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Paul Verlaine - Impressionnisme et mélodie poétiques






Pour avoir partagé un moment l'existence de Rimbaud, Paul Verlaine n'en eut jamais ni l'audace convaincue ni la force de renoncement. Là où son ami fut brillant et violent, Verlaine fut beaucoup plus discret, beaucoup plus nonchalant aussi. Et son ouvre, plus de huit cents pages, est de la plus grande inégalité : commencée dans l'imitation des Parnassiens elle s'achève dans d'attristantes confessions teintées d'érotisme et de religiosité. Mais en son cour, dans les quinze années qui séparent les Poèmes saturniens de Sagesse, elle se révèle être, une merveilleuse recherche pour faire de la poésie la chanson de la vie.





Comme Rimbaud, c'est l'approbation des Parnassiens que recherche le jeune Verlaine. En 1866 il collabore au recueil du Parnasse contemporain et publie quelques mois après son premier grand recueil, Poèmes saturniens, où se lit son.admiration pour ses amis littéraires et leur esthétique. Néanmoins, cette collection de tableaux ou d'esquisses à la mode porte déjà la marque authentique de la sensibilité inquiète et voluptueuse, tourmentée et sensuelle, d'un génie très personnel qui ne se contente pas de simples compilations. Sa Chanson d'automne, si proche sur le fond du « mal » romantique et du « spleen » baudelairien, invente une nouvelle musique où s'investissent avec délicatesse l'angoisse et la douleur, et ses Soleils couchants n'ont plus rien de la splendeur un peu glacée des crépuscules d'un Hérédia mais s'ouvrent pleinement, au gré de l'incantation verbale, à toute l'intimité d'une rêverie :



Une aube affaiblie

Verse par les champs

La mélancolie

Des soleils couchants.

La mélancolie

Berce de doux chants

Mon cour qui s'oublie

Aux soleils couchants.



Mais c'est dans Les Fêtes galantes (1869), inspirées des toiles de Watteau et d'autres peintres des charmes et du libertinage du siècle des Lumières, que se dévoile mieux encore l'originalité du jeune poète. Paraissant s'inscrire dans la grande tradition de la poésie descriptive, Verlaine y renouvelle en fait complètement la notion de paysage poétique : celui-ci cesse d'être le décor complice d'une passion ou d'un drame, comme il l'était chez les romantiques, ou le prétexte à un pur effet esthétique, comme trop souvent chez les Parnassiens, pour se faire espace d'expression et de cristallisation des sensations les plus subtiles et les plus exquises. Dans le paysage verlainien tout élément de la description est également sensation, toute lumière est aussi sentiment, tout concourt à peindre dans les grâces ou les mystères d'un décor le « paysage intérieur » d'une âme troublée :



Votre âme est un paysage choisi

Que vont chantant masques et bergamasques, (...)

Et leur chanson se mêle au clair de lune.

Au calme clair de lune triste et beau.

Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres

Et sangloter d'extase les jets d'eaux.

Les grands jets d'eau gveltes parmi les marbres.



Un an plus tard, quand il publie La Bonne Chanson, d'autres paysages, plus radieux, révèlent un bonheur que la poésie du Verlaine jusque-là angoissé et sans cesse menacé par les abus d'alcool ne laissait pas présager. C'est qu'il vient de se fiancer avec la jeune Mathilde Mauté qu'il va épouser en août 1870. Mais les joies de l'amoureux sont fragiles et l'enthousiasme de l'idylle s'appelle aussi inquiétude de l'avenir :



J'ai presque peur, en vérité.

Tant je sens ma vie enlacée

A la radieuse pensée

Qui m'a pris l'âme l'autre été.



La guerre, les troubles de la Commune, la rencontre en septembre 1871 de Rimbaud, ce « Satan enfant », vont briser une union qui vivait déjà sur trop de malentendus. Verlaine s'enfuit avec celui qui veut en faire le complice de ses délires, au gré d'une vie de vagabonds en Belgique et en Angleterre. La poésie française va gagner là, dans cette même course errante et débauchée, deux de ses plus grandes oeuvres pourtant bien différentes : les poèmes « infernaux » de l'alchimiste du verbe et les Romances sans paroles du musicien du vers. Ces dernières ne seront publiées qu'en 1874 après la rupture des deux amis. C'est en elles que se révèle pleinement tout l'art de leur auteur, et que se dessine toute sa contribution originale à l'esthétique symboliste dont il est, beaucoup mieux encore que Baudelaire et que son cadet Rimbaud, l'un des maîtres incontestables.

Verlaine en effet ne va pas, comme Rimbaud, fonder la nouveauté de sa poésie dans les extravagances vécues d'un moi qui n'hésite pas à faire le grand saut dans 1' « inconnu ». Pas d'arrachement brutal chez lui, pas de violence non plus du langage : c'est que le JE ici n'est pas « un autre », qu'il n'est pas fasciné par les aliénations et les envoûtements miraculeux du verbe. Le poète ne s'exile pas dans d'autres réalités ; il se laisse plutôt effleurer, parfois pénétrer, par la multitude des réalités du monde - êtres, objets, paysages - pour proférer un langage, murmure ou chuchotement, dont la valeur est moins dans le sens que dans l'accent, la force moins dans l'intensité que dans la mélodie. Refusant les brutalités d'un dépaysement absolu, Verlaine accepte pleinement en revanche l'épar-pillement et la dissipation de la personnalité dans l'impersonnalité et la discrète opacité des éléments du temps (souvenirs et regrets des Ariettes oubliéeS) ou de l'espace (pluies, brouillards, crépusculeS). Rarement un poète a aussi bien rendu cette délicieuse mais troublante dissolution du MOI dans l'éphémère et inconsistante réalité des choses et du langage :



La fuite est verdâtre et rose

Des collines et des rampes.

Dans un demi-jour de lampes

Qui vient brouiller toute chose.

(Simples Fresques.)



Et en cela précisément Verlaine rénove de manière essentielle l'esprit du symbolisme. Si être symboliste consistait seulement à user des symboles du langage pour signifier que derrière les apparences et derrière les signes résident un sens et une essence cachés, Verlaine ne serait pas ou très peu symboliste. La notion de « transposition symbolique », très évidente chez des romantiques comme Vigny et encore présente dans l'esthétique baudelairienne, n'a guère cours dans sa poétique, tant le signe et le signifié, le symbole et la réalité vivent d'une même unité indissociable. Ici par exemple l'âme se dissout dans le décor des réalités, là le paysage tout entier investit les profondeurs du cour, et l'on ne sait lequel des deux termes, de l'impersonnelle sensation ou de l'évocation descriptive, est symbobque de l'autre :



Il pleure dans mon cour

Comme il pleut sur la ville.

Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon cour ?



La baison avec Rimbaud s'est achevée dans le drame. En juillet 1873 Verlaine, dans un moment d'ivresse, tire à deux reprises sur son ami et le blesse. Condamné à deux ans de prison, il est incarcéré à Bruxelles, puis à Mons. Le temps de la prison semble être aussi pour lui celui d'une « conversion » qu'exprimeront les poèmes du dernier de ses grands recueils : Sagesse, qui paraîtra en 1881. Conversion religieuse et mystique d'abord ; le chemin du malheur, écrit Verlaine, était aussi un chemin vers Dieu :



Et voici qu'au contact glacé du doigt de fer

Un cour me renaissait, tout un cour pur et fier.

Et voici que, fervent d'une candeur divine.

Tout un cour jeune et bon battit dans ma poitrine.

(Sagesse I, 1.)



Conversion existentielle aussi. Finis les égarements, finies les tentations, finis les enfers ; il est temps, soupire le poète, de retrouver la pure et fraîche innocence d'une vie calme :



Le ciel est par-dessus le toit,

Si bleu, si calme !

Un arbre par-dessus le toit,

Berce sa palme. (...)

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là.

Simple et tranquille.

Cette paisible rumeur-là

Vient de la ville.

(Sagesse III, 6.)



Pourtant que d'illusions dans cette sagesse ! Les nouveaux déboires de l'existence en auront vite raison, et cette fois ce n'est plus la vie seule mais également la création poétique qui vont en souffrir. Rimbaud avait cessé d'écrire et cessé de vivre une fois reconnues les doubles limites de la vie et de la poésie. Verlaine, hélas ! va prolonger la médiocrité de sa vie par l'indigence d'une poésie qui témoigne tour à tour de ses « sages » et impossibles résolutions (Jadis et Naguère, Amour, Bonheur, Liturgies intimeS) et de ses rechutes dans le vice et le « péché » (Parallèlement, Chansons pour elle, Odes en son honneuR).

Pourtant, lors de ses obsèques en janvier 1896, c'est toute une foule d'écrivains et de poètes qui tient à lui rendre un tardif mais sincère hommage. La légende d'un Verlaine grand novateur technique est déjà née. Et il est vrai que c'est bien pour sa poétique plus que pour sa poésie elle-même que Verlaine apparaîtra comme un modèle et un initiateur aux poètes de la fin du siècle. Cette poétique est tout entière résumée dans un grand texte écrit dès 1874 et qui sera relu plus tard comme un véritable manifeste symbobste : Art poétique. Le principe essentiel en est clair : que toute poésie soit musique et légèreté :



De la musique encore et toujours !

Que ton vers soit la chose envolée

Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée

Vers d'autres cieux à d'autres amours.



Au service de cette musique Verlaine convie toutes les techniques de la versification, à commencer par celles de la syntaxe et de la métrique poétiques. Quand il se sert de l'alexandrin classique c'est pour le disloquer en rompant sans cesse la monotonie des hémistiches par le rythme ternaire, en multipliant rejets et enjambements, pour que le vers et la strophe, transformés en une ingénieuse suite de combinaisons accentuelles, épousent parfaitement les troubles de l'émotion. Mais sa musique « aérée » exige aussi de l'inédit :



De la musique avant toute chose

Et pour cela préfère l'Impair,

Plus vague et plus soluble dans l'air.

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.



Aussi le poète ne ccsse-t-il d'inventer et de réinventer les mètres impairs, maniant avec autant de dextérité le pentasyllabe (Je ne sais pourquoi...), l'heptasyllabe et le vers de neuf pieds (Chevaux de bois, Art poétiquE) et surtout le très mélodieux hendecasyllabe dont il tire de merveilleux effets (Crimen amoriS). Même subtilité dans les jeux, tantôt discrets tantôt audacieux, des rimes et des assonances qui font oublier, tant l'oreille est séduite, s'il s'agit encore de vers ou s'il s'agit plutôt de poésie en prose...

Mélodieuse, rythmée, cette poésie se veut enfin et surtout « nuancée ». Pareille à ces tableaux de Manet où l'oil conserve la liberté de reconstruire l'espace et le motif dans le jeu des multiples touches du pinceau, la poésie de Verlaine est toujours enchaînement d' « impressions », suggérées en demi-teintes, collection de pastels délicats. Les textes de Rimbaud se voulaient symphonies bruyantes ou tableaux riches en couleurs ; Verlaine préfère la romance ou la sonate à la symphonie, la nuance à la couleur :



Car noua voulons la Nuance encor.

Pas la Couleur, rien que la nuance !

Oh ! la nuance seule fiance

Le rêve au rêve et la flûte au cor !



C'est dans cet élégant impressionnisme littéraire (qui rappelle bien sûr l'impressionnisme pictural, mais qui ne sera pas sans influence également sur l'impressionnisme musical d'un DebussY) qu'excelle Verlaine dans les meilleurs de ses textes, quand les impressions senties et vécues de la réalité retournent à la réalité dans le flux léger des mots d'une chanson qui sait oublier qu'elle est aussi littérature :



Que ton vers soit la bonne aventure

Eparsc au vent crispé du matin

Qui va fleurant la menthe et le thym...

Et tout le reste est littérature.



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