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Honorat de Bueil de Racan



ode bachique à monsieur me'nard1, président d'aurillac - Ode


Ode / Poémes d'Honorat de Bueil de Racan





Maintenant que du
Capricorne
Le temps mélancolique et morne
Tient au feu le monde assiégé,
Noyons notre ennui dans le verre,
Sans nous tourmenter de la guerre
Du tiers état et du clergé.



Je sais,
Ménard, que les merveilles
Qui naissent de tes longues veilles
Vivront autant que l'univers;
Mais que te sert-il que ta gloire
Se lise au temple de
Mémoire
Quand tu seras mangé des vers ?



Quitte cette inutile peine,
Buvons plutôt à longue haleine
De ce nectar délicieux,
Qui pour l'excellence précède
Celui même que
Ganymède"
Verse dans la coupe des dieux.

C'est lui qui fait que les années
Nous durent moins que des journées,



C'est lui qui nous fait rajeunir
Et qui bannit de nos pensées
Le regret des choses passées
Et la crainte de l'avenir.



Buvons,
Ménard, à pleine tasse,
L'âge insensiblement se passe
Et nous mène à nos derniers jours,
L'on a beau faire des prières,
Les ans non plus que les rivières
Jamais ne rebroussent leurs cours.



Le printemps vêtu de verdure
Chassera bientôt la froidure;
La mer a son flux et reflux;
Mais depuis que notre jeunesse
Quitte la place à la vieillesse,
Le temps ne la ramène plus.



Les lois de la mort sont fatales
Aussi bien aux maisons royales
Qu'aux taudis couverts de roseaux,
Tous nos jours sont sujets aux
Parques,
Ceux des bergers et des monarques

Sont coupés des mêmes ciseaux.



Leurs rigueurs, par qui tout s'efface,

Ravissent en si peu d'espace

Ce qu'on a de mieux établi,

Et bientôt nous mèneront boire

Au-delà de la rive noire

Dans les eaux du fleuve d'oubli.



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Honorat de Bueil de Racan
(1589 - 1670)
 
  Honorat de Bueil de Racan - Portrait  
 
Portrait de Honorat de Bueil de Racan
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