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MONGO BETI - Le Pauvre Christ de Bomba






«Le R. P. S.1 n'a presque pas mangé. Zacharic2, qui assistait au repas, a pris une mine vexée et lui a demandé:

«Père, ma cuisine ne te plaît donc plus ?...»

Naturellement, le R. P. S. a protesté du contraire. Quel hypocrite, ce Zacharic!

Bien sûr, ce n'est pas lui qui avait préparé le repas, mais des gosses, non plus ceux du catéchisme local qui n'en a que de très jeunes, mais des gosses venus de n'importe où, qui ont manipulé la nourriture du R. P. S. et y ont peut-être laissé des germes de maladie. Mon Dieu, que je suis malheureux! Voir chaque jour les hypocrisies de Zacharie et ne même pas pouvoir en toucher un mot au R. P. S.! Et j'ai tellement peur de faire une remarque à Zacharie; il me dirait comme il le fait si souvent: «Non, mais, dis donc, pour qui vas-tu te prendre, maintenant ? Pour le fils du R. P. S. ? Oh! je ne doute pas qu'il en ait, des enfants, mais ils n'ont certainement pas ta couleur, mon petit père...»



Après le repas, le R. P. S. s'est mis au travail avec le catéchiste qu'il interrogeait. Oui, j'ai suivi cet entretien tant que j'ai pu, puis je suis venu me coucher. D'ailleurs, Zacharie m'avait passablement exaspéré avec ses interventions que personne ne lui demandait. Par exemple, le R. P. S. a posé cette question au catéchiste local:

«À ton avis, pourquoi les gens se détournent-ils ainsi de la religion ? A ton avis, pourquoi y étaient-ils venus en masse au début ? »



Le catéchiste a répondu:

«Mon Père, autrefois nous étions pauvres; or, le Royaume du Ciel n'appartient-il pas aux pauvres ? Rien d'étonnant si, alors, les nôtres se sont convertis à la religion de Dieu. Mais aujourd'hui, penses-y toi-même, Père, ils viennent d'acquérir des quantités incroyables d'argent en vendant leur cacao aux Grecs; ils sont riches. Or, n'est-il pas plus facile au dromadaire de passer à travers le trou d'une aiguille qu'à un

riche d'aller au ciel ?...»

Mais voilà que soudain Zacharic prend la parole, interrompant les paroles pleines de sagesse du catéchiste:

«Allons donc! fait-il, ce n'est pas du tout cela, voyons! Moi, je vais te dire de quoi il retourne exactement, Père. Eh bien, voilà. Les premiers d'entre nous qui sont accourus à la religion, à votre religion, y sont venus comme à...une révélation, c'est ça, à une révélation, une école où ils acquerraient la révélation de votre secret, le secret de votre force, la force de vos avions, de vos chemins de fer, est-ce que je sais, moi... le secret de votre mystère, quoiîAu lieu de cela, vous vous êtes mis à leur parler de Dieu, de l'âme, de la vie éternelle, etc. Est-ce que vous vous imaginez qu'ils ne connaissaient pas déjà tout cela avant, bien avant votre arrivée? Ma foi, ils ont eu l'impression que vous leur cachiez quelque chose. Plus tard, ils s'aperçurent qu'avec l'argent ils pouvaient se procurer bien des choses, et par exemple des phonographes, des automobiles, et un jour peut-être des avions. Et voilà! Ils abandonnent la religion, ils courent ailleurs, je veux dire vers l'argent. Voilà la vérité, Père; le reste, ce n'est que des histoires...»

Et parlant ainsi, il prenait un air important. Je bouillais d'indignation en entendant ce discours creux d'illettré, ce bla-bla-bla, comme dirait le Père Le Guen, le nouveau vicaire... Je sentais la sueur dégouliner sur mon front, le long de mon nez, sur mes joues, et se former en goutte ette; Ma pointe de mon menton, tellement m'echauffait la colère. Je l'aurais volontiers gratifié de quelques gifles... Chose curieuse, le R. P. S. l'écoutait attentivement...»



(Paris, Présence Africaine, 1976, p. 53-55 )



De son vrai nom Alexandre Biyidi Awala, Fauteur prend, pour nom de plume, celui de Mongo Beti (beti = fils du pays des Bêtis, en langue EwondO) après avoir publié un premier roman, Ville cruelle (1954) sous celui d'Eza Boto. Il est né en 1932 à Akometam à quelque 60 km de Yaoundé (capitale du CamerouN) et a fait ses premières études au pays (lycée Lcclerc à Yaoundé). Bachelier, il s'installe en 1951 en France où il poursuit des études supérieures de Lettres, à Aix-en-Provcnce, puis à la Sorbonne à Paris. Il commence à écrire ses nouvelles (Sans haine et sans amour, 1953) et romans, tout en travaillant pour la revue Preuves et en tant que maître auxiliaire au lycée de Rambouillet. Professeur certifié, agrégé de Lettres classiques (1966) il enseigne au lycée Corneille de Rouen (1966-1994). 11 revient à l'écriture, lance la revue Peuples Noirs - Peuples africains. En 1991, Mongo Beti retourne au Cameroun, après 32 années d'exil, ouvre à Yaoundé la «Librairie des Peuples noirs», crée des associations de défense des citoyens, écrit de nombreux articles de protestation. Il meurt à Douala en octobre 2001.



Ouvres:



- Ville cruelle (1954)

- Le pauvre Christ de Bomba (1956)

- Mission terminée (1957; prix Sainte-Beuve 1958)

- Le roi miraculé (1968)

- Main basse sur le Cameroun, autopsie d'une décolonisation (1972 - pamphlet censuré)

- Perpétue et l'habitude du malheur ( 1974)

- Remember Ruben (1974)

- La ruine presque cocasse d'un polichinelle (1979)

- Les deux mères de Guillaume Ismaël Dzewamata, futur camionneur (1983)

- La revanche de Guillaume Ismaël Dzewamata (1984)

- Dictionnaire de la négritude (1989, avec sa femme, Odile TobneR)

- L'histoire du fou (1994)

- Trop de soleil tue l'amour (1999)

- Branle-bas en noir et blanc (2000) (Ces deux derniers romans font partie d'une trilogie restée inachevéE)

- Africains si vous parliez (2005 - posthumE)



Le pauvre Christ de Bomba, à la différence de Ville cruelle, roman qui a passé presque inaperçu par la critique, a réussi a jeté l'émoi parmi les Occidentaux aussi bine que les Africains; le véritable scandale est déclenché par son thème provocant, la description satirique du monde missionnaire et colonial et par la force vigoureuse à laquelle s'allie l'humour. L'action se déroule dans les années '30 et prend la forme de journal que tient le jeune Denis, domestique du père Drumont, pendant la tournée que celui-ci entreprend dans le pays des Tala (dépendant de la mission de BombA). Comme le montre si bien Bernard Mouralis, l'effet produit par le récit est le fruit d'un décalage entre:

«- les faits rapportés par Denis et l'idée communément reçue de Faction missionnaire;

- le regard tranquille du narrateur et une réalité qui s'avérait scandaleuse;

- le propos apparent d'un simple journal de voyage et une construction romanesque plus élaborée;

- la brièveté et la banalité de cette tournée d'un missionnaire et de son cuisinier et le caractère décisif de ce qui se révélait être pour chacun un véritable parcours initiatique.»



Commentaire suivi



C'est le moment du repas, mais le Révérend Père Supérieur n'y goûte presque pas, fatigué, déçu et préoccupé. Le cuisinier qu'il a emmené dans la tournée pour ne pas changer de nourriture, Zacharie, s'en montre vexé: on n'aime pas sa cuisine, semble-t-il. Mais Zacharie, que le RPS garde auprès de lui malgré l'absence de caractère et l'hypocrisie, n'a pas préparé ce repas. Denis se fait des soucis car des gosses venus de n'importe où n'ayant pas respecté l'hygiène en préparant les plats, auraient pu y laisser des germes de maladie. Denis, qui aime le RPS comme un père, s'en trouve malheureux; malheureux d'enregistrer les hypocrisies de Zacharie, mais aussi de ne rien en pouvoir dévoiler; en plus, il éprouve de la peur devant Zacharie qui, plus d'une fois par le passé, lui avait reproché cet amour filial et lui avait fait comprendre sa place en tablant sur la couleur de sa peau.



Le travail du RPS consistait surtout en des entretiens avec les catéchistes locaux qu'il interroge pour comprendre la cause qui détermine les Africains à se détourner de la religion et saisir par là si ceux-là font leur métier correctement, s'ils enseignent le catéchisme tel qu'il devrait être. Denis est exaspéré par les interventions inopportunes de Zacharie.



L'exemple que choisit Denis, au-delà de l'importance de la question, va dévoiler un état de choses évident et inquiétant: il s'agit de savoir pourquoi les gens, qui étaient venus en masse vers l'Église, au début, s'en détournent maintenant. Le catéchiste va donner une réponse en apparence logique, mais subtilement comique, ne prenant pas pour point de départ la foi chrétienne ou son absence, mais un aspect extérieur, trivial: le ciel est promis aux pauvres, donc les Africains se sont convertis à la religion de Dieu. Maintenant, comme ils gagnent de l'argent en vendant leur cacao aux commerçants grecs, ils sont riches. Et fort de ses lectures saintes, il introduit comme preuve éclatante un aphorisme: n 'est-il pas plus facile au dromadaire de passer à travers le trou d'une aiguille qu'à un riche d'aller au ciel ... ? L'ironie de cette "richesse", qui cache l'exploitation (voir Ville cruellE) et sa généralisation à l'ensemble de la population, souligne l'incompétence du catéchiste et sa superficialité.



Jusqu'à Denis qui se laisse tromper (par les paroles pleines de sagesse du catéchiste !). Zacharie s'y môle pour remédier à la vérité des choses. Il s'oppose carrément au catéchiste {ce n 'est pas du tout celA). Il fait voir que si les Africains sont accourus à la religion au début, c'est qu'ils la voyaient comme une révélation du secret de la force des Blancs (avions, chemins de fer...). La faute a été de ne pas dévoiler ce mystère, mais de leur parler de Dieu, de l'âme, de la vie éternelle, etc. C'est de ne pas avoir compris que les Africains connaissaient déjà tout cela. Ce qu'ils avaient découvert, c'était le pouvoir que donnait l'argent, ils courent donc maintenant vers l'argent et abandonnent la religion.

Sûr de sa vérité (le reste ce n'est que des histoireS), imbu de la profondeur philosophique de ses vues, il prenait un air important. L'indignation bouillonnante de Denis se manifeste par des signes extérieurs de surexcitation et de colère (Je sentais... la colèrE). Le RPS, chose curieuse, l'écoute attentivement.



A consulter



1. Anazie, Sunday O., Sociologie du roman africain,

Paris, Aubier-Montaigne, 1970.

2. Brière Eloïse, «Résistance à l'acculturation dans l'ouvre de Mongo Beti», dans Canadian Journal of African Studies/Revue Canadienne des Études Africaines, vol. 15, no. 2, 1981, p. 181-199.

3. Gérard, A., Études de littérature africaine francophone, Dakar/ Abidjan, N.E.A., 1977.

4. Lambert, Fernando, «Narrative Perspectives in

Mongo Betis's Le pauvre Christ de Bomba», dans YaleFrench Studies, no. 53, 1976, p. 78-91.

5. Melon, Thomas, Mongo Beti, l'homme et le destin,

Paris, Présence africaine, 1971.

6. Mouralis, Bernard, Comprendre l'ouvre de Mongo

Beti, Paris, Ëds. Saint-Paul, 1981.






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