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Relances de la littérature






Depuis le début des années 1980, la littérature s'éloigne des esthétiques des décennies précédentes. La critique structuraliste et les dernières avant-gardes qui dominaient la scène littéraire des années 1950 à la fin des années 1970 se méfiaient de la subjectivité et du «réalisme». Fondées sur les apports des sciences humaines - linguistique, psychanalyse, etc. -, convaincues que les personnages littéraires n'étaient que des fabrications verbales, des «êtres aux entrailles de papier» selon la formule de'Paul Valéry, elles pensaient qu'il était illusoire de prétendre exprimer le sujet ou représenter le réel. La littérature, peu à peu persuadée qu'elle ne pouvait échapper à la clôture du langage, était ainsi à elle-même devenue à la fois son propre miroir, son terrain de prédilection et son chantier de fouilles. Dès lors, elle paraissait vouée à ne plus développer que des élaborations formelles, des jeux avec le langage et avec les structures.



C'était compter sans la pression du monde et oublier la faculté de la littérature à mettre en ouvre les expériences individuelles et les questions collectives. Aussi ces «objets» se sont-ils à nouveau imposés aux écrivains, qu'il s'agisse d'écrivains confirmés dont on a vu l'ouvre s'infléchir vers ces questions, ou d'autres, plus jeunes, qui semblent n'être venus à la littérature qu'avec le désir d'écrire autour du sujet, du réel, de la mémoire historique ou personnelle... Sans ignorer les critiques des décennies précédentes, la littérature contemporaine redonne des objets à l'écriture qui s'en était privée. C'est pourquoi nous proposons de l'appeler «transitive», comme on le dit, en grammaire, des verbes qui admettent un complément d'objet.



La pression du monde

Que s'est-il passé qui a ainsi bousculé la littérature ? Soyons d'abord convaincus que le temps littéraire, plus proche du rythme d'évolution des mentalités et des comportements que de l'enchaînement implacable des faits, n'est pas le temps historique. Aussi l'inflexion littéraire des années 1980 ne correspond-elle pas à un événement historique précis qui l'aurait imposée. Elle est plutôt la conséquence de phénomènes plus sourds, mais aussi plus insistants. La Seconde Guerre mondiale est venue confirmer avec violence ce que la Première déjà proclamait depuis l'horreur des tranchées: que l'Histoire n'était pas en marche vers l'accomplissement d'une humanité toujours plus savante et plus sage, que le projet scientifique et technique pouvait se mettre au service des pulsions humaines les plus barbares au lieu de s'en délivrer.

Cette faillite des idéaux humanistes clairement comprise par bien des écrivains, penseurs et artistes fut cependant longtemps passée sous silence à cause de la dégradation de la pensée en idéologies et de la «glaciation» des esprits. L'affrontement «Est-Ouest» de la « guerre froide » imposait en effet de choisir son camp. Des discours péremptoires y tenaient lieu de pensée. Ils offraient des repères forts, sinon pour y adhérer, au moins pour s'y opposer. La question politique était à l'ordre du jour: la littérature même s'y trouvait engagée, et l'on en revint pour un temps à l'époque des maîtres à penser. Sartre, Camus, mais aussi Aragon ou Malraux ne concevaient de littérature qu'au service d'une cause. On comprend bien que la littérature, qui ne s'y reconnaissait guère, ait marqué à partir des années 1950 sa volonté de se tenir à l'écart d'un tel détournement ; et qu'elle ait trouvé, dans le bricolage formel ou dans la clôture de l'imaginaire, les espaces d'une indépendance bienvenue.

Ces discours dominants ont commencé de se fissurer autour des «événements» de 1968, mais ce fut dans un premier temps pour se radicaliser agressivement. La même radicalité s'est manifestée dans le pré carré littéraire, voué à édifier sa propre «théorie» et à en explorer les recoins. Il aura fallu une vingtaine d'années encore pour que les illusions idéologiques s'effondrent vraiment, et que tombe avec elles le Mur qui en était le signe tangible, même si, dès la fin des années 1970, le diagnostic était posé par les plus attentifs des observateurs : Jean-François Lyotard, dans La Condition post-moderne, constate en 1979 la déréliction des discours et enregistre la perte des repères qui l'accompagne. Et, avec lui, bien des écrivains le manifestent dans leurs ouvres mêmes.

Les sciences humaines, « filles matricides de la littérature », dit Michel Rio, s'étaient longtemps substituées à celle-ci pour dire l'homme dans le monde. Mais le soupçon qu'elles ont contribué à porter sur les discours reçus, voici qu'à la fin des années 1970 il se porte sur elles. La littérature doit alors sortir de sa propre tour d'ivoire, ouvrir les fenêtres sur l'extérieur. On dirait par analogie que l'on est passé d'une littérature « régulière», régie en sa clôture par la théorie comme par une règle de saint Benoît, à une littérature «séculière», retrempée dans son temps et dans son monde. Elle l'est d'autant plus que l'extérieur la requiert fortement. Les années 1970 ont vu la fin d'une période de croissance économique et de progrès sociaux plus ou moins continus. Chocs pétroliers et mutations économiques ont entraîné de graves dommages sociaux. On voit alors intervenir dans le champ jusqu'alors encore très réservé de la littérature des milieux sociaux et des écrivains d'origine de plus en plus diverse. Et surtout, le fonds d'expériences et de culture à partir de quoi tout livre s'écrit, s'élargit considérablement: qu'il s'agisse de la prise en considération de certaines réalités (marginalités socio-économiques, vie des cités de banlieue, disparition de la classe ouvrière, exode rural, voix de l'immigration de «seconde génération»...) ou de pratiques culturelles (transmission orale, tradition du conte, brouillages identitaires, rituels de sociabilité...).



La « postmodernité » esthétique

L'ensemble de ces phénomènes - perte de validité des discours, multiplication des lieux et des modalités d'expression -, qui atteignent aussi bien tous les domaines artistiques, ont donné lieu à de nombreux commentaires sous le nom de «postmodernité». Mais ce terme vaut-il pour la littérature, à laquelle il fut, reconnaissons-le, souvent appliqué ? Lyotard en forgeait le mot d'après celui de « post-industriel » avancé par Daniel Bell pour décrire ce monde en mutation que nous venons d'évoquer. Cette évolution n'est donc pas propre à la littérature: les autres disciplines artistiques sont aussi concernées par une mutation culturelle de grande ampleur.

Dans le domaine esthétique, la notion de « postmodernité » est précisément issue d'une réaction des architectes face à la généralisation d'un modèle, si triomphant qu'il s'étend largement à travers le monde et menace de l'uniformiser: celui du «fonctionnalisme international » qui, dans l'esprit des inventions modernistes de Le Corbusicr et du Bauhaus, privilégie l'épure formelle et l'efficacité technique («fonctionnelle»). Les architectes des années 1980, soucieux de ne pas reproduire à l'infini les mêmes volumes paral-lélépipédiques, rompent avec cette esthétique et réintroduisent des particularismes locaux, des ornements de façades. Les autres disciplines artistiques - peinture, musique - emboîtent le pas: en concurrence avec les multiples formes d'abstraction, la peinture figurative revient, cite des maîtres anciens, habilement détournés, réappropriés, ou juxtaposés dans d'audacieux collages.

La musique délaisse ses recherches « acousmatiques » et trouve de nouvelles harmonies, non sans faire place à des formes anciennes, ingénieusement associées à la technologie moderne. On entend à nouveau de la musique ancienne, baroque ou folklorique, mais réinventée.

En littérature, ces variations nouvelles pouvaient être une issue pour échapper à «l'épuisement» diagnostiqué par la critique et vécu par les écrivains eux-mêmes. Si « tout a été écrit », reste alors à tout redécouvrir en jouant avec les formes et les modèles comme avec les pièces d'un vaste jeu de constructions. Les réécritures parodiques, la littérature au second degré, truffée d'allusions critiques destinées à prouver que l'on n'est pas dupe de ce que l'on écrit, connurent un certain succès. Plus, sans doute, à l'étranger (États-Unis, Espagne, Italie, AngleterrE) qu'en France où la notion de postmodernité s'applique assez mal. Car, si la littérature française connaît aussi une dimension ludique, faite de virtuosité allu-sive et de raffinements « meta- » et « intertextuels » (Jean Echenoz, Jean-Philippe Toussaint, Renaud Camus, Éric Chevillard...), la notion ne fait pas sa part à l'inquiétude, sensible dans un éventail très large des ouvres françaises. Chez nous, les références au passé, le souci d'en interroger les pratiques et les usages expriment davantage le désarroi d'un présent qui cherche à se comprendre à la faveur d'un dialogue renoué avec le passé.



Le legs et le dialogue : une littérature inquiète

On aurait tort de voir, dans la mutation esthétique qui s'origine dans les années 1980, un effet de balancier qui, à la manière des cycles d'effervescences baroques et d'assagissements classiques décrits par Eugenio d'Ors, ferait se succéder des périodes inventives et d'autres plus traditionnelles. Il n'y a en effet aucun retour à la tradition, aucun repli formel, dans la littérature de notre temps. Et si, pour présenter les caractéristiques de la période, on recourt parfois à des formules telles que «retour du sujet» ou «retour du récit », ces expressions n'offrent qu'une vision tronquée de ce qui est véritablement en question. Certes, l'on parle à nouveau du « sujet » : le succès de l'« autofiction » en est la preuve, et le goût du « récit» connaît un regain manifeste. Mais les écrivains n'en reviennent pas aux formes littéraires traditionnelles. Plus juste est de considérer qu'effectivement sujet et récit (mais aussi réel. Histoire, engagement critique, lyrisme...) font retour sur la scène culturelle, mais sous la forme de questions insistantes, de problèmes irrésolus, de nécessités impérieuses.

René Char écrit, dans une formule fréquemment reprise sous la plume des commentateurs du contemporain : « Notre héritage nous est livré sans testament». Le succès même de cet aphorisme exprime avec force à la fois la conscience d'un héritage - à certains égards lourd à porter - et le besoin d'interroger le passé, non pour l'imiter (esthétique classiquE), ni pour en jouer (posture postmodernE), mais pour se connaître à travers lui, dans une sorte de dialogue qui revitalise des curiosités qu'une certaine modernité avait défaites au profit de sa pratique de la «table rase». C'est ce qu'exprime Michel Chaillou lorsque, dans la litanie d'images qu'il propose pour décrire ce qu'il appelle « l'extrême contemporain », lui vient cette phrase : « L'extrême contemporain, c'est mettre tous les siècles ensemble. » S'il est un trait qui définit parfaitement la littérature contemporaine (et, à certains égards, explique que l'on ait pu parler à son endroit de «postmodernité»), c'est bien son renouement avec le dépôt culturel des siècles et des civilisations. Elle entre en dialogue avec les livres de la bibliothèque, s'inquiète de ce qu'ils ont encore à nous dire - des circonstances qui ont suscité leur venue. Mais elle se souvient aussi des ruptures modernes, du grand bouleversement qu'elles ont introduit et des sidérantes «comètes» qui ont traversé le ciel de la littérature. Elle écrit avec Rimbaud comme avec Montaigne, avec Proust et Faulkner comme avec Marivaux.

Si les écrivains contemporains ne sont pas ceux qui ont jeté le « soupçon » sur les formes culrurelles, ils sont ceux qui héritent de ce soupçon, et qui doivent «faire avec»: telle est, pour reprendre une formule de Sartre, la «situation» de l'écrivain actuel. Il demeure attaché à la Littérature, souvent fasciné par elle, dans ses réussites anciennes comme dans ses fulgurances modernes, mais celle dont il hérite est «épuisée», explorée de fond en comble, poussée jusqu'à ses plus extrêmes limites par les expériences d'un Beckett et les réflexions d'un Blanchot. Aussi pratique-t-il son art comme un croyant qui a perdu la foi, avec une lucidité mêlée de nostalgie. Lucidité et nostalgie qui lui sont, toutefois, autant de motifs d'exigence.



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