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LES DEUX MAITRES


Poésie / Poémes d'Guy de Maupassant





Evadé de l'étouffoir d'Yvetot, Guy respire, au lycée de Rouen, un air de tolérance et de liberté. Ses notes sont bonnes. Loin de contrarier sa vocation, ses professeurs l'encouragent à composer des vers. Un de ses poèmes, Le Dieu Créateur, est reproduit sur le cahier d'honneur :



Dieu, cet être inconnu, dont nul n'a vu la face,

Roi qui commande aux rois et règne dans l'espace...



Un autre de ses poèmes est jugé digne d'être récité par l'auteur à l'occasion de la Saint-Charlemagne. Ses camarades l'admirent et cherchent à l'imiter. Mais c'est une plus haute approbation qu'il convoite. Laure lui a choisi comme « correspondant » à Rouen un de ses amis de jeunesse, le poète et dramaturge Louis Bouilhet. Conservateur de la Bibliothèque municipale, Louis Bouilhet est, à quarante-six ans, un lourd monsieur ventripotent, barbu, aux moustaches tombantes et au regard voilé par les gros verres d'un pince-nez. Célibataire farouche, amateur de farces épicées, détracteur du bourgeois, il a pour son art une passion maniaque. En recevant chez lui son jeune admirateur, il commence par lui dire que « cent vers, peut-être moins, suffisent à la réputation d'un artiste, s'ils sont irréprochables ». Et il passe au crible la production de Guy, qu'il estime molle et conventionnelle. Avec douceur, avec patience, il lui donne des conseils de prosodie et corrige même, de sa plume, les expressions maladroites. Eperdu de reconnaissance, Guy passe auprès de lui tous ses jours de congé. Un jeudi, il rencontre là, dans un nuage de fumée, un autre gros monsieur, lui aussi moustachu, avec un front dégarni, des cheveux dans la nuque et l'oil globuleux sous une paupière lasse. C'est Gustave Flaubert, l'auteur archicé-lèbre de Madame Bovary et de Salammbô. Il a fait partie autrefois du petit groupe d'amis qui entourait Laure. Le voici tout ému de se trouver devant le fils de sa compagne de jeux et de constater que le garçon a du goût pour la littérature. Mais il est tard, il doit rentrer chez lui, à Croisset, par le coche d'eau. Tous trois sortent de la maison pour se rendre sur le quai. Chemin faisant, ils s'attardent au milieu de la foire Saint-Romain, et soudain, devant Guy éberlué, les deux vieux compères, saisis d'une franche gaieté, improvisent une farce en dialecte normand, Bouilhet jouant le rôle du mari qui échangerait des commentaires d'une stupidité hilarante avec son épouse, Flaubert1. Ce numéro de clowns persuade Guy que les plus grands génies ont besoin parfois d'une pinte de bon sang pour se détendre les nerfs. Peut-être même la rigolade en société est-elle le signe d'un talent exceptionnel qui s'épanouit ensuite dans la solitude. Grossier dans la vie courante et raffiné devant la page blanche, cette définition de l'artiste convient à merveille au joyeux luron d'Etretat.





Avant de s'embarquer sur le coche d'eau, Flaubert invite Guy à lui faire visite dans son refuge de Croisset, non loin de Rouen, au bord de la Seine. Quelques jours plus tard, Guy et Louis Bouilhet se rendent chez le maître. Il les reçoit dans son antre bardé de livres, encombré de paperasses, envahi de fumée, avec un bouddha doré qui trône dans un coin. Par les fenêtres, on aperçoit le fleuve, sur lequel se croisent des péniches, des cargos, des chalutiers poussifs. De temps à autre, un remorqueur lance son appel sinistre. Ce va-et-vient portuaire contraste avec la paix du cabinet de travail. Devant l'écrivain fameux, à la taille de géant et au faciès de Viking, Guy hésite à tirer de sa poche les derniers poèmes qu'il a composés. Enfin il se décide. Flaubert lit, hoche la tête et déclare : « Je ne sais si vous aurez du talent. Ce que vous m'avez apporté prouve une certaine intelligence, mais n'oubliez point ceci, jeune homme, que le talent, suivant le mot de Buffon, n'est qu'une longue patience. Travaillez. » Et il s'offre à recevoir régulièrement son jeune confrère pour veiller sur ses essais poétiques. Guy remercie avec effusion et multiplie ses visites à Croisset, si bien que Flaubert le traite bientôt, en riant, de « disciple ».

D'un dimanche à l'autre, l'enseignement du maître se précise. « Si on a une originalité, dit-il à Guy, il faut avant tout la dégager ; si on n'en a pas, il faut en acquérir une... Il s'agit de regarder tout ce qu'on veut exprimer assez longtemps et avec assez d'attention pour en découvrir un aspect qui n'ait été vu et dit par personne. La moindre chose contient un peu d'inconnu. Trouvons-le. Pour décrire un feu qui flambe et un arbre dans une plaine, demeurons en face de ce feu et de cet arbre jusqu'à ce qu'ils ne ressemblent plus, pour nous, à aucun autre arbre et à aucun autre feu. C'est de cette façon qu'on devient original. »



Une autre fois, comme s'il craignait de n'être pas compris par cet adolescent qui s'obstine dans le lyrisme, alors que l'art est d'abord affaire d'observation, de lucidité et de labeur, il exprime sa conception avec plus de netteté encore : « Quand vous passez devant un épicier assis sur sa porte, devant un concierge qui fume sa pipe, devant une station de fiacres, montrez-moi cet épicier et ce concierge, leur pose, toute leur apparence physique contenant aussi, indiquée par l'adresse de l'image, toute leur nature morale, de façon que je ne les confonde avec aucun autre épicier ou avec aucun autre concierge et faites-moi voir, par un seul mot, en quoi un cheval de fiacre ne ressemble pas aux cinquante autres qui le suivent ou le précèdent1. »

En parlant ainsi, Flaubert oublie un peu qu'il s'adresse non à un romancier, mais à un rimeur impénitent. Au vrai, il doute que l'avenir du jeune Maupassant soit du côté de la poésie. Que le gamin fasse des vers pour délier son style, fort bien, mais, s'il a du talent, il doit aboutir à la prose. « Il secouait Maupassant comme Napoléon remuait les grenadiers à qui il voulait du bien, dira Laure. Il se fâchait lorsque deux phrases se suivant avaient le même dessin et le même rythme. Pas une bagatelle n'échappait à sa critique méticuleuse. »



Autre conseiller littéraire, Bouilhet est moins sévère dans ses recommandations. Il serait plutôt partisan de pousser Guy à développer ses dons poétiques. « Si Bouilhet eût vécu, il eût fait de Guy un poète, affirmera Laure en parlant des débuts de son fils. C'est Flaubert qui a fait de lui un romancier. » Entre ces deux mentors moustachus et bienveillants, dont l'un, avec ses modestes recueils de vers, est le symbole de la poésie et l'autre, avec ses romans gigantesques, le symbole de la prose, Guy se demande quelle voie le mènera le plus vite à la célébrité. Mais aussi bien Flaubert que Bouilhet lui prêchent la patience. Pour eux, un écrivain de qualité ne doit pas vivre de sa plume. L'ouvre n'a de valeur que si elle est longuement mûrie, loin de tous, en secret. Peu importe qu'elle soit ou non publiée du moment qu'elle existe. Guy écoute cette paire de vieux amis qui parlent en tirant sur leurs pipes et se sent très différent d'eux, tout en les admirant. Guidé par leurs commentaires, il se lance dans la lecture des grands auteurs du siècle : Hugo, Sainte-Beuve, Balzac... A la narration torrentueuse de ce dernier, il préfère la sobriété du Mérimée de Colomba ou l'escrime erotique des Liaisons dangereuses. En tout cas, il ne voit plus de salut pour lui que dans l'écriture et rêve d'être épaulé, au long de sa carrière, par les deux parrains qui veillent déjà sur ses premiers essais.

Or, voici qu'au début de juillet 1869 la santé de Louis Bouilhet donne des inquiétudes à son entourage. On parle d'albuminurie. Le 18 du même mois, le poète meurt subitement. Guy est frappé de douleur et de révolte. Une des deux béquilles sur lesquelles il s'appuyait pour marcher vers la gloire vient de lui être brutalement retirée. Il ne lui reste que Flaubert, lequel est, lui-même, accablé. Ils assistent ensemble à l'enterrement, parmi une foule indifférente, et Guy observe avec haine tous ces inconnus, tous ces bourgeois qui, à la sortie du cercueil, porté par quatre croque-morts, piétinent le jardin du défunt, « écrasant les plates-bandes, broyant les oillets et les roses ».

Pour comble de malchance, il ne peut même pas se consacrer à son deuil. Dans moins d'une semaine, le baccalauréat. Il relit précipitamment ses livres de classe et prend la diligence pour Caen où doivent se dérouler les épreuves. C'est encore tout engourdi de chagrin qu'il affronte les examinateurs. Enfin, le 27 juillet 1869, il peut s'enorgueillir d'être reçu bachelier es lettres. Cette alternance d'abattement et d'allégresse lui tourne la tête. Il fête l'événement dans un bordel.

Que faire maintenant ? Après consultation de sa mère et de Flaubert, il opte pour une carrière juridique. Au mois d'octobre, il s'inscrit à la faculté de droit de Paris, en première année, et s'installe dans une petite chambre, au numéro 2 de la rue Moncey. Son père habite le même immeuble. Ainsi, pense Laure, qui a conservé des relations correctes avec son mari, leur fils ne sera pas tout à fait abandonné dans la grande ville. Mais Gustave de Maupassant est un être si léger, si inconsistant que Guy n'est nullement tenté de chercher auprès de lui une aide tutélaire. Il se sent même, en quelque sorte, moralement responsable de celui qui est censé le surveiller. Il le considère comme un mineur et le réprimande à l'occasion. Désormais, c'est lui, et non Gustave de Maupassant, qui est le chef de famille.



A Paris, les cours de la faculté l'intéressent moins que le bouillonnement de la vie politique. On dirait que la France a la lièvre. Le régime impérial doit faire face à une opposition républicaine de plus en plus virulente. Guy s'amuse à lire les pamphlets dans la presse. En apprenant que le prince Pierre Bonaparte a abattu d'un coup de revolver le journaliste Victor Noir, il approuve Rochefort qui écrit dans La Marseillaise : « J'ai eu la faiblesse de croire qu'un Bonaparte pouvait être autre chose qu'un assassin. » Le 12 janvier 1870, jour des funérailles de Victor Noir, une foule indignée se réunit sur les Champs-Elysées. Va-t-elle marcher sur les Tuileries? Non, elle se disperse. En pleine aberration, la Haute Cour acquitte Pierre Bonaparte et met Rochefort en prison pour six mois. Malgré un calme apparent, c'est dans une atmosphère tendue que le gouvernement prépare, pour le dimanche 8 mai 1870, le plébiscite qui doit approuver les dernières réformes de l'empire libéral. Le résultat est étrange. Si la province se déclare massivement satisfaite de la politique de Napoléon III, Paris boude son souverain. En tout, sept millions trois cent cinquante mille oui et un million cinq cent mille non. C'est trop de mécontents pour la tranquillité d'un pays théoriquement soumis à l'autocratie. Ne s'achemine-t-on pas vers une révolution ? Guy le redoute parce qu'il déteste les mouvements populaires. Autant il aime les petites gens pris individuellement, autant il les craint quand ils agissent en masse. Cependant, bientôt les soucis de la politique intérieure s'effacent devant un danger plus grave. Cènes, le roi de Prusse, Guillaume Ier, qui avait émis la prétention de placer un prince allemand, son cousin, sur le trône d'Espagne, a retiré au dernier moment cette candidature. Mais les ministres de Napoléon III, excités par l'impératrice Eugénie, exigent à présent des garanties pour l'avenir. Guillaume Ier, qui est aux eaux, à Ems, juge cette demande inutile et en informe Bismarck, à Berlin. Or, celui-ci veut la guerre à tout prix, car il se sait militairement supérieur à la France. Aussi s'empresse-t-il de transformer la réponse modérée de son souverain en un refus injurieux. A peine connue, la nouvelle enflamme l'opinion publique. Le 14 juillet 1870, une foule innombrable défile à Paris, sur les boulevards, en hurlant : « A Berlin ! » On chante La Marseillaise et on injurie Thiers qui, à la tête de l'opposition, voudrait encore sauver la paix. Le ministre de la Guerre, le maréchal Lebouf, affirme que l'armée est fin prête : « Il ne manque pas un bouton de guêtre ! » Et, le 16 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. Guy est étourdi par le choc. Il comprend, dans un éclair, que les projets de tout un chacun sont à la merci d'événements extérieurs dont il n'est pas maître. Lui qui, dans son ingénuité, se croyait le centre du monde se découvre soudain aussi léger, aussi insignifiant qu'un fétu de paille dans la tempête. La bêtise de ses contemporains l'écrase. A cette époque, le recrutement se fait, dans l'armée, par tirage au sort. Sans attendre d'être convoqué pour cette formalité, Guy s'engage comme volontaire. Etudiant et poète hier, le voici soldat aujourd'hui. Il a tout juste vingt ans.



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Guy de Maupassant
(1850 - 1893)
 
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