wikipoemes
paul-verlaine

Paul Verlaine

alain-bosquet

Alain Bosquet

jules-laforgue

Jules Laforgue

jacques-prevert

Jacques Prévert

pierre-reverdy

Pierre Reverdy

max-jacob

Max Jacob

clement-marot

Clément Marot

aime-cesaire

Aimé Césaire

henri-michaux

Henri Michaux

victor-hugo

Victor Hugo

robert-desnos

Robert Desnos

blaise-cendrars

Blaise Cendrars

rene-char

René Char

charles-baudelaire

Charles Baudelaire

georges-mogin

Georges Mogin

andree-chedid

Andrée Chedid

guillaume-apollinaire

Guillaume Apollinaire

Louis Aragon

arthur-rimbaud

Arthur Rimbaud

francis-jammes

Francis Jammes


Devenir membre
 
 
auteurs essais
 

Francis Ponge



Les écuries d'augias - Poéme


Poéme / Poémes d'Francis Ponge





L'ordre de choses honteux à Paris crève les yeux, défonce les oreilles.

Chaque nuit, sans doute, dans les quartiers sombres où la circulation cesse quelques heures, l'on peut l'oublier. Mais dès le petit jour il s'impose physiquement par une précipitation, un tumulte, un ton si excessif, qu'il ne peut demeurer aucun doute sur sa monstruosité.

Ces ruées de camions et d'autos, ces quartiers qui ne logent plus personne mais seulement des marchandises ou les dossiers des compagnies qui les transportent, ces rues où le miel de la production coule à flots, où il ne s'agit plus jamais d'autre chose, pour nos amis de lycée qui sautèrent à pieds joints de la philosophie et une fois pour toutes dans les huiles ou le camembert, cette autre sorte d'hommes qui ne sont connus que par leurs collections, ceux qui se tuent pour avoir été « ruinés », ces gouvernements d'affairistes et de marchands, passe encore, si l'on ne nous obligeait pas à y prendre part, si l'on ne nous y maintenait pas de force la tête, si tout cela ne parlait pas si fort, si cela n'était pas seul à parler. Hélas, pour comble d'horreur, à Vinlérieur de nous-mêmes, le même ordre sordide parle, parce que nous n'avons pas à notre disposition d'autres mots ni d'autres grands mots (ou phrases, c'est-à-dire d'autres idées) que ceux qu'un usage journalier dans ce monde grossier depuis l'éternité prostitue. Tout se passe pour nous comme pour des peintres qui n'auraient à leur disposition pour y tremper leurs pinceaux qu'un même immense pot où depuis la nuit des temps tous auraient eu à délayer leurs couleurs.

... Mais déjà d'en avoir pris conscience l'on est à peu près sauvé, et il ne reste plus qu'à se crever d'imitations, de fards, de rubriques, de procédés, à arranger des fautes selon les principes du mauvais goût, enfin à tenter de faire apparaître l'idée en filigrane par des ruses d'éclairage au milieu de ce jeu épuisant d'abus mutuels. Il ne s'agit pas de nettoyer les écuries d'Augias, mais de les peindre à fresque au moyen de leur propre purin : travail émouvant et qui demande un cour mieux accroché et plus de finesse et de persévérance qu'il n'en fut exigé d'Hercule pour son travail de simple et grossière moralité.






Contact - Membres - Conditions d'utilisation

© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.



Francis Ponge
(1899 - 1988)
 
  Francis Ponge - Portrait  
 
Portrait de Francis Ponge


mobile-img