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RÉALISME ET NATURALISME






I. - Flaubert (1821-1880) et l'aboutissement du réalisme



« Il y a en moi, littérairement parlant, deux bonshommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d'aigles, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l'idée ; un autre qui creuse et fouille le vrai tant qu'il peut, qui aime à accuser le petit fait vrai aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matériellement les choses qu'il reproduit. »



Admirable définition que celle que Flaubert donnait de lui-même en 1852. Né en 1821 à Rouen, il montre en effet dès sa jeunesse un tempérament dont l'ardeur est proche encore de celle des romantiques : passion violente pour Elisa Schlésînger. admiration vive pour Hugo, Byron et Goethe, rédaction de récits impétueux ou désespérés comme Smarh (1839) ou Les Mémoires d'un fou (1838). Mais quand, à partir de 1844, il se retire dans la propriété familiale de Croisset, décidé à se consacrer totalement à son travail d'écrivain, le profil de_Flaubert semble changer. Sous les traits de l'adulte fasciné par le progrès des sciences biologiques et séduit par la théorie du déterminisme physiologique reparaît le visage de l'enfant élevé pendant des années dans le milieu médical de l'Hôtel-Dieu de Rouen où son père exerçait la chirurgie. Là va s'enraciner le mythe d'un Flaubert acharné à plier la littérature aux lois de la science et décidé à faire avec les mots * aussi vrai » qu'avec les choses de la vie. Mais les images de l'écrivain noyé dans sa documentation livresque ou livré aux violences de l'arsenic qu'il a goûté avant d'écrire l'agonie d'Emma, pour aussi explicites qu'elles soient, n'en sont pas moins simplistes et réductrices. L'immense Correspondance que pendant toute sa vie Flaubert entretint avec quelques amis privilégiés, tels Louise Colet, L. Bouilhet ou M. du Camp, laisse entrevoir un personnage et un dessein littéraire beaucoup plus complexes.





« Emma l'écoutait, en faisant tourner machinalement l'abat-jour de la lampe, où étaient peints sur la gaze des pierrots dans des voitures et des danseuses de corde, avec leurs balanciers. »



Là il se dérobe derrière celui de tel ou tel personnage, de Charles par exemple, grâce auquel nous voyons apparaître Emma pour la première fois :



« Une jeune femme en robe de mérinos bleu, garnie de trois volants, vint sur le seuil de la maison pour le recevoir. (...) Charles fut surpris de la blancheur de ses ongles. Ils étaient brillants, fins du bout, plus nettoyés que les ivoires de Dieppe, et taillés en amande. Sa main pourtant n'était pas belle, point assez pâle, peut-être, et un peu sèche aux phalanges. »



Là enfin, il se fait ample et complaisant, au gré de ces grands tableaux détaillés - les noces d'Emma, le bal à la Vaubyessard, la soirée lyrique à Rouen - qui répondent parfaitement à la définition d'une littérature objective et « exposante » : « H faut faire des tableaux, écrit Flaubert, montrer la nature telle qu'elle est, mais des tableaux complets, peindre le dessus et le dessous des choses. » C'est sûrement à cette volonté d'écrire « tout et naturel-lement » que Zola songeait quand, dans un article de novembre 1875, il saluait en Flaubert le grand initiateur du naturalisme et en Madame Bovary le chef-d'ouvre de l'« école » :



« Le premier caractère du roman naturaliste, dont Madame Bovary est le type, est la reproduction exacte de la vie, l'absence de tout élément romanesque. (...) C'est un monument d'art et de science. C'est la vie exacte. »



Encore faut-il s'entendre sur cette « absence de tout élément romanesque » justement relevée par Zola. Il ne s'agit pas seulement chez Flaubert d'une épuration des conventions et des facilités du romanesque traditionnel, romantique notamment, mais encore d'un singulier détachement du créateur à l'égard de l'univers de son roman. Ce que donne à - voir chacun de 6es livres, beaucoup plus qu'une réalité historique ou sociale, c'est son propre regard ironique, déçu ou méprisant, sur un monde cerné par lui dans l'espace du roman. Rien de plus significatif à cet égard que le dédain qu'il affiche pour tous ses personnages : se moquant ici des rêves débridés d'Emma tout autant que de la médiocrité de Charles et d'Homais ; ironisant là sur la pusillanimité de Frédéric Moreau, héros sans héroïsme, sorte de Rastignac qui aurait perdu toute ardeur et toutes convictions ; manipulant encore dans Bouvard et Pécuchet (1881) les mille et une formes de la bêtise des petits bourgeois. Ceci explique peut-être que tous ses romans soient à la fois des échecs littéraires et des romans de l'échec : échecs sentimental ou professionnel dans Madame Bovary ou dans Bouvard et Pécuchet, échecs héroïque ou historique dans Salammbô ou dans L'Education sentimentale. La fascination d'un réel à transcrire se prolonge inévitablement chez Flaubert en une indifférence, voire une haine, pour la réalité transcrite mais toujours insuffisante, à tel point que sa volonté d'objectivité peut s'achever en. d'étonnantes aspirations teintées d'idéalisme esthétique ou de « nihilisme » littéraire :



« Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style. »



« Même toute intrigue manque, si simple qu'elle soit. Ce roman va devant lui, contant les choses au jour le jour (...) offrant tout au plus la matière d'un fait divers. »



De fait l'intrigue de Madame Bovary, héritée de la chronique judiciaire d'une gazette, est d'une extrême maigreur, c'est le roman de l'insignifiance ; et celle de L'Education sentimentale n'est i'aite que de l'inactivité et de la passivité rêveuses du héros, c'est le roman de l'inconsistance. Mais chaque fois l'action est ailleurs, dans ce travail souterrain de l'art et de la technique verbale qui réussissent à exprimer dans l'épaisseur des mots de la « plus singulière fontaine pétrifiante de notre littérature » (J. PrévosT) la vie ou la torpeur de la matière, du quotidien, qui entourent les personnages du roman. Quand Emma et Léon se promènent ambureusement, Flaubert ne nous donne ni analyse psychologique du couple, ni récit événementiel précis de la scène. L'expression semble manquer... Mais la description ici se substitue à l'action ; elle devient l'action même ; par sa minutie et la langueur de ses imparfaits elle suggère mieux que tout, sans la dire, l'intensité sentimentale :



« Quelquefois sur la pointe des joncs ou sur la feuille des nénuphars, un insecte a pattes fines marchait ou se posait. Le soleil traversait d'un rayon les petits globules bleus des ondes qui se succédaient en se crevant. (...) Des ravenelles avaient poussé, et. du bord de son ombrelle déployée, Mme Bovary, tout en passant, faisait s'égrener en poussière jaune un peu de leurs fleurs flétries. »



Pareillement, si l'intrigue de la seconde Education sentimentale se dilue dans Timpùïssânce, la banalité passionnelle et les rêves médiocres du héros (« Frédéric pense tout ce qu'on pense, et rêve tout ce qu'on rêve... ») c'est bien que cette intrigue ne saurait constituer pleinement le sujet du roman, pas plus que les mots ou les phrases de Flaubert n'en constituent vraiment la matière, qui est à deviner plutôt dans les blancs et derrière les silences : « A mon avis, écrit Proust, la plus belle chose de L'Education sentimentale, ce n'est pas une phrase mais un blanc- » Seule, dans ce roman déconcertant, l'interminable longueur et langueur du temps est réellement présente, jusqu'à devenir, comme l'écrit Lukâcs, le vrai sujet du texte :



La vie de Frédéric Moreau est tout aussi inconsistante que le monde qui l'entoure ; ni dans l'ordre du lyrisme, ni sur le plan de la contestation, son intériorité ne possède de puissance pathétique capable de faire contrepoids à cette inanité. C'est le cours du temps non entravé et ininterrompu qui est le principe unificateur qui polit tous les fragments hétérogènes du roman et les relie. »



Dès lors, comment situer dans l'histoire du réalisme cette ouvre ambiguë ? En pleine génération naturaliste, de 1874 à 1881, Flaubert rédigera trois livres qui pourraient passer pour trois manifestes de l'anti-réalisme ou pour trois caricatures dérisoires : La Tentation de saint Antoine (1874), Trois contes (1877) et Bouvard et Pécuchet (1881). Pourtant Zola va annexer cette ouvre avec enthousiasme et clamer sur tous les tons que Flaubert est le père du naturalisme. Pour aussi séduisante qu'elle soit, cette perspective n'est guère acceptable et relève d'un malentendu. Si la littérature fut réellement pour l'auteur de Madame Bovary le lieu d'une expérimentation, celle-ci fut beaucoup plus une expérimentation sur le langage qu'une expérience sur la réalité. Le style, plus que cette réalité des choses, fut le lieu de la démiurgie flaubertienne. Et si l'on voulait à tout prix voir en l'écrivain un quelconque initiateur, c'est du côté de chez Mallarmé ou de chez Proust, beaucoup plus que dans les ouvres des Goncourt et de Zola, qu'il faudrait chercher les prémices d'une modernité littéraire dont Baudelaire, à la même époque, fraya également le chemin.



II. - Les expériences naturalistes



On ne lit plus guère aujourd'hui l'ouvre des frères de Goncourt, si ce n'est le Journal qu'Edmond (1822-1896) continua de rédiger après la mort de son frère cadet Jules (1830-1870). A défaut d'appartenir au corpus de l'école naturaliste, les romans des deux frères, admirateurs passionnés de Flaubert, en constituent les prémices les plus remarquables- Venus de l'histoire (ils rédigèrent une Histoire de la société pendant la Révolution et une Histoire de l'art français du X VIIIe sièclE) les_ Goncourt veulent précisément appliquer au roman la méthode historique : accumulation de documents^ exploitation systématique, rigueur démonstrative. « Les historiens, disent-ils, sont les raconteurs du passé ; les romanciers sont les raconteurs du présent. » Les deux frères vont s'atteler à cette tâche avec le souci premier de traquer impitoyablement la vérité des faits et des caractères. Aussi empruntent-ils directement la plu-part de leurs personnages à la réalité qu'ils ont per-sonnellement vécue : Sour Philomène (1861) est l'histoire d'une infirmière de l'hôpital de Rouen qui leur fut rapportée par L. Bouilhet, Germinie Lacer-teux (1865) a les traits de l'une de leurs anciennes bonnes et Renée Mauperin (1864) ceux d'une amie d'enfance. Leur respect scrupuleux du « vrai » ne se dément pas dans l'évocation qu'ils font, rigoureuse mais complaisante, des bas-fonds et des basses classes sociales. Partout leur expérience précède leur écriture : ils se rendent dans les hôpitaux avant d'entreprendre Sour Philomène, vont chez les artistes de Barbizon avant de rédiger Manette Salo-mon (1867) et fréquentent les plus sordides milieux banlieusards avant d'écrire Germinie Lacerteux. Ce qui les intéresse là n'est d'ailleurs pas seulement telle ou telle « matière sociale » mais encore un certain nombre de « cas » relevant beaucoup plus d'un diagnostic physiopathologique que d'une approche sociologique. « Toute notre ouvre, ont-ils déclaré, repose sur la maladie nerveuse... » De fait, on relèvera dans leurs romans ce goût constant pour tout ce qui échappe à la normalité, cette fascination pour la cristallisation en un corps ou en un cerveau de maux qui ne sont peut-être d'ailleurs que les métaphores des « maladies sociales ». Zola, dans Les Rougon-Macquart, se souviendra de ces récits qui ne progressent qu'au rythme de la lente mais inexorable dégradation mentale et physique d'un individu : l'hystérie de Germinie Lacerteux, la folie précoce de Charles Demailly (1860) ou les doubles progrès de la phtisie et de la « paranoïa mystique » de Madame Ger-vaisais (1869).



Pour rendre compte le plus fidèlement possible de toutes les nuances des portraits ou des tableaux qu'ils avaient à faire les Goncourt ont voulu se donner un style nouveau qu'ils appellent « l'écriture artiste ». Le but est de créer chez le lecteur « la plus vive impression du vrai humain ». Mais les dialogues bavards, les longs retours en arrière, les descriptions surchargées, les incorrections volontaires, voire la préciosité du style (qui n'est pas sans annoncer parfois l'écriture « décadente » des années 1880) montrent surtout les limites d'une expérience qui rejoint l'artificialité en prétendant à la véracité totale. Du naturalisme l'oeuvre des Goncourt montre d'ailleurs avant l'heure les deux excès qui ne pouvaient que le ruiner : un aspect scientiste très vite désuet, très difficilement conci-liable avec les exigences de l'écriture littéraire, et une complaisance dans un réalisme de la laideur et de l'anormalité très vite affbgeante ou mutilante. Zola, heureusement, devait voir plus loin et autrement.



C'est pourtant, selon Emile Zola lui-même (1840-1902), la lecture de Germinie Lacerteux qui aurait suscité l'avènement de sa propre création romanesque. Mais les influences qui se sont exercées sur celui qui, dès 1867 et la publication de Thérèse Raquin, apparaît comme le chef de file de l'école naturaliste (dont les principales figures seront celles d'H. Céard, de P. Alexis, de J. K. Huysmans et bien sûr de MaupassanT), étaient plus sérieuses et plus anciennes- Celle de Flaubert d'abord, qu'il vénérait comme un maître et un précurseur. Celle aussi d'autres « idoles » que Zola loua souvent à juste titre mais parfois avec un enthouisasme qui paraît aujourd'hui naïf : Auguste Comte dont il saura concilier le positivisme avec le pathétisme littéraire, Darwin dont les travaux sur l'évolution des espèces le fascinèrent, Claude Bernard dont l'Introduction à la médecine expérimentale marqua toute sa théorie littéraire, mais encore le Dr Lucas dont les études sur l'hérédité l'entraînèrent dans bien des démonstrations hasardeuses. Toujours est-il que de ces travaux d'ordre essentiellement scientifique Zola a prétendu tirer des applications exploitables dans le vaste champ d'expérience que pouvait lui fournir la littérature. C'est dans cette volonté de transposition des principes et des méthodes que s'enracine sa théorie naturaliste qu'il précisera dans deux ouvrages : Les Romanciers naturalistes (1881) et surtout Le Roman expérimental (1880).



« Un roman expérimental est simplement le procès-verbal de l'expérience que le romancier répète sous les yeux du public. En somme, toute l'opération consiste à prendre les faits dans la nature, puis à étudier le mécanisme des faits, en agissant sur eux par les modifications des circonstances et des milieux. »



Mais les principes scientifiques sur lesquels l'expérience naturaliste était fondée sont aujourd'hui souvent si dépassés qu'il ne convient pas de juger l'oeuvre de Zola à travers eux seuls. Que vaudrait-elle en effet si elle ne valait qu'en tant qu'illustration des thèses de Lucas ou de Letourneau... ? Mais cette ouvre, au même titre que celles de Hugo et de Balzac, est également l'une des plus visionnaires .



Aussi, et contrairement aux romans balzaciens et surtout stendhaliens, les personnages ne sont-ils pas premiers dans l'univers romanesque de Zola. Plus que les visages de Gervaise, de Lantier ou de Mouret, ce sont les forces anonymes d'une époque, les mythes fascinants d'un monde nouveau qui emplissent et font vibrer toute son ouvre : les Halles monstrueuses du Ventre de Paris (1871), les labyrinthiques magasins de Au bonheur des dames (1881), l'argent maléfique et conquérant de La Curée (1871), le Paris de jeu et de chair de Nana (1880), la mine de Germinal. Certes Zola affectionne les analyses de cas pathologiques précis et n'hésite pas à investir tous ses fantasmes personnels (fécondité, inceste, meurtre, folie, etc.) dans plus d'un de ses personnages ; mais dans tous les cas l'essentiel est que le drame de l'individu est élevé par le roman à la dimension d'un mythe collectif : ainsi derrière la trouble passion de Jacques Lantier pour sa Lison, locomotive aux traits de « bête humaine », c'est la fascination, la peur et la servitude aliénante de l'homme devant la machine qui transparaissent déjà.



Sur la fin de sa vie Zola devait montrer que les principes de son naturalisme romanesque n'étaient pas incompatibles avec ceux d'un naturalisme philosophique, moral ou même militant. Dénonciateur dans Les Trois Villes (Lourdes, Rome, Paris, 1894-1898) des tyrannies de l'Eglise ou nouveau « messie » des Quatre évangiles de la modernité laïque (Fécondité, Travail, Vérité, Justice, 1899-1902), il restera jusqu'au bout cohérent avec lui-même, dans ses thèses et dans ses engagements. Son célèbre éditorial de L'Aurore du 13 janvier 1898, « J'Accuse », lors de l'affaire Dreyfus, avait déjà prouvé que lui qui s'était donné pour but d'écrivain « d'inventer dans l'épaisseur de la réalité » savait aussi que « le politique n'est pas la dimension par où l'être de l'homme échappe à la nature, c'est celle par où il la retrouve et se replonge en elle ». Quand, en 1902, Anatole France déclara devant sa tombe que « Zola fut un moment de la conscience humaine », l'emphase de son propos avait au moins le mérite de rendre hommage à l'une des plus lucides prises de conscience de tous les phénomènes décisifs qui venaient d'avoir lieu - en l'espace de deux générations - dans notre société française.



III. - Figures do réalisme et du naturalisme



Nombreuses sont autour des grands romanciers que nous venons d'évoquer les figures des petits et des obscurs qui menèrent, souvent avec succès, la « bataille du réalisme » dans les années 1850-1870. Henri Murger (1822-1861) par exemple, qui connut un immense succès en 1848 avec ses Scènes de la vie de bohème. Champfleury (1821-1889) ensuite, dont les plus célèbres chroniques romanesques (Les aventures de Mlle Mariette ou Les souffrances du P* De-teiL) sont écrites contre tout l'appareil du romanesque traditionnel : ses poncifs, sa sentimentalité, ses « missions », sa poésie même. Duranty encore, auteur du Malheur d'Henriette Gérard (1860), qui dirigea avec Champfleury en 1857 une éphémère revue, Le Réalisme, où se lurent les grands mots d'ordre d'un réalisme théorique, prônant au nom du « vrai-utile » « la reproduction exacte, complète, sincère, du milieu où l'on vit, parce qu'une telle direction d'études est justifiée par la raison, les besoins de l'intelligence et l'intérêt du public ».



Plus intéressante nous paraît l'ouvre d'A. Daudet (1840-1897) en ce sens qu'elle montre comment l'étroitesse apparente des voies réaliste et naturaliste n'était pas incompatible avec une certaine forme de poésie. Daudet fut certes un auteur de romans de mours, à la manière des Goncourt et de Zola, tels Le Nabab ou Sapho. Mais sa verve provençale et son humour l'ont toujours empêché de sombrer dans le pessimisme ou le scientisme sclérosé. Aussi la postérité se souvient-elle surtout de lui comme de l'auteur des succulentes Lettres de mon moulin (1869), du Petit Chose (1868), des Contes du lundi (1873) ou de Tartarin de Tarascon (1872), autant de textes qui mêlent à plaisir les qualités de l'observateur pertinent et les dons du savoureux « poète de terroir » qu'il fut.



L'originalité de Maupassant (1850-1893) est, à l'inverse de celle de Daudet, d'avoir été jusqu'aux limites de l'expérience réaliste et naturaliste. Cet admirateur de Balzac et disciple de Zola aux « soirées de Médan » fut en fait surtout marqué par les leçons qu'il reçut directement de Flaubert. De la technique de ce dernier il gardera toujours cet acharnement à la mise en valeur des détails significatifs et le souci d'une expression à la fois réaliste et originale :

« Il me forçait à exprimer, en quelques phrases, un être ou un objet de manière à le particulariser nettement, à le distinguer de tous les autres êtres ou de tous les autres objets de même race ou de même espèce. »



Encouragé par le succès de Boule de suif (1880) il publie ensuite une série de contes conçus comme des sortes d'études de mours des paysans normands. Dans ces narrations souvent brèves, comme La Ficelle ou La bête à Maître Belhomme, se montre partout le goût de l'auteur pour le détail approprié, évo-cateur, inquiétant même : « Le réaliste, écrit-il, s'il est artiste, cherchera non pas à nous donner la photographie de la vie, mais à nous en donner la vision la plus complète, plus saisissante et plus probante que la réalité même. » Or cette vision participe chez Maupassant d'une espèce de nihilisme qui voit le romancier nier les promesses de la science et du génie humain aussi bien que Dieu et les duperies de la religion : « Le monde ne montre partout que l'éternelle, l'universelle, l'indestructible et omnipotente bêtise. » C'est de ce pessimisme noir qu'est marquée l'écriture des grands romans que sont Bel-Ami (1885) ou Pierre et Jean (1880). Mais c'est sans doute dans ses dernières nouvelles, terriblement angoissées, comme La Peur ou Le Horla, que se lit le plus toute la détresse du créateur. A la manière de ses personnages fous ou hallucinés, l'écrivain se perd de douleur devant la monstruosité qu'ils pressent dans la réalité et dans sa propre personne. Incapable de dominer le réel et d'en venir à bout par l'écriture, il peut s'écrier comme la victime du Horla : « II n'est pas mort, alors... alors.., il va donc falloir que je me tue, moi ! » Il mourra fou, en 1893, dans la tristement célèbre clinique du Dr Blanche.



Ajoutons à ce florilège du réalisme et du natu-rab'sme le nom de Jules Vallès (1832-1885) qui, tout en restant en marge des modes littéraires du moment, laissa avec son admirable trilogie Jacques Vingtras (L'Enfant, 1879 ; Le Bachelier, 1881 ; L'Insurgé, 1886) le plus bel exemple d'une littérature de la dénonciation sociale. Sans jamais prétendre à l'objectivité systématique de ses contemporains, Vallès sut parfaitement décrire, cruellement parfois, les turpitudes, les mépris et les injustices d'une société qu'Octave Mirbeau, avec toute la fougue de son imagination, ou Charles-Louis Philippe, avec les accents d'un ressentiment plus pudique, devaient aussi stigmatiser.



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