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SARTRE






Quand, en chaque moment où je vis, je me découvre actuellement engagé dans mon occupation principale qui consiste à vivre et à me sentir vivre, je me rends compte que, précédant ce moment, il y avait toujours eu un être qui était moi, et qui pourtant, je dois le constater, se montrait fort distinct de ce moi actuel. Par rapport à celui-ci il avait eu - et conservait même - à la fois un immense avantage et un immense désavantage. L'immense avantage dont il jouissait était d'avoir existé, et même d'une façon si évidente qu'il ne lui eût pas été possible de contester une vérité si bien établie. A la rigueur, moi comme lui, je pouvais douter de mon existence future. Mais en aucun cas, à condition de ne pas entrer dans les détails, je ne pouvais douter de mon existence passée. Du moment que cette existence avait eu lieu, elle pouvait bien, à mes yeux et pour quelque cause que ce soit, cesser d'être; elle ne pouvait, d'autre part, plus jamais cesser d'avoir été. Le fait d'avoir été avait eu pour effet de lui ïonfêrer une détermination inaltérable. Bien entendu, mon être futur, à supposer que j'en eusse un, pouvait, lui aussi, un jour, acquérir une détermination du même ordre. Mais elle n'était encore que virtuelle. Pour mon être passé, il en allait tout différemment. Mis à part l'oubli, la distraction ou, cela va sans dite, la mort, cet être que j'avais été ne pouvait, au mieux, que persister à avoir été. C'était là, certes, une situation qui pouvait présenter quelques grands avantages. Elle permettait à chaque personne se trouvant dans ce cas de se découvrir dans une situation assez semblable à celle des héros du temps passé, installés tels qu'ils avaient été dans un Panthéon où ils continuaient d'occuper une place ferme. Or, il en va à peu près de même pour tous ceux qui, ayant été, se trouvent autorisés de ce fait à occuper une place dans leur Panthéon personnel. Bien entendu, cette place ne saurait être confondue avec celle de l'être vivant d'une vie strictement actuelle. Séparé brutalement de son passé, réduit à n'avoir plus qu'une existence immédiate, soumis à un processus « néantisant », comme dit Sartre, qui le vide d'une grande part de son contenu et lui interdit tout retour en arrière, ou, en tout cas, quelque utile consolidation de son état présent en l'appuyant sur des antécédents dépassés ou disparus, quelle sorte d'existence pourrait-il encore espérer avoir ? Le voilà réduit à être presque sans raison d'être, contraint probablement d'être séparé pour toujours de celui qu'il avait été, et avec qui il se trouve maintenant sans rapport. Ayant ainsi, bon gré, mal gré, relégué celui qu'il fut, dans un lieu si lointain qu'il serait absurde de sa part d'espérer en recevoir quelque secours utilisable, que reste-t-il à cet être presque entièrement privé de la filiation qu'il espérait, contre toute vraisemblance, préserver avec les versions antérieures de sa personne, et tombant dans l'actualité comme dans un lieu désert, sans substance, sans affinité, sans secours, où l'on n'est plus qui l'on était, ni même qui que ce soit de reconnaissable, plus rien d'autre qu'un débris de naufrage surnageant dans le moment présent, ou, pire encore, lamentablement échoué ?





Tel est le tableau de soi-même offert à tout être brutalement jeté dans le moment présent. C'est le tableau d'une chute à pic dans l'actuel. Elle se dévoile dans n'importe quelle vision sartrienne. Il est vrai que cette vision, l'auteur peut, s'il le veut, la renverser, sinon la rétablir. L'homme qui se découvre jeté dans le moment présent peut s'y découvrir non sans quelques avantages. Par mes intentions et prédéterminations, par la volonté que je suscite en moi et qui me projette, loin du passé disparu, dans la direction du futur, je me tire du vide où mon passé m'engouffre. Je me libère donc, je tiens pour nul l'être que j'étais. Bref, je me réinvente et me représente à neuf. Me dérobant à mon passé, j'entends me doter d'un avenir qui ne sera jamais fixé une fois pour toutes, et qui, en conséquence, aura sur le passé l'immense avantage de n'être plus figé à l'avance, mais créé par mes décisions actuelles. Ainsi consommé-je ma rupture avec tout déterminisme, et, en particulier, avec le déterminisme matérialiste. En un mot, dans chaque instant nouveau, je fais un trou dans la trame serrée que le passé et même le présent prétendent m'imposer. Inlassablement je déblaie le terrain de fond en comble avec une ampleur de nettoyage qui ne me permet pas de douter de mon formidable pouvoir négatif, chaque fois qu'il s'agit de balayer le passé et de me débarrasser des morts.



Mais après tout ce travail de déblaiement, que restera-t-il ?

L'existence, mais comme un échouage ininterrompu qui se fait au beau milieu des débris de toutes sortes.

Les choses réduites à n'être plus qu'une multiplicité indifférenciée.

Les individualités réduites à n'être plus que des actions toujours paraissantes et disparaissantes.

Restent enfin quelques résidus mal définissables, gisant là, tout au fond de nous. Ce sont d'obscures masses molles, abandonnées, venues on ne sait d'où, hideuses, quasi informes, répugnantes.



Il y a aussi la pensée elle-même, courant le risque de se figer comme une pâte ou comme une crème.

Tels sont l'être, le monde, la pensée et finalement la non-pensée et le non-être dans l'univers sartrien.



SARTRE : TEXTES



En tant que j'use continuellement des négativités pour isoler et déterminer les existants, c'est-à-dire pour les penser, la succession de mes « consciences » est un perpétuel décrochage de l'effet par rapport à la cause. Puisque tout processus néantisant exige de ne tenir sa source que de lui-même... Continuellement la conscience se vit elle-même comme néantisation de son être passé.

Les consciences ne sont pas. Elles se font.



Ce que le joueur saisit..., c'est la rupture permanente du déterminisme, c'est le néant qui le sépare de lui-même.



Je suis libre, j'ai toujours la possibilité de poser en objet mon passé immédiat... Cet acte d'objectivation du passé immédiat ne fait qu'un avec le choix nouveau d'autres fins : il contribue à faire jaillir l'instant comme brisure néantisante de la temporalisation.



C'est moi, c'est moi qui me tire du néant !



Etre, c'est éclater dans le monde, c'est partir d'un néant de monde et de conscience pour soudain s'éclater conscience-dans-le-monde.

L'avenir est le passé dépassé.



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