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Germaine de Staël



épÎtre au malheur - Poéme


Poéme / Poémes d'Germaine de Staël









Un jeune homme innocent, même des nouveaux crimes

Qu'une loi tyrannique exprime vaguement.

Pour sauver l'assassin, et non pas les victimes,

Près d'Adèle,
Edouard vivait obscurément.

Tant qu'il fut une
France, il l'avait bien servie ;

Mais quand sous les tyrans on la vit s'avilir,

Respectant même encor l'ombre de sa patrie.

Aux drapeaux étrangers il n'alla point s'unir.

Son épouse sensible, et que la crainte glace,

Eût voulu l'entraîner loin du pouvoir sanglant

Qui, semblable à la mort, à toute heure menace

La faiblesse et la force, et le père et l'enfant :

Mais il chérit les lieux témoins de sa constance,

Où l'hymen a remis son
Adèle en ses bras ;

Il ne peut s'éloigner de cette triste
France,

espère un héros dont il suivra les pas.

Souvent il répétait à la beauté qu'il aime :

«
Que ce ciel et ma voix rassurent ta frayeur;

Regarde la nature, elle reste la même,

Et l'amour est encor plus constant dans mon cour.



-
Ah ! dit-elle, en pleurant, sous ce joug détestable
Qui te préservera du sort d'un criminel ?
L'air que nous respirons peut te rendre coupable ;
Vivre, penser, aimer, expose au fer mortel. »

Cependant, par degrés, le courage d'Adèle

Renaît, en écoutant l'objet de ses amours.

Tout à coup elle apprend qu'une atteinte cruelle

A menacé son père au déclin de ses jours ;

Elle part, son époux se condamne à l'absence ;

Par des soins importants ses jours étaient remplis.

Mais le père d'Adèle échappe à la souffrance.

Elle peut revenir : en traversant
Paris,

Seule, elle se livrait à la douce pensée

De retrouver bientôt son époux, son ami.

Près d'un palais de sang, une foule empressée

Attire ses regards ; son cour est attendri :

«
Sans doute, disait-elle, en ce moment horrible,

D'un mortel innocent on prononce la mort;

Peut-être il est aimé, peut-être il est sensible ;

Plus je me trouve heureuse, et plus je plains son sort. »

À travers ce tumulte un nom se fait entendre ;

Il vient frapper ses sens, avant d'atteindre au cour;

Elle écoute longtemps sans pouvoir le comprendre ;

L'instinct, pour un moment, repousse la douleur.

Mais de la vérité la lumière effroyable

Perce jusqu'à son âme; elle s'avance enfin.

Des acclamations la voix impitoyable,

À grands cris, d'Edouard annonçait le destin :

Saisi, jugé, proscrit, et conduit au supplice.

Un instant menaçait et condamne ses jours.

Quand le temps nous prépare au plus grand sacrifice.

Le désespoir lui-même est calme en ses discours ;

Mais d'un coup imprévu la raison égarée.

Croit trouver des secours dans sa propre fureur.

Adèle est loin des pleurs ; à sa rage livrée,

Elle appelle, elle attend, elle veut un vengeur.

Sa voix n'a réveillé que l'espoir de la haine,



Et ses cris n'ont atteint que l'âme du méchant :

Devant le tribunal on la cite, on la mène,

Par un autre chemin son époux en descend.

Adèle avec transport suit la main qui l'entraîne.

Elle arrive ; on la place à ce fauteuil fatal

Que venait de quitter cet époux qu'elle adore ;

Elle voit ses bourreaux rangés en tribunal,

Leur prodigue l'insulte, et la recherche encore ;

Le geste et le regard, la parole et l'accent,

Rien ne peut satisfaire à son âme irritée;

Sa faiblesse est alors son plus affreux tourment.

À ces grands mouvements dont elle est agitée.

Le calme qui succède étonne tous les yeux'.

Les juges, sur sa plainte, à mort l'ont condamnée ;

Ils sont moins criminels, ils ont rempli ses voux :

«Ah ! dit-elle, hâtez-vous ; dans notre destinée

Un instant est beaucoup, je pourrai le revoir;

Il saura que la mort aussi nous est commune. »

Les juges, sans délai, satisfont son espoir;

Ils pensaient d'Edouard accroître l'infortune.

Elle court, elle atteint le cortège fatal ;

Jamais char de triomphe, en un jour de victoire.

Ne fut tant désiré par un guerrier rival.

Edouard, jusqu'alors attentif à sa gloire,

Étonnait par son calme un peuple curieux.

Insensible au malheur comme aux traits du courage ;

Sur ce qui l'environne il promène ses yeux,

D'Adèle au même instant reconnaît le visage,

Et croit que la douleur l'entraîne dans ces lieux

Il veut la repousser ; la garde l'environne.

Il apprend tout enfin par ce spectacle affreux.

Sa raison à l'instant, sa force l'abandonne ;

Son teint prend la couleur de la mort qui l'attend.

Elle veut lui parler, il ne peut plus l'entendre :

«
O mon cher
Edouard, dit-elle en l'embrassant,

Écoute cette voix dont l'accent est si tendre !

Est-ce donc leur arrêt qui me donne la mort ?

Crois-moi, s'ils m'avaient pu condamner à la vie,



C'est alors qu'il fallait t'effrayer de mon sort.
Cette chaîne sanglante à mon époux me lie :
C'est encor de l'hymen, c'est encor de l'amour.
Vois ce ciel, dont le calme invite à l'espérance ;
En nous laissant tous deux périr au même jour,
Il va m'unir à toi pour prix de ma constance ;
Jusques à tes vertus ma mort peut m'élever. »
Edouard est glacé ; sa main est insensible :
Il commence des mots qu'il ne peut achever.
Adèle, c'en est fait ! de cet état horrible
La mort seule à présent peut sauver ton époux ;
Tu le retrouveras dans le séjour céleste.
Sa douleur, du trépas a devancé les coups.
Comment fixer, ô ciel ! cet instrument funeste
Où le fer contenu dans des ressorts nouveaux
Tombe sur la venu de tout le poids du crime,
Où l'art, obéissant au signal des bourreaux,
Par un bras invisible égorge les victimes?
D'Adèle et d'Edouard le sang pur a coulé ;
Il se rejoint encor dans ses flots qui bouillonnent.
De leur sort un moment le peuple était troublé ;
Bientôt des décemvirs les soldats l'environnent.
Leurs cris vont aux enfers, repoussés par le ciel.
Ainsi l'on vit périr une famille auguste ;
Ainsi tant d'innocents, aux pieds de l'Éternel,
Ont porté les douleurs et les plaintes du juste.
Le jour de la pitié descendra-t-il sur nous ?





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Germaine de Staël
(1766 - 1817)
 
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