inexplicable antinomie, de décadence. Remarquez pourtant que les littératures décadentes se révèlent essentiellement coriaces, filandreuses, timorées et serviles : toutes les tragédies de Voltaire, par exemple, sont marquées de ces tavelures de décadence. Et que peut-on reprocher, que reproche-t-on à la nouvelle école? L'abus de la pompe, l'étrangeté de la métaphore, un vocabulaire neuf où les harmonies se combinent avec les couleurs et les lignes : caractéristiques de toute renaissance.

Nous avonc déjà proposé la dénomination de «SYMBOLISME » comme le seule capable de désigner raisonnablement la tendance actuelle de l'esprit créateur en art. Cette dénomination peut être maintenue.



Il a été dit au commencement de cet article que les évolutions d'art offrent un caractère cyclique extrêment compliqué de divergences ; ainsi, pour suivre l'exacte filiation de la nouvelle école, il faudrait remonter jusqu'à certains poèmes d'Alfred de Vigny, jusques à Shakespeare, jusques aux mystiques, plus loin encore. Ces questions demanderaient un volume de commentaires; disons donc que Charles Baudelaire doit être considéré comme le véritable précurseur du mouvement actuel ; M. Stéphane Mallarmé le lotit du sens du mystère et de l'ineffable ; M. Paul Verlaine brisa en son honneur les cruelles entraves du vers que les doigts prestigieux de M. Théodore de Banville avaient assoupli auparavant. Cependant le Suprême Enchantement n'est pas encore consommé : un labeur opiniâtre et jaloux sollicite les nouveaux venus.

Ennemis de l'enseignement, la déclamation, la fausse sensibilité, la description objective, la poésie symbolique cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible qui, néanmoins, ne serait pas son but à elle-même, mais qui, tout en servant à exprimer l'Idée, demeurerait sujette. L'Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l'art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu'à la concentration de l'Idée en soi. Ainsi, dans cet art, les tableaux de la nature, les actions des humains, tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes ; ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec des Idées primordiales.

L'accusation d'obscurité lancée contre une telle esthétique par des lecteurs à bâtons rompus n'a rien qui puisse surprendre. Mais qu'y faire? Les Pythiques de Pindare, VHamlet de Shakespeare, la Vita Nuova de Dante, le Second Faust de Goethe, la Tentation de Saint-Antoine de Flaubert ne furent-ils pas aussi taxés d'ambiguïté?

Pour la traduction exacte de sa synthèse, il faut au Symbolisme un style archétype et complexe : d'impollués vocables, la période qui s'arc-boute alternant avec la période aux défaillances ondulées, les pléonasmes significatifs, les mystérieuses ellipses, l'anacoluthe en suspens, tout trope hardi et multiforme ; enfin la bonne langue - instaurée et modernisée -, la bonne et luxuriante et fringante langue française d'avant les Vaugelas et les Boileau-Despréaux, la langue de François Rabelais et de Philippe de Commines, de Villon, de Rutebeuf et tant d'autres écrivains libres et dardant le terme du langage, tels des Toxotes de Thrace leurs flèches sinueuses.

Le RYTHME : l'ancienne métrique avivée ; un désordre savamment ordonné ; la rime illucescente et martelée comme un bouclier d'or et d'airain, auprès de la rime aux fluidités absconses; l'alexandrin à arrêts multiples et mobiles; l'emploi de certains nombres premiers - sept, neuf, onze, treize - résolus en les diverses combinaisons rythmiques dont ils sont les sommes.






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Jean Moréas
(1856 - 1910)
 
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