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EMILE


Poésie / Poémes d'François Zola





Combien de petits garçons rêvent de pouvoir un jour égaler leur père! Pour Emile, à l'âge de cinq ans, la chose paraît impossible tant sont grands, à ses yeux, le talent, l'autorité, la générosité et la tendresse de l'ingénieur François Zola. Tout ce qu'il a appris sur lui par des bribes de conversation entre ses parents le renforce dans l'idée qu'il est le fils d'un surhomme. Et, au vrai, la vie de François Zola ressemble à un récit d'aventures écrit pour enfiévrer les jeunes imaginations. Que n'a-t-il connu comme métiers, comme péripéties et comme pays étranges avant de rencontrer la charmante Emilie Aubert qui allait devenir sa femme? Né le 7 août 1795 à Venise, il a commencé par être un lieutenant « docteur en mathématiques ». À vingt-cinq ans, il a quitté l'armée et l'Italie pour s'installer en Autriche où, nommé ingénieur en chef, il a participé à la construction de la première ligne de chemin de fer européenne, entre Linz et Budweis. Malgré ces brillants débuts, le krach en 1830 d'une banque à laquelle il s'était associé comme concessionnaire l'a incité à s'expatrier. Après avoir tenté sa chance en Hollande, puis en Angleterre, il s'est subitement engagé dans la Légion étrangère, en Algérie. Une affaire d'entôlage par amour dont il a été la naïve victime l'ayant contraint à démissionner pour sauver son honneur, il s'est embarqué en 1833 pour Marseille où il a ouvert aussitôt un bureau d'ingénieur civil, rue de l'Arbre. La tête bouillonnante d'idées, il a fait des expériences d'éclairage au gaz, s'est proposé pour creuser un nouveau port à Marseille, a rêvé d'une ceinture de fortifications autour de Paris, a imaginé un canal d'irrigation pour alimenter en eau la ville d'Aix qui n'était encore qu'une cité assoiffée et somnolente. Afin de réaliser ce dernier projet, le plus important de tous, il s'est rendu à Paris et a osé demander audience à M. Thiers, dont les attaches avec Aix lui étaient connues. Les pourparlers, les marchandages, les luttes d'influence ne l'ont pas découragé pendant son séjour parisien. D'autant qu'un dimanche matin, en sortant de la messe à l'église Saint-Eustache, il a été ébloui par une jeune fille belle, svelte et modeste.





Emilie Aubert était née à Dourdan le 6 février 1819. Fille d'un vitrier-peintre en bâtiments, elle n'avait que quelques pauvres valeurs mobilières comme dot, mais le fougueux Italien ne s'était pas laissé arrêter par ces contingences. Aussi résolu dans ses affaires sentimentales que dans ses entreprises de travaux publics, il n'avait fait ni une ni deux et l'avait épousée le 16 mars 1839. Elle avait vingt ans et lui bientôt quarante-quatre. Le temps d'un bref voyage de noces en Provence et, au retour du couple à Paris, Emilie était enceinte. Pendant qu'elle tricotait, apaisée et radieuse, la layette de l'enfant à naître, François Zola se dépensait comme un beau diable pour convaincre M. Thiers et trente-six autres notables d'appuyer son idée de canal aixois et sa nouvelle conception de la défense de Paris par des fortins avancés. À force d'intrigues, il avait été présenté au roi et au prince de Joinville. Mais, entretemps, ne recevant aucune commande, il s'était gravement endetté. Peu importe! Une première victoire lui était réservée. Elle n'était pas d'ordre professionnel mais familial. Au terme de sa grossesse, Emilie avait accouché d'un bébé vigoureux et braillard. Ivre d'orgueil, François Zola avait noté dans son agenda : « 2 avril 1840. À onze heures, est né le petit Emile-Edouard-Charles-Antoine, notre fils. » Le jeudi 30 avril, nouvelle indication dans le carnet : « A quatre heures, baptême d'Emile. » Enfin, le samedi 16 mai : « Fait vacciner notre enfant. » La naissance d'Emile s'était déroulée sans encombre dans un appartement modeste, loué douze cents francs par an, au numéro 10 bis de la rue Saint-Joseph. Cette belle revanche sur l'adversité ne pouvait, dans l'esprit du père, qu'annoncer d'autres réussites. Son optimisme ne parvenait pas à convaincre sa jeune femme. Elle était nerveuse, instable, découragée, la santé de son fils l'inquiétait. À deux ans, Emile était atteint d'une fièvre maligne. L'application de sangsues ne faisant pas baisser la température, le médecin n'osait se prononcer sur l'issue de la maladie. Mais l'enfant guérit de lui-même et retourna à ses jeux.



Il est malingre, pâlot, fluet : un pauvre petit citadin au front lourd. Ce qu'il lui faut, c'est le grand air, la campagne. Or, justement, le projet de canal est en train de prendre corps. La municipalité d'Aix est tellement intéressée que François Zola boucle ses valises et se rend sur les lieux, avec sa femme, son fils, son beau-père et sa belle-mère.

On s'installe d'abord sur le cours Sainte-Anne, puis bientôt dans une maison appartenant à M. Thiers, 6, impasse Sylvacanne1. La bâtisse à un étage, avec son toit en tuiles roses, ses murs ensoleillés et son jardin débordant de fleurs, est pour Emile un havre de joie familiale. À quatre ans, son univers est dominé par la silhouette massive de son père, toujours très sérieux et très occupé, et par le visage alarmé de sa mère, qui tremble dès que le gamin se met à courir dans l'allée ou essaie de grimper aux arbres. Elle a constamment l'impression qu'un malheur se prépare. Or, c'est un bonheur qui leur échoit à tous; le 11 mai 1844, Le Sémaphore de Marseille publie dans la rubrique réservée aux informations en provenance d'Aix : « Nous sommes heureux de pouvoir annoncer à nos concitoyens que, le 2 de ce mois, le Conseil d'Etat, sections réunies, a déclaré définitivement l'utilité publique du canal Zola et a adopté en son entier le traité du 19 avril 1843 consenti entre la ville et cet ingénieur. »

François Zola exulte. Après huit ans de démarches, il a gagné la partie. Désormais, l'avenir du petit clan est assuré. Dans la maison, du père à la mère en passant par les grands-parents, les figures rayonnent. Emile participe à cette allégresse dont il ne saisit pas très bien les motifs. Au milieu de l'euphorie générale, la surveillance, autour de lui, se relâche. Il se promène en ville, avec une domestique, et s'émerveille de la noble et sommeillante splendeur de son nouveau pays. D'instinct il aime les « cours » plantés de vieux platanes, les fontaines murmurantes, les façades austères aux lourdes portes sculptées défendant les ténébreux secrets des intérieurs provinciaux. Il a pour ami un petit serviteur algérien de douze ans, Mustapha. Quand ils sont en tête à tête, celui-ci le cajole et procède même à des attouchements qui troublent Emile jusqu'à la pâmoison. Un jour, les parents surprennent la complicité des deux enfants, et Mustapha est chassé de la maison. L'affaire est si importante que François Zola en avertit les autorités municipales. Un rapport de police, en date du 3 avril 1845, signale l'événement : « Arrondissement du Cours. M. Poletti, commissaire de police. Nous avons fait conduire au Palais de Justice le nommé Mustapha, âgé de douze ans, natif d'Alger, domestique au service de M. Zola, ingénieur civil, logé rue de l'Arbre, n° 4, prévenu d'attentat à la pudeur sur le jeune Emile Zola, âgé de cinq ans. »



Quelle est la réaction d'Emile devant cette sanction outrageante? Sans doute est-il stupéfait d'apprendre qu'il a fait le mal en s'abandonnant aux caresses de Mustapha. Peut-être regrette-t-il d'être brusquement privé des attentions de ce garçon expert en frôlements agréables. Mais il est si jeune que, très vite, le plaisir des francs jeux garçonniers efface, dans sa mémoire, la nostalgie des rapports coupables. D'ailleurs, il est de plus en plus rarement livré à lui-même. Son père le prend par la main quand il se rend en tournée d'inspection sur les lieux de ses futurs travaux. On attend toujours l'ordonnance royale qui permettra l'ouverture du chantier.



Les discussions avec les riverains s'éternisent. Sans se démonter, François Zola fonde la Société du canal Zola, au capital de six cent mille francs, dont il est le gérant. Puis, prudent, il fait prononcer par le tribunal de première instance de la Seine un jugement de séparation de biens entre époux, afin de protéger sa femme en cas d'échec.

Enfin, le 4 février 1847, tout semble réglé et c'est le premier coup de pioche. Emile est convié à voir, dès le matin, le grouillement des ouvriers dans les trous de terre. Son père est là, debout, le chapeau crânement repoussé sur la nuque, la canne à la main, tel un général commandant à ses troupes. Il clame des ordres que ses subalternes répercutent à la ronde. On fait sauter des roches à la dynamite. Des wagonnets courent sur des rails, dans tous les sens. Un nuage de poussière voile le soleil. Emile est pénétré d'admiration devant ce chef de famille exceptionnel qui est en train de changer la face du monde. Il lui semble que, si son père enjoignait la pluie de tomber, le ciel n'oserait pas lui désobéir. Ah ! s'il pouvait lui aussi, quand il serait grand, imprimer sa volonté dans la terre, dans la pierre, dans la foule ! Mais il est faible comme une fille et si paresseux qu'il rechigne à apprendre son alphabet. Son élocution est marquée d'un défaut qui afflige ses proches. Il remplace les « s » par des « t ». Dans sa bouche, « saucisson » devient « totitton ». On en plaisante en famille, mais sa mère est soucieuse. Et Emile voudrait tant qu'elle fût fière de lui ! Comme de son père qui déplace les montagnes. Un jour, ce père inégalable lui donne cent sous parce qu'il a réussi à prononcer correctement le mot « cochon ».



Emile ne sait s'il doit se réjouir ou se vexer de cette récompense inattendue.

Depuis le début des travaux du canal, François Zola est encore plus occupé que du temps où il traçait des plans et dressait des colonnes de chiffres. Du matin au soir, il est sur le chantier. Mais, quand il revient, en fin de journée, la face cuite par le soleil et le regard brillant, c'est un vainqueur qui s'assied à table pour dîner entre sa femme et son fils. Quelques semaines après les premières explosions de mines, il doit se rendre à Marseille pour régler un détail administratif. Ce voyage le contrarie un peu car il a pris froid sur le terrain, dans les gorges de la montagne où souffle un vent furieux. Recroquevillé dans la diligence qui l'emporte, il grelotte et claque des dents. Une fois arrivé à l'hôtel de la Méditerranée, rue de l'Arbre, il est secoué par un tel accès de fièvre que le propriétaire, affolé, appelle un médecin. Celui-ci diagnostique une pneumonie et conseille de prévenir immédiatement l'épouse du malade. Emilie part en hâte, avec le petit Emile. Ne connaissant pas Marseille, elle erre dans les rues, apeurée, se trompant d'adresse, demandant son chemin aux passants, avant de découvrir enfin la maison où son mari lutte contre la mort. Est-il possible que ce gisant aux yeux exorbités, à la poitrine déchirée de toux et de râles soit le superbe ingénieur italien du canal Zola ? Elle ne quitte plus son chevet, espérant une guérison de plus en plus problématique. Hélas! le 27 mars 1847, dans une chambre anonyme, entouré de la grande rumeur des rues, François Zola rend le dernier soupir.



Brisée par les sanglots et tenant par la main son fils âgé de sept ans, Emilie assiste aux obsèques solennelles que les Aixois réservent à leur infortuné concitoyen. Le corbillard traverse toute la cité. Les cordons du poêle sont tenus par le sous-préfet, le maire, l'ingénieur d'arrondissement et un avocat au Conseil du roi et à la Cour de cassation, Alexandre Labot, ami du défunt. Pressé contre sa mère, Emile songe qu'il ne peut y avoir pire injustice au monde que cette disparition d'un homme avant l'achèvement de l'ouvre pour laquelle il a vécu. Est-il possible que, dans les jours à venir, un autre monsieur vienne donner des ordres sur le chantier, à la place de papa ? Le journal La Provence ouvre, le 8 avril 1847, une souscription pour placer sur la tombe de François Zola « une pierre tumulaire... en attendant que la réalisation de son canal permette à la reconnaissance publique de lui élever un monument plus splendide ».



Les visites de condoléances se succèdent, les lettres affluent dans la maison de l'impasse Sylva-canne qui a perdu son âme. Emilie Zola a d'autant plus de mal à surmonter son chagrin que son mari, en mourant, l'a laissée dans une situation financière dramatique. La Société du canal, privée de son animateur, est sur le point d'être dissoute à la suite des manouvres du principal actionnaire, Jules Migeon, qui veut la racheter. De tous côtés, les appétits des créanciers se réveillent. Emilie est menacée de procès si elle ne règle pas certaines dettes dont, jusque-là, elle ignorait l'existence. À contrecour, elle donne à droite, à gauche des actions du canal en garantie de paiements ultérieurs. Dénuée de ressources, la famille quitte la maison de l'impasse Sylvacanne, au loyer trop élevé, pour un logement plus exigu et moins cher, hors de la ville, dans un quartier peuplé de maçons italiens et de gitans chapardeurs. Pour un enfant, fût-il orphelin, tout changement de vie est une aubaine. Emile accompagne sa mère chez les hommes de loi. Il l'entend discuter de traites, d'intérêts, de saisie mobilière et ce jargon juridique l'intrigue. Parfois, grand-mère Aubert, qui partage le deuil de sa fille, emporte un bibelot pour le vendre à un brocanteur. Peu à peu, l'appartement se dénude. Bientôt, il ne restera plus que les murs, les lits, les chaises, la table... Emile a conscience de la misère où se débat sa mère, que les voisins appellent Mme veuve Zola. Il la plaint de tout son cour et s'impatiente de ne pouvoir, dès à présent, remplacer son père pour bâtir une ouvre durable et subvenir aux besoins des siens. Quand il parle de son ambition à Emilie, elle sourit tristement et répond que, avant d'étonner le monde par des entreprises aussi vastes que celles de François Zola, il faut beaucoup étudier. Et, joignant la décision à la parole, elle l'inscrit comme élève à la pension Notre-Dame.



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