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Synthèse littéraire - CONSTRUCTION DU RÉCIT






La composition et les lieux



Le roman est formé de deux parties de longueur très inégale, suivies d'un épilogue. À chacune de ces parties, correspond un lieu bien particulier.

La première partie (10 chapitres, environ 110 pageS) décrit la vie d'un jeune couple, dans les années 60. Elle se déroule presque entièrement à Paris. La vie des deux personnages y est évoquée : appartement de leurs rêves (chapitre 1), appartement réel (chapitre 2), métier et installation rue de Quatrefages, près du Jardin des Plantes (chapitre 3), groupe d'amis et goûts communs (chapitre 4), bonheur de vivre et difficultés (chapitre 5), problèmes financiers (chapitre 7), dispersion du groupe et longues promenades dans Paris (chapitre 8), rêves de fortune (chapitre 9).



À cette vie d'intellectuels parisiens - seuls les quartiers Latin, Montparnasse ou Palais-Royal y sont fréquentés - s'oppose le chapitre 10 qui mène les héros, par le biais d'une enquête agricole, dans la France rurale réelle, puis rêvée.

La seconde partie se passe en Tunisie (3 chapitres, 30 pageS), trois fois plus brève. Néanmoins, elle contient plus d'actions précises et de changements notables que les 10 chapitres de la première partie : départ de Jérôme et de Sylvie, séjour à Sfax (chapitre 1), solitude dans un monde vite jugé négatif, vie dépourvue de - sens » (chapitre 2) impossibilité d'échapper à Sfax, où une sorte de mort lente s'installe (chapitre 3).



L'épilogue (9 pageS) raconte le retour à Paris, l'incapacité à y vivre comme auparavant, puis l'installation définitive comme cadres dans une agence de publicité, à Bordeaux, ville de province souvent jugée bien terne par rapport à Paris, mais de tradition anglaise.

Le temps de la fiction

Il n'était précisé que de façon allusive dans la première partie qui est surtout itérative. L'action a duré trois ans (Cf. I, 8), mais Jérôme et Sylvie mènent les mêmes enquêtes, achètent « chaussures, assiettes, babioles » de la même façon pendant six ans. À la rentrée de 1962, ils décident de partir en Tunisie, et s'embarquent à Marseille le 23 octobre (précision inhabituelle dans le romaN). Ils vivent à Sfax 8 mois (une année scolairE). Juste avant les vacances de l'été 1963, ils choisissent de revenir. Perec multiplie alors les notations horaires (- à 5 heures et demie du soir... à 6 heures »), ce qu'il avait totalement évité dans la première partie - qui semble hors du temps, avec ses imparfaits qui créent l'étirement. De même, Perec revient à l'imprecT sion quand ses héros sont de retour à Paris : « un jour ils décideront d'en finir... après quelques années de vie vagabonde ». La décision de s'installer est prise alors que Jérôme et Sylvie n'ont pas * trente ans » (ils avaient 24 et 22 ans au début du romaN). Le roman s'achève sur leur voyage en train (symétrique de La Modification de Michel Butor, 1957), au début du mois de septembre 1963.



UNE ÉCRITURE ORIGINALE...



Une « ouverture surprenante »

Contrairement aux romanciers réalistes du XIXe siècle, et à la suite des « nouveaux romanciers » qui ont remis en cause les données traditionnelles d'écriture, Perec a supprimé de ses premières pages toute indication spatio-temporelle. Ni l'époque, ni le lieu de l'action ne sont explicitement nommés. Le lecteur n'est pas davantage aidé par le titre du roman. Non seulement ce titre n'est pas le nom d'un personnage (présumé personnage principaL) mais encore il est totalement vague et provocateur dans son imprécision même.



Perec consacre son premier chapitre à la description d'un appartement meublé avec soin et recherche, mais totalement dépourvu de présence humaine. Les personnages n'apparaissent qu'à la fin du chapitre, désignés uniquement par le pronom personnel ■ ils », et ne sont nommés qu'au second chapitre.



Les temps du récit

[Dans le premier chapitre, la description de l'appartement de rêves èstfàite au conditionnel présent. Après un bref usage du conditionnel passé (au chapitre 2), l'essentiel du récit est présenté à l'imparfait itératif (qui raconte en une seule fois des événements identiqueS).

La rupture symbolisée par la seconde partie est aussi signifiée par le changement des temps : départ, installation et voyages autour de Sfax, sont évoqués au passé simple (mêlé d'imparfaits d'étaT). Enfin l'épilogue, destiné à clore un récit et habituellement écrit à un temps du passé, est présenté ici de façon très inattendue au futur : c'est ce qui ne peut maintenant manquer d'arriver à Jérôme et Sylvî.



... POURTANT INSPIRÉE DE FLAUBERT



En 1965, à 29 ans, Perec dont toute l'ouvre sera nourrie de références, d'allusions, de citations cherche seulement à » vouloir être Flaubert ». Dans un numéro de la revue L'Arc, consacré à Flaubert, Perec a reconnu sa dette : « Les Choses ont été rédigées sous l'influence affichée de L'Éducation sentimentale, dont le sous-titre - Histoire d'un jeune homme - engendra même un moment un des titres provisoires du livre - Histoire d'un jeune couple. »

De nombreuses allusions ou reprises sont évidentes. À la première page, figure symboliquement le célèbre navire à aubes, le Ville-de-Montereau, sur lequel Frédéric Moreau rencontre Madame Arnoux. Ensuite, tout au long du roman, l'usage de l'imparfait itératif brutalement remplacé par le passé défini renvoie aussi à Flaubert : le personnage dédoublé succède à Frédéric et le « il voyagea » devient « ils tentèrent de fuir », placé de façon identique à l'ouverture de la seconde partie. Le livre se clôt sur une évocation nostalgique du passé commun : Te rappelles-tu ? » disait Deslauriers, et Jérôme dit : « Te souviens-tu ? »

De la même façon, on peut constater une propension durable des personnages à rêver, à s'imaginer dans une situation autre que celles qu'ils vivent. Ces rêves incessants - le mot est employé dans presque tous les chapitres - rappellent, de façon évidente, Madame Bovary.

L'écriture elle-même porte la marque de Flaubert. Perec consacre les dernières pages de sa première partie aux rêves de Jérôme et Sylvie. Les descriptions enchanteresses d'une cité de bonheur sont une transposition claire, dans un monde moderne, des rêveries d'Emma!



Même l'usage du conditionnel présent pour évoquer le lieu du bonheur (chapitre 1) semble repris à Flaubert. « C'est là qu'ils s'arrêtaient pour vivre... Ils habiteraient une maison basse... leur existence serait facile et large, comme leurs vêtements de soie, toute chaude et étoi-lée, comme les nuits douces (Madame Bovary, II, 12).

Dans un chapitre consacré au style de Flaubert, Albert Thibaudet avait déjà considéré comme caractéristiques les structures ternaires, dans le rythme intérieur des phrases ou des périodes. Par exemple, Madame Bovary a remarqué au bal de la Vaubyessard que les marquis ont . le teint de la richesse, ce teint blanc que rehaussent la pâleur des porcelaines, les moires du satin, le vernis des beaux meubles » (1,8) Perec reprend très souvent le rythme ternaire. Citons le chapitre 3 : « presque submergés déjà par l'ampleur de leurs besoins, par la richesse étalée, par l'abondance offerte » (I, 3). La fin des rêves, la chute brutale dans la réalité sont marquées par Flaubert, puis par Perec, grâce à l'emploi du mais.



LES PERSONNAGES



Les personnages, support d'une description sociologique



Leur individualité ou leur caractère sont moins importants que ce qu'ils représentent.

En sous-titrant son roman Une histoire des années soixante, Perec a bien marqué sa volonté de décrire une société précise. Sa « tentative de description »... même des gestes les plus quotidiens fait d'abord de son roman un document sociologique J a d'ailleurs reconnu que l'une des sources des Choses était le séminaire de Roland Barthes sur le langage publicitaire, et il avait lui-même suivi les cours de sociologie de Jean Duvignaud.

Ainsi le personnage devient-il un type social. Jérôme et Sylvie forment un couple semi-intellectuel, caractéristique des petites classes moyennes, urbaines, ayant perdu passé ou traditions. Ils appartiennent au secteur tertiaire, promis en ces années à un extraordinaire développement, Ils habitent, à Paris, sur la rive gauche, un petit appartement qu'ils essaient de décorer selon les critères de la mode : poutres apparentes, moquette noire... Ils ne rêvent que des objets recommandés par L'Express, chemises anglaises, chaussures Church, aussi bien que divans Chesterfield ou gravures murales. Ce que la société d'abondance leur propose chaque jour, c'est de consommer : vitrines, étalages, boutiques regorgent de produits. Certes, ils ajoutent à cette quête incessante un sentiment esthétique : ils perçoivent la beauté des chosesfMais ils croient que les objets vont leur donner une véritable identité, et veulent avoir pour être^Or ils cherchent surtout à paraître, et la majeure partie des objets désirés sont à regarder. Le plaisir de » l'oil », (chapitre 1) tout comme leur passion des images sont constamment répétés.

Néanmoins, ils ne voient pas que ce qu'ils veulent afficher, ce sont des signes d'appartenance à une classe sociale, la bourgeoisie aisée, de goût anglais.



Les personnages, support d'un schéma narratif



(Comme dans les nouveaux romans à la mode dans les années 60, les personnages perdent de leur importance, au profit des objets (Cf, l'ouvre de Robbe-GrilleT), ce dont témoigne déjà le titre du roman, qui n'affiche plus le nom du héros, différence notable avec les romans du XIXe siècle. Effectivement, Jérôme et Sylvie sont très peu actifs, se laissant mener par les événements, ou par les choses^

Par ailleurs, les règles de la fiction narrative opposent la situation initiale d'un récit et la situation finale, pour montrer un parcours, une évolution. Or, ici, Jérôme et Sylvie sont, au départ, plutôt pauvres ; ils vivent dans un monde étriqué, et se contentent de rêves. Leur « grande aventure » (titre un moment retenu par Perec, puis abandonné) sera la conquête des grands magasins ! À la fin du roman, en revanche, devenus directeurs d'une agence de publicité, ils sont à l'aise, vont s'installer confortablement à Bordeaux. Ils ont cessé de rêver, mais la réalité est triste et le repas qu'on leur servira sera insipide ». Ainsi le schéma narratif est-il clair : le passage d'une rêverie encore adolescente à l'âge adulte et aux compromissions de la vie sociale, marque, non la réussite d'un projet comme pour Eugène de Rastignac ou la réparation d'un manque, comme dans les contes, mais plutôt un échec. Sans doute les personnages auront-ils « les choses » qu'ils désiraient, mais, elles seront sans saveur et leur possession se révélera totalement décevante. Cet échec est sans doute encore une « leçon » que Perec a prise à Flaubert, qu'il veut pasticher.



LE ROMANCIER ET SON ÉPOQUE



En 1965, Perec romancier semble énoncer sous une forme littéraire une partie des idées qui vont déferler sur la France en 1968.

Certes, après Barthes [Mythologies, 1957), Guy Debord a commencé la critique de la société de consommation dans la revue qu'il dirige de 1958 à 1969, L'Internationale situationniste.

Ces analyses sont poursuivies par Barthes lui-même, dans le Système de la mode (1967) et par Jean Baudrillard, enseignant à la faculté de Nanterre depuis 1966, dans le Système des objets (1967).

Tous montrent que les objets n'épuisent pas leur sens dans leur stricte matérialité ou dans leur fonction pratique. Une machine à laver sert comme ustensile, mais joue aussi comme élément de confort et de prestige. La société de consommation célèbre des « objets-signes ». On préfère l'image à la chose, la copie à l'original, la représentation à la réalité, l'apparence à l'être ». (Feuerbach, cité par Guy Debord.)



En 1970, Jean Baudrillard retrouve les exemples mêmes que Perec a placés dans Les Choses pour les systématiser : « Amoncellement... profusion... les grands magasins sont comme le lieu géométrique de l'abondance... » Il cite « les vitrines encombrées, ruisselantes, leurs étalages de charcuteries... La vitrine de l'antiquaire est le modèle aristocratique, luxueux de ces ensembles. « (La Société de consommation, 1970.)

Ainsi non seulement, le romancier est « témoin » de son époque, mais il semble même dire en artiste - dans une langue et avec un style qui lui sont propres - ce que les philosophes ou les sociologues théoriseront peu après.



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