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MARIAMA BÂ - Une si longue lettre - Commentaire






« Et au crépuscule de ce même dimanche où Ton mariait Binetou, je vis venir dans ma maison, en tenue d'apparat et solennels, Tamsir, le frère de Modou, entre Mawdo Bâ et l'imam de son quartier. D'où sortaient-ils si empruntés dans leurs boubous empesés ? Ils venaient sûrement chercher Modou pour une mission importante dont on avait chargé l'un d'eux. Je dis l'absence de Modou depuis le matin. Ils entrèrent en riant, reniflant avec force l'odeur sensuelle de l'encens qui émanait de partout. Je m'assis devant eux en riant aussi. L'imam attaqua : - Quand Allah tout puissant met côte à côte deux êtres, personne n'y peut rien.



- Oui, oui, appuyèrent les deux autres. Une pause. 11 reprit souffle et continua :

- Dans ce monde, rien n'est nouveau.

- Oui, oui, renchérirent encore Tamsir et Mawdo.

- Un fait qu'on trouve triste l'est bien moins que d'autres...

Je suivais la mimique des lèvres dédaigneuses d'où sortaient ces axiomes qui peuvent précéder l'annonce d'un

événement heureux ou malheureux. Où voulait-il donc en venir avec ce préambule qui annonçait plutôt un orage ? Leur venue n'était donc point hasard. Annonce-t-on un malheur aussi endimanché? Ou voulait-on inspirer confiance par une mise impeccable ?

Je pensais à l'absent. J'interrogeai dans un cri de fauve traque:

- Modou ?

Et l'imam, qui tenait enfin un fil conducteur, ne le lâcha plus. Il enchaîna, vite, comme si les mots étaient des braises dans sa bouche :

- Oui, Modou Fall, mais heureusement vivant pour toi, pour nous tous, Dieu merci. Il n'a fait qu'épouser une deuxième femme, ce jour. Nous venons de la mosquée du Grand-Dakar où a heu le mariage.

Les épines ainsi ôtees du chemin par l'imam, Tamsir osa :

- Modou te remercie. Tl dit que la fatalité décide des êtres et des choses : Dieu lui a destiné une deuxième femme, il n'y peut rien. Il se félicite pour votre quart de siècle de mariage où tu lui as donné tous les bonheurs qu'une femme doit à son mari. Sa famille, en particulier moi, son frère aîné, te remercions. Tu nous as vénérés. Tu sais que nous sommes le sang de Modou.

Et puis, les éternelles paroles qui doivent alléger l'événement : « Rien que toi dans ta maison si grande soit-elle, si chère que soit la vie. Tu es la première femme, une mère pour Modou, une amie pour Modou. »

(Paris, Le Serpent à plumes, 2001, p. 72-73)



Mariama Bâ est née en 1929 au Sénégal où elle est élevée, après la mort de sa mère, par ses grands-parents maternels, musulmans traditionalistes, et scolarisée à l'école française. À l'école Normale de Rufisquc (à partir de 1943) elle a des résultats d'examens brillants et obtient son diplôme d'institutrice en 1947. Après douze ans d'enseignement, elle demande, pour des raisons de santé, son affection à l'Inspection régionale de l'enseignement du Sénégal. Mère de neuf enfants, divorcée, elle fut l'épouse du député Obèye Diop. Elle meurt d'un cancer en 1981.



Ouvre



- Romans



- Une si longue lettre, Dakar, Les Nouvelles Éditions Africaines (NEA), 1979

- Un chant écarlate, Dakar, NEA, 1981.



Dans les deux romans, le thème central est le mariage, et ses «problèmes»: la polygamie, dans Une si longue lettre, ou le mariage interracial, dans Un chant écarlate (qui raconte l'échec d'un Sénégalais et d'une jeune Française qui se heurtent à l'opposition familiale, au choc culturel ...), avec l'accent sur la situation de la femme et de son exploitatioa

Le roman Une si longue lettre n'est que cela, une longue lettre que Ramatoulaye écrit à son amie Aissatou pendant les quarante jours d'enfermement, que le deuil, après la mort de son mari, lui impose. Le fragment présente le moment où la narratrice, après avoir appris que Binetou, une jeune camarade de lycée de sa fille, s'est résignée à épouser «le vieux» qui lui achetait des robes coûteuses, reçoit le choc de l'identité de celui-ci: Modou, son propre mari.



Commentaire suivi



C'est le dimanche, jour du mariage de Binetou. Ramatoulaye, sans se douter du désastre qui planait dans l'air, est inquiète de recevoir la visite du trio endimanché {en tenue d'apparaT) et grave (solennelS) que forment le meilleur ami de son mari Modou, Tamsir, le frère de Modou et Mawdo Bâ, l'imam du quartier (garantie de choses officielleS).

La gêne du trio (empruntéS), leurs vêtements apprêtes (boubous empeséS) la surprennent sans qu'elle puisse en imaginer la raison. Elle cherche à en trouver une acceptable (une mission importante pour laquelle ils ont besoin de ModoU). C'est pourquoi elle les informe que son mari s'absente depuis le matin. Le groupe entre, en riant, avec cynisme et en jouissant de l'odeur sensuelle de l'encens qui émane de la chambre. Seule réponse adéquate, son propre rire, car elle ne se doute de rien. L'imam prend sur lui la tâche délicate d'attaquer le sujet (prolepsc pour la violence du choC).



Le verbe attaque est en contraste évident avec les premières paroles de l'imam, si religieusement philosophiques, si abstraites, si innocentes: l'union de deux êtres est décidée par Allah tout-puissant. Le chour des deux autres l'affirme (oui, ouI). Après cette grande vérité délivrée, l'imam a besoin de reprendre souffle; uniquement pour assener un autre cliché qui devrait justifier l'acte de Modou, si naturel (Dans ce monde, rien n 'est nouveaU), et qui est de nouveau soutenu par les deux autres. Une petite lumière se fait: il s'agit d'un fait qu'on peut trouver triste mais qui n'est pas une catastrophe, d'autres faits pourraient l'être plus...

Ramatoulaye essaie de deviner la réalité au-delà des visages hautains (lèvres dédaigneuseS) que préfacent ces axiomes ambigus, ce préambule menaçant (qui annonçait plutôt un oragE). Ils avaient un but précis en venant chez elle, ce n'était pas un hasard. Mais les vêtements ne suggèrent pas un malheur, ou s'agissait - il d'inspirer confiance ? Naturellement, elle pense que quelque chose de mal est arrivé à son mari, et, dans un cri de fauve traqué, elle lance son nom.



Excellente occasion d'entrer dans le vif du détail (fil conducteuR) et l'imam se jette sans hésitation, désireux d'échapper à la corvée. Heureusement pour tous, Modou Fall est l'objet de leur visite, mais un Modou sain et sauf qui a pris une deuxième femme le jour même. Ils viennent de la mosquée du Grand-Dakar où se célèbre le mariage.

Tamsir, à qui on a ouvert la voie, se fait le porte-parole de Modou qui la remercie mais qui agit poussé par la fatalité (Dieu lui a destiné une deuxième femmE) à laquelle il ne peut s'opposer ! Le comble du cynisme est atteint lorsqu'il se félicite du quart de siècle fait des bonheurs offerts par Ramatoulaye. Tamsir, son frère aîné et toute leur famille, la remercient.

Ramatoulaye est incapable de réagir; elle ne fait qu'enregistrer les paroles (éternellE) supposées atténuer l'effet de l'événement: clic seule compte dans sa maison (si grande soit-elle, si chère que soit la viE), parce qu'elle a un rang bien établi par la tradition (Tu es la première femmE) et aussi un rôle moral (une mère pour Modou, une amie pour ModoU), en vertu du grand amour qu'elle lui portait.



À consulter



1. Almeida, Irène Assiba d', «The concept of choice in

Mariama Bâ's Fiction», in Ngambika: Studies of Women andAfrican Literature (éd. By Carole Boyce Davies and Anne Adams GraveS), NJ, Africa World Press, 1986, p. 161-171.

2. Berthé, Abdoulayc, Mariama Bâ et le douloureux cheminement des couples noirs africains, texte inédit, 1990.

3. Borgomano, Madeleine, Voix et visages de femme dans les livres écrits par des femmes en Afrique francophone, 1989.

4. Jaccard, Anny Claire, «Les visages de l'Islam chez

Mariama Bâ et Animata Sow Fall», dans Nouvelles du Sud,6( 986-1987), p. 171-182.

5. Ka, Aminata Maiga, «Ramatoulayc, Aissatou, Mireille, et ... Mariama Bâ», dans Noire librairie, 81 (1985)' p. 129-134.



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