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Sens du réel et moralité






Cette diversification des formes du récit romanesque est largement issue de la satire et de la parodie du roman héroïque du siècle précédent. Elle a de plus partie liée avec les orientations philosophiques nouvelles : le sensualisme qui place au centre de sa réflexion la sensibilité et le rôle du sujet.

C'est aux lendemains de la Régence (les Lettres persanes, publiées en 1721, sont la seule ouvre romanesque importante de la RégencE) que le renouvellement du roman apparaît dans toute son ampleur avec le Gil Blas de Lesage, les plus grands romans de Marivaux (La Vie de Marianne, 1731-1741 ; Le Paysan parvenu, 1736), de Prévost (Mémoires d'un homme de qualité, 1728-1731 ; Cleveland, 1731-1739) et de Crébillon (L'Écu-moire, 1734 ; Les Égarements du cour et de l'esprit, 1736). Se détournant des « chimères », le roman met désormais en scène des expériences contemporaines affectives et morales, sociales, philosophiques ou même religieuses. Le roman a les ambitions les plus élevées. Et ce n'est pas un hasard si, tout en demeurant un genre contesté, il attire les plus grands écrivains et philosophes du siècle : le roman se révèle apte à exprimer dans leur intégralité et leur complexité les visions de la vie et du monde.





Dans le premier versant du siècle, ce sens du réel est presque unanimement identifié à la moralité du roman. Ainsi pour Marivaux, La Vie de Marianne est un roman indissociablement véri-dique et moral : l'héroïne qui narre et juge ses comportements passés, qui met en scène ses rencontres et en analyse les incidences, incite le lecteur à une réflexion sur la vie qui dépasse largement une expérience singulière :



Il est pourtant vrai que, dans la suite, elle réfléchit moins et conte davantage, mais pourtant réfléchit toujours ; et comme elle va changer d'état, ses récits vont devenir aussi plus curieux, et ses réflexions plus applicables à ce qui se passe dans le grand monde.

Marivaux, La Vie de Marianne. Avertissement, 1731.



Pour Crébillon, c'est parce que le roman est « tableau de la vie humaine » (Préface des Egarements du cour et de l'esprit, 1736) qu'il concilie le vrai et l'utile. Cène thèse de la compatibilité du réalisme et de la moralité est en fait défendue tout au long du siècle par les nombreux romanciers refusant le procès de l'immoralité du roman. Dans son Éloge du romancier anglais Richardson (1689-1761) (l'auteur à succès de Pamela, de Clarisse Harlowe et de GrandissoN), Diderot lie étroitement l'utilité morale du roman à l'effet de réalité qui conditionne l'intérêt du lecteur.



Cet auteur ne fait point couler le sang le long des lambris ; il ne vous transporte point dans des contrées éloignées ; il ne vous expose point à être dévoré par des sauvages ; il ne se renferme point dans des lieux clandestins de débauche ; il ne se perd jamais dans les régions de la féerie. Le monde où nous vivons est le lieu de la scène ; le fond de son drame est vrai ; ses personnages ont toute la réalité possible ; ses caractères sont pris du milieu de la société ; ses incidents sont dans les mours de toutes les nations policées ; les passions qu'il peint sont telles que je les éprouve en moi ; ce sont les mêmes objets qui les émeuvent, elles ont Ténergie que je leur connais ; les traverses et les afflictions de ses personnages sont de la nature de celles qui me menacent sans cesse ; il me montre le cours général des choses qui m'environnent. Sans cet art, mon âme se pliant avec peine à des biais chimériques, l'illusion ne serait que momentanée et l'impression faible et passagère.

Diderot, Eloge de Richardson, 1761.



Ce discours sur le réalisme et la moralité du roman est très proche de la défense du drame que développent Beaumarchais et Diderot lui-même. À la fin du siècle, Rétif de la Bretonne affirme la supériorité du romancier sur le moraliste : c'est précisément parce qu'il est d'abord collecteur et transcripteur des expériences humaines les plus diverses que le romancier peut devenir le guide de ses lecteurs.

Cette apologie du roman éminemment moral parce qu'essentiellement véridique est pourtant loin de faire l'unanimité. Au midi du siècle, le traditionnel procès de l'immoralité s'amplifie, alléguant précisément comme principal grief cette évolution du roman vers le réalisme. La participation du roman au combat philosophique et l'essor des ouvres libertines sont alors tout à la fois mis en cause.

Dans les années de publication de l'Encyclopédie, les plus grands romans prolongent et amplifient les interrogations morales et philosophiques des hommes des Lumières. Dans Candide (1759), Voltaire réplique aux philosophes optimistes disciples de Leibnitz et de Wolf. L'accumulation burlesque de malheurs auxquels est confronté le jeune Candide permet à Voltaire de ridiculiser l'enseignement optimiste du précepteur Pangloss qui, en toute situation, répète que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». La conclusion de Candide (« [...] il faut cultiver notre jardin ») a cependant valeur d'invitation à une action régie et limitée par la raison. La Religieuse de Diderot (rédigée vers 1760), qui se présente comme les mémoires d'une jeune fille - Suzanne - enfermée de force et contrainte de prononcer ses voux, met en scène l'aliénation inexorable que produit le despotisme clérical quand il s'exerce sur un individu isolé et sans défense. La narratrice s'attache tout particulièrement à restituer une manipulation qui joue de la séduction puis de la terreur : la folie apparaît comme l'horizon inéluctable d'un enfermement qui s'autorise indûment de l'amour du Christ et du souci du salut de l'humanité (voir Anthologie, pp. 165-166).



Dans La Nouvelle Héloïse (1761) de Jean-Jacques Rousseau, dont le lyrisme enchanta immédiatement les lecteurs, c'est le préjugé social qui s'oppose à l'union de Julie et de son amant plébéien Saint-Preux. Et dans sa lettre au baron d'Étange, père de Julie, Saint-Preux dénonce une arrogance nobiliaire qui introduit un désordre irrémédiable dans une nature qui tend au bonheur :



Allez, père barbare et peu digne d'un nom si doux, méditez d'affreux parricides, tandis qu'une jeune fille tendre et soumise immole son bonheur à vos préjugés. Vos regrets me vengeront un jour des maux que vous me faites, et vous sentirez trop tard que votre haine aveugle et dénaturée ne vous fut pas moins funeste qu'à moi. Je serai malheureux, sans doute ; mais si jamais la voix du sang s'élève au fond de votre cour, combien vous le serez plus encore d'avoir sacrifié à des chimères l'unique fruit de vos entrailles ; unique au monde en beautés, en mérite, en vertus, et pour qui le Ciel prodigue de ses dons, n'oublia rien qu'un meilleur père !

Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse, 1761.



Il n'est, dès lors, pas d'avenir pour la dialectique naturelle de l'amour et de la vertu, et la mort s'avère la seule issue pour Julie.

Si différents soient-ils, ces trois romans mettent en doute la possibilité du bonheur de l'être humain dans une vie sociale qui, comme le soulignait déjà Prévost, contraint la nature et étouffe la sensibilité. Et ce constat d'une impasse nourrit la revendication du droit au plaisir et au bonheur. C'est d'abord en ce sens que le roman participe au combat philosophique.

Il faut enfin compter avec l'essor des romans libertins qui, au-delà de tous les interdits, mettent en scène la quête frénétique d'un plaisir d'autant plus attrayant qu'il demeure condamné. Crébillon fils (1707-1777) a expérimenté très tôt les multiples ressources de ce genre. De L'Ecumoire (1734) aux Égarements du cour et de l'esprit (1736) et à La Nuit et le Moment (1737), Crébillon a su mettre en scène toutes les nuances des jeux de la séduction et toute la complexité d'une éducation mondaine et sentimentale. Le succès des ouvres de La Morlière (Angola, histoire indienne, 1746) et de Fougeret de Montbron (Margot la Ravaudeuse, 1750) atteste le goût croissant du public pour cette littérature de ton assez libre.



Ces orientations nouvelles du roman expliquent pour une large part la résurgence du reproche traditionnel d'immoralité. Mais cette accusation n'est nullement le monopole du camp dévot. C'est en effet Marmontel (1723-1799), collaborateur de l'Encyclopédie et défenseur de la tolérance, qui, dans son Essai sur les romans considérés du côté moral, dénonce le caractère licencieux des romans contemporains :



Nous avons vu le temps où le personnage d'homme à bonnes fortunes, de tous les genres de fatuité le plus offensant pour les femmes, ne laissait pas d'être à la mode, et en grand honneur auprès d'elles. Il était du bel air, et presque de la bienséance, pour un homme aimable, ou qui prétendait l'être, d'avoir ce qu'on appelle une petite maison, afin de se donner, dans ses galanteries, une mystérieuse publicité ; nous avons vu la fleur des jolies femmes se disputer la gloire d'aller souper, ou tête à tête, ou en quadrille, dans ces asiles du plaisir. Tous les romans de ce temps-là copiaient les scènes qui s'y passaient, mais de manière à inspirer pour la licence de ces mours bien moins de mépris que d'envie. L'enjouement qui les animait, avait tout l'esprit de l'auteur. La coquetterie y était vive et piquante, le libertinage y était du meilleur ton ; et si quelqu'un, dans ces intrigues, jouait un rôle ridicule, c'était l'amant trompé ou le mari jaloux.

Marmontel, Essai sur les romans considérés du côté moral. Ouvres complètes, tome X, 1818.



.Sous couvert de réalisme, le roman, selon Marmontel, justifierait le libertinage et constituerait même un arsenal de modèles immoraux. Marmontel refuse en effet l'alibi de la satire des vices : le roman, tout comme la comédie, entraîne nécessairement à la reproduction des comportements mis en scène. C'est en fait l'ensemble des romanciers du siècle qui est pris à partie et accusé de complaisance à l'égard du libertinage :

Il est étrange que, parmi tant d'écrivains qui, dans leurs romans, ont voulu nous peindre leur siècle, il y en ait eu si peu qui soient sortis du cercle des mours libertines.

Ibidem.



Crébillon, l'abbé Prévost accusés « d'ennoblir le libertinage en l'alliant avec l'amour », et Rousseau auteur de La Nouvelle Héloïse, sont nommément pris pour cibles par Marmontel qui inscrit ses perspectives de moralisation du roman et du conte dans le combat des Lumières. Ses Contes moraux (publiés dans le Mercure à partir de 1756 et réunis en un premier recueil en 1761) et ses deux romans politiques et philosophiques Bélisaire (1767) et LesIncas(1117) témoignent de ce souci de ne pas disjoindre exigences éthiques et réflexion philosophique. C'est d'ailleurs Voltaire lui-même qui conforte Marmontel dans cette voie tout en l'invitant à accentuer la satire et l'attaque des préjugés, c'est-à-dire à s'engager dans la rédaction de contes philosophiques :



Vous devriez bien nous faire des contes philosophiques, où vous rendriez ridicules certains sots, et certaines sottises, certaines méchancetés et certains méchants ; le tout avec discrétion en prenant bien votre temps, et en rognant les ongles de la bête quand vous la trouverez un peu endormie.

Voltaire. Lettre à Marmontel, 28 janvier 1764.

Le genre du conte moral qui eut un grand succès jusqu'à 1830 s'est bien au contraire le plus souvent opposé aux idéaux des Lumières en se présentant même comme antiphilosophique et en préférant la leçon édifiante à l'esprit critique.






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