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L'ÉVASION ROMANESQUE : « L'ASTRÉE »






Quatre romans nouveaux de 1560 à 1590 ; une quarantaine de 1592 à 1599 ; plus de 120 de 1600 à 1610 : le romanesque convient à une époque qui se cherche entre la nostalgie et les rêves d'avenir. Les auteurs sont souvent des nobles, le public est surtout mondain et féminin, la perspective généralement idéaliste. Le roman de chevalerie - défavorisé par les guerres civiles et désuet à l'époque de Don Quichotte (1605-1616) - cède la place au roman mélodramatique (voyages, tempêtes, naufrages, enlèvements, combats, travestissements, fausses morts, reconnaissances et autres péripéties - mais aussi intrigués d'un rival, opposition d'un père, différence de religion ; passions intenses ; style emphatiquE) où triomphe l'idéalisme sentimental : amours chastes et fidèles à travers un océan de malheurs, miraculeusement récompensés in extremis. Farcis de discours, de lettres, de vers, ces romans enseignent l'art mondain d'aimer, d'écrire, de parler. Le théâtre se fait romanesque avec le développement de la tragi-comédie, mélodrame à fin heureuse (quatorze pièces de 1595 à 1610, contre dix de 1554 à 1592) et de la pastorale dramatique (dix-sept pièces de 1585 à 1607) qui nous peint, dans un cadre bucolique sur fond d'âge d'or, la victoire de l'amour idéal, aidé au besoin par des interventions merveilleuses, sur la violence, l'intérêt, le pouvoir. Je rapprocherai de cette évasion le maniérisme affecté qui, amorcé dès 1570, s'affirme après 1590 pour culminer dans les métaphores galantes (15), alambi-quées jusqu'au ridicule, des romans de Nervèze (en vogue de 1599 à 1612) ou Des Escuteaux et dans les pointes et autres subtilités artificieuses de Laugier de Porchères, fort apprécié de 1595 à 1610.



Honoré d'Urfé (1567-1625), un gentilhomme de la Renaissance apparenté par sa mère à la maison de Savoie, est d'une famille importante et cultivée, fort influencée par l'Italie. A partir de 1590, il s'engage à fond dans la réaction féodale et cléricale de la Ligue contre Henri IV. Fait prisonnier, puis libéré, il recommence la lutte, est repris et doit s'exiler en Savoie où il combat les troupes françaises en 1597-1598. Il rentre en grâce en 1602 et devient l'un des douze gen-tilhommes ordinaires du roi en 1603. Il s'est donc affirmé comme féodal et religieux et figure parmi les vaincus avant de devenir un fidèle vassal. Cela n'est pas sans rapport avec L'Astrée où par plusieurs histoires et sous personnes de Bergers et d'autres sont déduits les divers effets de l'honnête Amitié, roman inachevé en quatre parties : 1607, 1610, 1619, 1624. Des continuateurs en publièrent deux autres (1625, 1627) (16).



1. Résumé



Nous sommes au v siècle après J.-C, dans le Forez (le pays de l'auteur, au nord-ouest de Saint-EtiennE), miraculeusement épargné par les invasions barbares comme jadis par les légions romaines : valorisation de nos ancêtres les Gaulois alors que la France sort d'une grave crise d'identité pour entrer dans l'ère des nationalismes. De nobles personnes, aussi belles moralement que physiquement, se sont retirées là, loin des malheurs des guerres et des vices des cours et des villes, jurant « tous de fuir à jamais toute sorte d'ambition » (I, 1) pour * vivre [...] sans contrainte » (préfacE) en pseudo-bergers uniquement occupés d'amour. Au centre, Céladon et Astrée, unis d'un parfait amour. Pour le dissimuler à leurs familles qui se haïssent, Astrée demande à Céladon de feindre d'en courtiser une autre. Mais le jaloux Sémire lui persuade que la feinte est devenue vérirable passion. Alors Astrée bannit Céladon qui se jette dans la rivière de Lignon. On le croit mort. Mais il a été recueilli par les Nymphes, Galathée, fille de la reine Amasis, Silvie et Léonide. Astrée se désespère. Céladon aussi : la princesse Galathée le presse de son amour mais il est insensible à l'ambition mondaine. Grâce à Léonide, également amoureuse de lui, et au grand druide Adamas, il s'enfuit et vit dans une forêt où il construit un temple à sa belle. Puis, déguisé en druidesse par Adamas, il vit sous le nom d'Alexis auprès d'Astrée. Parfaite amitié, intimité délicieusement équivoque (17). La guerre, déclenchée par Polémas (un fourbe ambitieux, révolté contre Galathée qu'il aime en vaiN), interrompt ce bonheur. La fausse Alexis fait merveille. Mais elle est capturée avec Astrée. Sémire les sauve aux dépens de sa vie, rachetant sa faute. Ici s'arrête le texte authentique. Dans une suite qu'on croit assez conforme aux intentions d'Honoré d'Urfé, la paix revenue, une mise en scène d'Adamas et Léonide permet à Céladon de révéler son identité. Mais Astrée, honteuse de leurs privautés, et se voyant déjà « la fable de tout le monde », lui ordonne de mourir. Il se rend à la Fontaine de la Vérité d'Amour pour se faire dévorer par les lions qui la gardent. Asrrée y va dans le même but. Miracle : les lions leur lèchent les mains et l'Amour ordonne le mariage. Autour de cette intrigue, près de trois cents personnages dont une soixantaine de héros (en se limitant aux quatre parties authentiqueS) qui ont parfois une double identité et généralement des amours compliquées. Leur trente-sept « histoires », avec leurs « suites » parfois décalées, sont autant de nouvelles intercalaires. Le tout est divisé en cinq parties, comme une pièce de théâtre.



2. Qualités



L'ouvre n'est pas sans défauts : immense polyphonie assez lâche, discours interminables, héros sans complexité, stéréotypes un peu fades. Mais chaque personnage a son caractère, parfois assez fouillé : Hylas ; Adamas, religieux et raisonnable mais réaliste jusqu'à la ruse ; l'orgueilleuse Galathée ; l'ambitieux et brutal Polémas ; ou Sémite, perfide malgré tous ses efforts. C'est le premier roman à présenter une aussi riche galerie de portraits. C'est aussi une ouvre d'une extrême richesse, nourrie de l'extraordinaire culture d'un auteur qui connaissait les littératures antique, médiévale, italienne et espagnole, Platon, Aristote, le stoïcisme et même l'Hermétisme, la Kabbale, Averroès et Avicenne, sans parler des humanistes, libertins et mystiques de son temps. Elle est d'une riche diversité : évocation historique et géographique où les états d'âme se mirent en images, pastorale dramatique (dont plusieurs épisodes seront portés à la scènE), poème d'amour, roman chevaleresque et roman d'aventures, encyclopédie psychologique, florilège de conversations, de lentes, de poèmes, de paysages, de portraits en pied ou en mouvement, à travers les charmantes correspondances de la nature, de la mémoire, de la fantaisie. Une relative vraisemblance, une prudence raisonnable, une analyse précise, critique, ironique voire réaliste se conjuguent au lyrisme utopique (18). La fine Histoire de Parthénice, Florice et Dorinde, la tragique Histoire de Damon et Madonthe et quelques autres nous régalent encore. Le style, sans vigueur ni densité, est toujours clair à travers les subtilités d'analyse, élégant, harmonieux et mollement voluptueux.



3. Une encyclopédie de l'amour



Surtout, L'Astre'e est une encyclopédie de l'amour. La fidèle adoration y domine, nourrie de tradition courtoise, de pétrarquisme, de néo-platonisme surtout. « Amour est la vie de notre âme » (III, 10), expression souvent douloureuse de notre incomplétude désireuse et jalouse, mais surtout principe de perfection, de dépassement, d'heureuse exaltation dans l'union au bien. On voudrait y voir « un acte de la volonté qui se porte à ce que l'entendement juge bon » (II, 9). Mais son premier ressort, c'est une « sympathie » originelle et un élan vers le bien à travers le beau : car en dernière analyse, « toute beauté procède de cette souveraine bonté que nous appelons Dieu » (II, 2). Il peut être irraisonné mais « toute la sagesse du monde n'est point estimable au prix de cette heureuse folie » (II, 9). C'est pour cette raison mystique et non par fade galanterie que ses effets sont « de servir, d'honorer, voire presque d'adorer la personne aimée > (IV, 3), que sa fin est de « mourir en soi pour revivre en autrui » (I, 8). « Par l'infinie puissance de l'amour, deux personnes ne deviennent qu'une et une en devient deux » (II, 4). Cela sans mariage : ce conttat social est trop grevé par le principe de réalité et les intérêts conflictuels. Tel est l'idéal néo-platonicien professé par Silvandre et critiqué par Hylas, dont le nom est tiré du mot grec qui signifie matière. Pour ce libertin, sceptique, ironique, qui ne cesse de s'éprendre et de séduire, la « constance » en amout est une « sottise » (III, 9)- Création originale qui équilibre et pimente l'ouvre, en contredisant tout ce monde de fidélité, c'est « un monstre en amour, c'est-à-dire hors de la nature des autres amants » (IV, 9). Le texte donne tort à cet anti-héros et montre sa lâcheté ; mais il est charmant, spirituel, toujours « de la plus gracieuse et plus heureuse humeur » (II, 3) et c'est le plus complexe de tous les personnages.

Entre Silvandre le mystique et Hylas le libertin (on reconnaît les deux tendances majeures de l'époquE), Céladon se voudrait le héros de l'ascèse amoureuse, mais reste un être de désir. Déguisé en fille au péril de sa vie, il joue le rôle de Paris dans la reproduction du célèbre jugement, contemplant son Astrée et deux autres beautés « nues, hormis un faible linge qui les couvre depuis la ceinture jusques auprès du genouil » (I, 4). Asttée et la fausse Alexis dorment dans la même chambre, échangent leurs habits, s'enlacent avec des « caresses [...] un peu plus serrées que celles que les filles ont accoutumé de se faire » (III, 11). «Jamais amant ne fut plus avant dans toute sorte de délices sans les goûter » (IV, 5). L'Astree, somme de casuistique amoureuse, n'en oublie aucune modalité, jusqu'aux jalousies, intrigues, perfidies, trahisons, viol même. La pastorale y est relevée d'érotisme : < le serpent dans la bergerie » (G. GenettE).



4. Interprétation historique



Le succès de L'Astree, sa qualité ne sont pas dus seulement à sa richesse, à sa finesse mais à sa fonction dans la problématique d'un homme et d'une époque dont elle exprime les rêves tout en étant lestée de leurs difficultés. D'Urfé a conçu une première esquisse avant 1593 ou même 1589. Il était animé par sa passion pour sa belle-sour dont le mariage sera déclaré nul en 1598 et qu'il épouseta en 1600. Bonheur, puis brouilleries, qui renforcent la raison d'être de la fiction utopique, et séparation en 1614, suivie d'une relative réconciliation en 1619. Mais L'Astre'e a aussi une fonction cathartique pour toute une époque. Ce paradis pastoral où règne la femme est conçu en réaction aux guerres (qui ont gâché la vie de l'ambitieux Alcippe, père de CéladoN) (19), aux contraintes, aux intrigues et aux déceptions de la vie de cour, à l'injuste et « tyrannique raison d'Etat » (IV, 10), à l'inconstance de la fortune et des gens. La principale source de maux, c'est l'avidité, mère de soucis et d'affrontements. Le bonheur, coïncidence du réel et du désir, est dans le repos et la fidélité. Par ailleurs, dans une société brutale et rustique mais qui aspire à se civiliser, L'Astree mobilise la culture pour enseigner l'art de vivre, d'aimer, d'écrire et de parler.

L'Astre'e est écrite en réaction à la défaite de la féodalité (20) (d'où ce repli sur la terre et le passé) et du parti religieux, par un Ligueur qui s'est réconcilié avec Henri IV dans la mesure où il garantit la paix. Contrairement au ligueur qu'il fut, le romancier refuse la rébellion contre un roi légitime (III, 12). La reine Amasis écoute le sage druide Adamas malgré Polémas, image critique de la noblesse guerrière et du prince machiavélique. L'exaltation de la fidélité amoureuse est aussi une réaction aux récentes discordes et une métaphore de l'esprit de la féodalité et de la religion, fondé sur l'hommage, la foi et la fidélité. La vie de Céladon est une longue mise à l'épreuve, comme dans les anciens romans de chevalerie. Epreuve nécessaire pour mériter la paix après trente ans de rébellion ? Le sens de la faute, la nostalgie de l'innocence, fondamentales dans la littérature pastorale se retrouvent chez des féodaux vaincus.



L'Astree est un rêve qui n'oublie pas la réalité. C'est pourquoi elle présente, dans une certaine mesure, « un paradis désespéré » (J. EhrmanN). Le bonheur n'est pas de ce monde. Même les merveilleuses conditions du Forez ne le permettent pas. Faute d'atteindre son objet, l'amour devient un « chaos de troubles et d'inquiétudes » (II, 294). Sans le dire, parce qu'il écrit un roman pour des mondains, d'Urfé pense qu'il n'y a de bonheur qu'en Dieu. Quel dénouement envisageait-il ? La fin heureuse des continuateurs est artificielle. Or la principale qualité de l'ouvre, ou même le principe de ses qualités, c'est d'être un mythe véridique : utopie nourrie de la réalité qu'elle refuse, amour platonique frémissant d'érotisme, rêve idéaliste avouant ses limites, évasion qui agit puissamment sur une époque qu'elle éduque. Utopie nostalgique, somme culturelle de la défunte Renaissance, L'Astree initie néanmoins au XVII' siècle par son humanisme raisonné, son honnêteté galante, son analyse de la vie psychique et une langue dont la clarté est parallèle à celle de Malherbe. Jusqu'aux années quarante, on tirera de ses épisodes de nombreuses pastorales dramatiques.






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