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SEMBENE OUSMANE - Les Bouts de bois de Dieu






«Des cris, des hurlements lui répondirent ; ceux qui

étaient restés assis se levèrent, des bras se tendirent. Mais tandis que le tumulte se déchaînait, un petit groupe de femmes qui s'était frayé un passage à travers la cohue, s'approcha des délégués. On vit Bakayoko lever les deux bras :

- Faites silence, cria-t-il, nos braves compagnes ont quelque chose à nous dire.

Elles ont le droit qu'on les laisse parler ! Ce fut Penda qui prit la parole, d'abord hésitante puis de plus en plus assurée :

- Je parle au nom de toutes les femmes, mais je ne suis que leur porte-parole.



Pour nous cette grève c'est la possibilité d'une vie meilleure. Hier nous riions ensemble, aujourd'hui nous pleurons avec nos enfants devant nos marmites où rien ne bouillonne. Nous nous devons de garder la tête haute et ne pas céder. Et demain nous allons marcher jusqu'à N'Dakarou.

Un murmure d'étonnement, de curiosité, de réprobation couvrit un instant la voix de Penda, mais elle reprit plus fort :

- Oui, nous irons jusqu'à N'Dakarou entendre ce que les toubabs ont à dire, et ils verront si nous sommes des concubines ! Hommes, laissez vos épouses venir avec nous ! Seules resteront à la maison celles qui sont enceintes ou qui allaitent et les vieilles femmes.

On applaudit, on cria, mais il y eut aussi des protestations. Bakayoko prit Penda par le bras :

- Viens avec nous au syndicat, dit-il, ton idée est bonne, mais il ne faut pas s'engager à la légère dans cette affaire.

En traversant la foule qui s'écoulait lentement dans le soir tombant, ils croisèrent des petits groupes qui discutaient avec animation. De mémoire d'hommes c'était la première fois qu'une femme avait pris la parole en public à Thiès et les discussions allaient bon train.

Elles ne furent pas moins vives au siège du syndicat. Balla, le premier, exprima une opinion qui n'était pas seulement la sienne :

- Je ne suis pas pour que les femmes partent. Qu'elles nous soutiennent, c'est normal ; une femme doit aider son mari, mais de là à faire la route de Dakar... Je vote contre. C'est la chaleur ou la colère qui leur monte à la tête ! Toi, Lahbib, tu prendrais la responsabilité de laisser partir les femmes ?

- Nous ne sommes pas ici pour entendre les sentiments ou les opinions de chacun. Si tu veux, nous pouvons voter.»

(Paris, Presses Pocket, 1971, p. 288-289)



Né le 1er janvier 1923, à Ziguinchor, (SénégaL), mort à Dakar en juin 2007, Sembène Ousmane était acteur, scénariste, écrivain, malgré le fait qu'il n'a pas fait d'études universitaires. Après son certificat, il a exercé plusieurs métiers, a été mobilisé en 1942, par l'armée française et a intégré les tirailleurs sénégalais. Embarqué clandestinement pour la France, il a débarqué à Marseille où il est devenu docker au port de Marseille; il y écrit, très mal d'ailleurs, son premier roman, Le docker noir (1956). Adhérant au CGTet au Parti communiste français, il milite contre la guerre en Indochine, pour l'indépendance de l'Algérie. Il donne deux autres romans, Ô pays, mon beau peuple et Les bouts de bois de Dieu, avant de rentrer au Sénégal, lors de l'indépendance (1960). Il voyage à travers l'Afrique (Mali, Guinée, CongO) et commence à penser au cinéma comme moyen de représenter l'Afrique : masques, danses, représentations. En 1961, il entre dans une école de cinéma à Moscou. Les courts et longs métrages lui attirent la consécration et des prix, comme celui de la Critique Internationale au Festival de Venise pour Le Mandat (1968). Son film Ceddo (peuple aux convictions animistes qui refuse de se convertiR) est interdit au Sénégal par le président Senghor, pour ne pas froisser l'autorité religieuse (chrétienne ou musulmanE). À retenir, parmi les nombreux prix reçus, le Harvard Film Archive (décerné par l'Université Harvard de Boston en 2001). Officier de la Légion d'honneur de la République française (nov. 2006), il s'éteint à son domicile à Yoff (à l'âge de 84 anS).



Autres ouvres



- Voltaïque (1962) (nouvelles, petit chef-d'ouvrE) -L'Harmattan (1964)

- Vehi-Ciosane ou Blanche-Genèse : suivi du Mandat

(1965) -Xala (1913)

- Le Dernier de l'Empire (1981)

- Niiwam, suivi de Taaw (1987) (nouvelleS)

- Guelwaar (1991)



Le roman Les bouts de bois de Dieu (- les hommeS), considéré comme le chef-d'ouvre de Sembene Ousmanc, relate la vie et les actions des grévistes, cheminots du Dakar-Niger (1947-1948), sur trois plans, au long de ce chemin de fer que l'on était en train de construire : à Bamako, à Dakar et à Thiès. Un début d'approfondissement psychologique, l'aspect militant, combatif, s'associent aux problèmes de la polygamie et de l'amour, leur compatibilité (opinion trop exclusivement masculinE) marquant le combat entre tradition et modernité. «Les vieux ont trahi ou se sont révélés impuissants, et c'est l'énergie des jeunes qui a vaincu les obstacles. Les femmes surtout, contrairement à la situation inférieure qu'elles occupent dans la société islamique, prennent la responsabilité de l'action quand les hommes s'abandonnent au désespoir» (Mohamadou K. KanE).



Commentaire suivi



Les cris, les hurlements saluent les derniers mots de Lahbib : «Nous maintiendrons donc notre mot d'ordre de grève illimitée et cela jusqu'à la victoire totale !» (p. 288). L'enthousiasme et la résolution sont à leur comble (ils se levèrent, des bras se tendirenT) et le tumulte se déchaîne. Un petit groupe de femmes s'y fraie un passage et tente de s'approcher des responsables de la grève (les déléguéS). Bakayoko intervient. Intelligent, désinvolte, progressiste, révolutionnaire professionnel s'appuyant sur une culture politique, il est entièrement dédié à la cause et conscient d'être différent d'eux, trop introverti mais très humain aussi. On l'écoute, car il a le talent d'orateur de celui qui entraîne les foules. Il montre du respect aux femmes, leurs égales (nos braves compagneS) en affirmant le droit de celles-ci de prendre la parole.



C'est Penda qui annonce, tout en affermissant son courage (d'abord hésitante, puis de plus en plus assuréE), qu'elle parle au nom de toutes les femmes, se faisant uniquement leur porte-parole. Cette modestie témoigne de la solidarité collective qui est aussi le fait des femmes. Elles ont décidé de participer activement à la grève, parce qu'elles y entrevoient l'espoir d'une vie meilleure. La joie qui les réunissait est remplacée par les larmes devant la faim que provoque l'absence de nourriture (nos marmites où rien ne bouillonnE). Ce qui reste aux femmes, c'est la dignité (la tête hautE) et la résistance (ne pas cédeR).

Concrètement, leur appui au mouvement gréviste des hommes, c'est la marche jusqu'à Dakar. Cette décision, inouïe de mémoire d'hommes, suscite l'étonnement, la curiosité et surtout la réprobation. La voix de Penda se fait plus forte quand elle répète leur décision et surtout le but qu'elles poursuivent : entendre l'opinion des toubabs (mot employé en Afrique pour désigner les EuropéenS) et démentir leur mauvaise opinion des femmes africaines (concubineS) (qui acceptent de vivre avec les Blancs, en famille, mais qui sont abandonnées, avec leurs enfants, quand ceux-là rentrent au payS). Penda fait appel aux hommes pour ne pas interdire à leurs épouses de se joindre à la marche, exception accordée aux femmes enceintes, à celles qui allaitent ou qui sont vieilles, en considération de la difficulté de l'entreprise, mais aussi de leur condition délicate.



Les hommes réagissent différemment : ceux qui apprécient leur courage applaudissent et crient, ceux qui ne peuvent pas concevoir une telle attitude protestent. Bakayoko emmène Penda au siège du syndicat ; il reconnaît que l'idée de celle-ci est bonne, mais on ne peut pas agir à l'aveuglette, il y faut l'organisation. Les gens se dispersaient entre temps en discutant avec animation ; la nouveauté (la première foiS) et l'audace de l'intervention d'une femme devant un public d'hommes suscitent des discussions qui vont bon train et qui restent aussi vives au siège du syndicat. Balla va prendre le parti des traditionalistes : accepter le soutien, normal, des femmes, accordé à leurs maris, mais leur nier la requête. Il ne peut comprendre leur attitude, qu'il attribue à la chaleur ou à la colère qui les rendent folles (leur monte à la têtE). Il recherche l'approbation de Lahbib, mais celui-ci refuse de dévoiler sa position en ramenant Balla à l'ordre: les sentiments ou les opinions de chacun n'ont aucune importance, ce qu'il faut taire c'est voter.



A consulter



1. Kane, Mohamadou, K, Roman africain et traditions,

Dakar, NEA, 1982.

2. Pagcard, Robert, Littérature négro-qfricaine, 1972.

3. Minyono-NKodo, M.-F., Comprendre Les Bouts de bois de Dieu, Paris, St-Paul, 1979.

4. Sada Niang, Littérature et cinéma en Afrique francophone : Ousmane Sembène et Assia Djebar, Paris, L'Harmattan, 1996.

5. Samba Gadjigo, Ousmane Sembène : Une conscience africaine, Paris, Homnisphèrcs, 2007.






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