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Virginia Woolf






Rappelons-nous la question que se posait inlassablement sur son propre compte la moins définissable, et néanmoins aussi la plus émouvante sans doute, de toutes les héroïnes présentées dans ses romans par Virginia Woolf. On trouve cette question formulée dans le volume intitulé Les Vagues : « Que suis-je, où suis-je ?» y répète sans cesse l'héroïne. Question éternellement insistante, reprise sans cesse en chour par d'autres personnages, mais qui ne semble jamais attendre de réponse définie. Question qui se trouve, parfois aussi, prolongée en passant de la forme interrogative à une forme proprement négative, comme dans la série d'exclamations que voici : « Je ne suis pas ici, je suis absente, je suis sans moi » ou bien : « Je ne possède rien, pas même mon visage. » Et enfin, plus négativement encore que tout le reste : « Je ne suis personne. »





Il y a donc, presque tout de suite, dès le début du roman, mais aussi reprise tout au long de celui-ci comme le grand leitmotiv du livre, la présentation d'une existence glissant d'elle-même, presque insensiblement, à la non-existence. La créature qui s'offre ici à notre pensée prend conscience de soi sous la frêle apparence d'un être en train lentement de disparaître; ou, plus grave encore, comme d'une entité déjà devenue presque entièrement insubstantielle. Elle est, et elle n'est déjà plus. Elle avoue son absence. Elle s'affirme, et en même temps elle se nie, ou plutôt ce qu'elle laisse tout juste encore entrevoir d'elle-même, c'est une inexistence issue d'une existence, une absence d'être empruntant graduellement la place d'une présence. En se montrant, elle s'efface. En ayant l'air de s'ouvrir à la vie, elle semble déjà en reconnaître à l'avance la réelle, la profonde inanité.



La pauvre petite Rhoda - tel est son nom dans le roman intitulé Les Vagues - n'est donc pas sans ressembler négativement à tous les personnages de Virginia Woolf. Elle est déjà ce que, potentiellement, se montrent presque tous les autres personnages de la romancière, c'est-à-dire des êtres sevrés de réalité ontologique. Spirituellement, plus encore que physiquement, la pauvre Rhoda apparaît comme déjà condamnée. Elle est en train de se dissoudre. Elle est si chétive, si frêle, si faiblement vivante qu'on ne saurait lui accorder aucune chance de survie. Ce n'est pas qu'elle nous soit présentée comme une poitrinaire de l'époque romantique. Elle ne se montre pas tragiquement, non plus, sur la pente déclinante, comme un personnage d'Henri Michaux par exemple. Elle ne fait pas montre d'une fragilité corporelle visible. Elle est tout simplement un être vivant soumis à un processus de Régression d'une lenteur infinie. Au lieu de s'orienter vers l'avant, vers le futur, vers l'affirmation de soi-même, Rhoda semble avoir choisi la direction inverse, la direction négative, celle qui engage celui ou celle qui la pratique, à graduellement renoncer à toute positivité. Sans embarras, modestement, en y mettant tout le temps nécessaire, elle choisit de se rapprocher peu à peu de la pure absence. Rien ne lui semble, sinon plus juste ou plus sage, au moins plus naturel que de consentir à une lente décroissance. La plupart des êtres trouvent appui et satisfaction dans le sentiment qu'ils progressent et justifient ce progrès par l'affirmation de leur propre existence. Rhoda, elle, se contente iïeffacer de plus en plus sa personne. Son évolution procède un peu comme celle de certains personnages farouches et pervers de J. K. Huysmans, d'un état positif à un état négatif. Mais cela se fait chez elle sans plainte, ni blasphème avec une infinie douceur, sous la simple forme de la renonciation. Renonciation à tout ce qu'on peut avoir encore de cher, de proche, de distinct, comme on se résigne à perdre en de certaines circonstances graves, mais parfois difficilement définissables, l'alliance qu'on avait nouée avec des êtres aimés ou avec de certaines habitudes chéries depuis toujours. De la sorte, quelque étendu ou précieux que pût avoir été jusqu'alors le territoire occupé dans l'esprit par ces liens affectifs, rien en fin de compte n'en subsiste plus, sinon, tout au fond de soi, quelques bribes, pareilles à ces objets familiaux que certains religieux parfois continuent à garder dans un coin de leur cellule monacale.

A ce point, presque plus rien du passé, sans doute, ne survit ou n'importe encore grandement. La pensée, comme dit Virginia Woolf, n'est plus qu'un médium à peine conscient à travers lequel passe le courant discontinu de la vie intérieure. Mais cette dernière trace doit finir elle-même par disparaître. L'uniformité se fait dans la pensée, avant de se retirer tout à fait dans son tréfonds. Rhoda tranche enfin un dernier lien conservé jusqu'alors avec un monde maintenant uniformisé dans la distance. Nous pourrions comparer cet état final, qui reste mystérieux, à la dilatation sans fin de l'esprit qu'un poète comme Lamartine, par exemple, espérait parfois trouver dans les espaces célestes. Mais ce serait la plus grave des erreurs. La vacuité finale de la pensée chez la poétesse anglaise ne s'accorderait pas du tout avec l'expansion inépuisable de la pensée dont croyait jouir Lamartine dans les espaces ouverts.



Elle ressemble plutôt, comme Virginia Woolf semble le ressentir elle-même, à une étendue où, selon son dire, « tout devient sombre, et où l'on s'enfonce dans une profondeur impénétrable ». Ainsi l'image de soi la plus émouvante laissée finalement par la grande romancière représente discrètement celle-ci par un simple retrait de soi qui la détache, la dissout, et la laisse s'effacer dans l'ombre. Très simplement, pour finir, elle consent à voir s'agrandir la distance qui la sépare non seulement de toute personne avec qui, jadis, elle se fût trouvée en relation, mais encore vis-à-vis de sa personne propre. Il y a là, si on osait faire ici un rapprochement qui peut paraître quelque peu étrange, une sorte de douce indifférence finale, comparable à celle marquée parfois par Paul Valéry dans les derniers temps de sa vie, à l'égard de tout ce qui pouvait demeurer d'exclusivement personnel dans celle-ci.



Mais par un certain côté, dans le renoncement à la personnalité, Virginia Woolf va peut-être plus loin encore. L'image d'elle-même que finalement elle nous laisse dans son suicide est comparable à une simple déposition de soi, accomplie sans plainte et sans bruit. La figure dernière présentée par la romancière est celle d'une ombre ou d'un vide, rendu plus impalpable encore par le renoncement total.



VIRGINIA WOOLF : TEXTES



« L'identité me faisait défaut... "Qui suis-je ?... Nous ne sommes rien", me disais-je. »



« Moi qui n'ai pas de visage... je volète sans attache, sans ancrage, n'importe où, non consolidée, incapable de composer quelque vide ou continuité ou muraille contre laquelle leurs corps se meuvent. »



« Je ne suis personne, disait Rhoda, je suis sans visage. »



« Je ne suis pas toi, je suis absente », disait Rhoda : « Je n'ai pas de visage... Seule, j'ai souvent glissé dans le néant, il faut que je pose en catimini mon pied sur le sol, de peur que je ne tombe du bord de l'univers dans le rien. »



« Je n'ai pas de visage, je suis comme l'écume de la vague courant le long du rivage. »



« Je ne suis pas une personne ; je suis bien des gens ; je ne sais pas exactement qui je suis. - Jinny, Susan, Neville, Rhoda ou Louis; comment distinguer ma vie de la leur ? »



« Pour ma part, portant un carnet, faisant des phrases, j'avais tout juste noté des changements; une ombre moi-même, j'avais été appliquée à prendre note des ombres. Comment puis-je procéder maintenant, me disais-je, sans un moi, sans substance et sans vision, à travers un monde aussi sans poids et illusoire ? »



« Et maintenant je me demande : Qui suis-je ? J'ai parlé tout le temps de Bernard, de Neville, de Jinny, de Susan, de Rhoda et de Louis. Suis-je eux tous ? Suis-je un être un et distinct... Je ne sais pas. »






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