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Guillaume Apollinaire



La maison des morts - Poéme


Poéme / Poémes d'Guillaume Apollinaire





S'étendant sur les côtés du cimetière

La maison des morts l'encadrait comme un cloître

A l'intérieur de ses vitrines

Pareilles à celles des boutiques de modes

Au lieu de sourire debout

Les mannequins grimaçaient pour l'éternité



Arrivé à
Munich depuis quinze ou vingt jours

J'étais entré pour la première fois et par hasard

Dans ce cimetière presque désert

Et je claquais des dents

Devant toute cette bourgeoisie

Exposée et vêtue le mieux possible

En attendant la sépulture



Soudain

Rapide comme ma mémoire

Les yeux se rallumèrent

De cellule vitrée en cellule vitrée

Le ciel se peupla d'une apocalypse

Vivace



Et la terre plate à l'infini

Comme avant
Galilée

Se couvrit de mille mythologies immobiles

Un ange en diamant brisa toutes les vitrines

Et les morts m'accostèrent

Avec des mines de l'autre monde



Mais leur visage et leurs attitudes
Devinrent bientôt moins funèbres
Le ciel et la terre perdirent
Leur aspect fantasmagorique



Les morts se réjouissaient

De voir leurs corps trépassés entre eux et la lumière

Ils riaient de leur ombre et l'observaient

Comme si véritablement

C'eût été leur vie passée

Alors je les dénombrai

Ils étaient quarante-neuf hommes

Femmes et enfants

Qui embellissaient à vue d'oil

Et me regardaient maintenant

Avec tant de cordialité

Tant de tendresse même

Que les prenant en amitié

Tout à coup

Je les invitai à une promenade

Loin des arcades de leur maison



Et tous bras dessus bras dessous
Fredonnant des airs militaires
Oui tous vos péchés sont absous
Nous quittâmes le cimetière



Nous traversâmes la ville

Et rencontrions souvent

Des parents des amis qui se joignaient

A la petite troupe des morts récents

Tous étaient si gais

Si charmants si bien portants

Que bien malin qui aurait pu

Distinguer les morts des vivants



Puis dans la campagne

On s'éparpilla

Deux chevau-légers nous joignirent

On leur fit fête

Ils coupèrent du bois de viorne

Et de sureau

Dont ils firent des sifflets

Qu'ils distribuèrent aux enfants



Plus tard dans un bal champêtre
Les couples mains sur les épaules
Dansèrent au son aigre des cithares

Ils n'avaient pas oublié la danse

Ces morts et ces mortes

On buvait aussi

Et de temps à autre une cloche



Annonçait qu'un nouveau tonneau

Allait être mis en perce

Une morte assise sur un banc
Près d'un buisson d'épine-vinette
Laissait un étudiant



Agenouillé à ses pieds
Lui parler de fiançailles

Je vous attendrai

Dix ans vingt ans s'il le faut

Votre volonté sera la mienne

Je vous attendrai
Toute votre vie
Répondait la morte

Des enfants

De ce monde ou bien de l'autre

Chantaient de ces rondes

Aux paroles absurdes et lyriques

Qui sans doute sont les restes

Des plus anciens monuments poétiques

De l'humanité

L'étudiant passa une bague

A l'annulaire de la jeune morte

Voici le gage de mon amour



De nos fiançailles

Ni le temps ni l'absence

Ne nous feront oublier nos promesses

Et un jour nous aurons une belle noce

Des touffes de myrte

A nos vêtements et dans vos cheveux

Un beau sermon à l'église

De longs discours après le banquet

Et de la musique

De la musique



Nos enfants

Dit la fiancée

Seront plus beaux plus beaux encore

Hélas! la bague était brisée

Que s'ils étaient d'argent ou d'or

D'émeraude ou de diamant

Seront plus clairs plus clairs encore

Que les astres du firmament

Que la lumière de l'aurore

Que vos regards mon fiancé

Auront meilleure odeur encore

Hélas! la bague était brisée

Que le lilas qui vient d'éclore

Que le thym la rose ou qu'un brin

De lavande ou de romarin



Les musiciens s'en étant allés
Nous continuâmes la promenade

Au bord d'un lac

On s'amusa à faire des ricochets

Avec des cailloux plats

Sur l'eau qui dansait à peine

Des barques étaient amarrées

Dans un havre

On les détacha

Après que toute la troupe se fut embarquée

Et quelques morts ramaient

Avec autant de vigueur que les vivants



A l'avant du bateau que je gouvernais

Un mort parlait avec une jeune femme

Vêtue d'une robe jaune

D'un corsage noir

Avec des rubans bleus et d'un ch.apeau gris

Orné d'une seule petite plume défrisée



Je vous aime

Disait-il

Comme le pigeon aime la colombe

Comme l'insecte nocturne

Aime la lumière



Trop tard

Répondait la vivante

Repoussez repoussez cet amour défendu

Je suis mariée

Voyez l'anneau qui brille

Mes mains tremblent

Je pleure et je voudrais mourir

Les barques étaient arrivées

A un endroit où les chevau-légers

Savaient qu'un écho répondait de la rive

On ne se lassait point de l'interroger

Il y eut des questions si extravagantes

Et des réponses tellement pleines d'à-propos

Que c'était à mourir de rire

Et le mort disait à la vivante

Nous serions si heureux ensemble
Sur nous l'eau se refermera



Mais vous pleurez et vos mains tremblent
Aucun de nous ne reviendra

On reprit terre et ce fut le retour

Les amoureux s'entr'aimaient

Et par couples aux belles bouches

Marchaient à distances inégales

Les morts avaient choisi les vivantes

Et les vivants

Des mortes

Un genévrier parfois

Faisait l'effet d'un fantôme



Les enfants déchiraient l'air

En soufflant les joues creuses

Dans leurs sifflets de viorne

Ou de sureau

Tandis que les militaires

Chantaient des tyroliennes

En se répondant comme on le fait



Dans la montagne

Dans la ville

Notre troupe diminua peu à peu

On se disait

Au revoir

A demain

A bientôt

Beaucoup entraient dans les brasseries

Quelques-uns nous quittèrent

Devant une boucherie canine

Pour y acheter leur repas du soir



Bientôt je restai seul avec ces morts

Qui s'en allaient tout droit

Au cimetière



Sous les
Arcades

Je les reconnus

Couchés

Immobiles

Et bien vêtus

Attendant la sépulture derrière les vitrines

Ils ne se doutaient pas

De ce qui s'était passé

Mais les vivants en gardaient le souvenir

C'était un bonheur inespéré

Et si certain

Qu'ils ne craignaient point de le perdre

Ils vivaient si noblement

Que ceux qui la veille encore

Les regardaient comme leurs égaux

Ou même quelque chose de moins

Admiraient maintenant

Leur puissance leur richesse et leur génie

Car y a-t-il rien qui vous élève

Comme d'avoir aimé un mort ou une morte

On devient si pur qu'on en arrive

Dans les glaciers de la mémoire

A se confondre avec le souvenir

On est fortifié pour la vie

Et l'on n'a plus besoin de personne



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Guillaume Apollinaire
(1880 - 1918)
 
  Guillaume Apollinaire - Portrait  
 
Portrait de Guillaume Apollinaire

Chronologie

25 août 1880
Naissance à Rome de Guglielmo Alberto Wladimiro Alessandro Apollinare de Kostrowitzky, fils d'Angelica de Kostrowitzky et de père inconnu. La paternité traditionnellement attribuée à Francesco d'Aspermont ne repose sur aucune certitude.

Biographie


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Poésie

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