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L'exemple de la « Chanson de Roland »






La Chanson de Roland raconte comment, au retour d'une expédition victorieuse de sept ans en Espagne, l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne, commandée par son neveu Roland entouré des douze pairs, au nombre desquels se trouvent son ami Olivier et l'archevêque Turpin, est attaquée par les Sarrasins à Roncevaux, à la suite de la trahison de Ganelon, le beau-père de Roland. Le héros et tous ses compagnons trouvent la mort dans cette bataille, mais seront vengés par l'empereur, rappelé, trop tard toutefois pour pouvoir les sauver, par le cor de Roland. Rentré à Aix-la-Chapelle, Charlemagne obtient le baptême de la reine Bramidoine, veuve du roi Marsile de Saragosse, doit annoncer la mort de Roland à la belle Aude, qui n'y survit pas, et fait mettre à mort Ganelon dont un duel judiciaire a établi la culpabilité. Auparavant, sa vengeance sur les Sarrasins a été parachevée par sa victoire sur l'émir Baligant, venu au secours de Marsile, mais ce long épisode est considéré par certains comme une interpolation, absente à l'origine de la chanson. Il est vrai que les conditions de diffusion des chansons de geste enlèvent de sa pertinence à la notion même d'interpolation.





Variété des versions, unité du poème



Ce poème, dont la gloire rend superflu ce bref résumé, nous a été conservé par sept manuscrits, sans compter ceux qui n'en donnent que de brefs fragments. C'est bien le même poème qui est contenu dans tous ces manuscrits, et pourtant, de l'un à l'autre, il n'y a pas deux vers qui soient strictement identiques. Le mètre est tantôt le décasyllabe, tantôt l'alexandrin - sans parler des cas où l'on passe du premier au second dans le courant du poème, comme on passe aussi parfois de l'assonance à la rime. La longueur même du texte varie de 4 000 vers dans le manuscrit le plus ancien à près de 9 000 dans un des plus récents (fin du xnr sièclE). Ces variations fournissent des indices intéressants sur la transmission et l'évolution des chansons de geste. Mais elle justifie aussi que l'on considère en elle-même, comme on l'a fait souvent, la version la plus ancienne, qui est aussi à nos yeux la plus saisissante, celle que livre le manuscrit Digby 23 de la Bibliothèque Bodléienne d'Oxford (0). C'est elle que l'on désigne quand on parle sans autre précision de la Chanson de Roland.



La date de la « Chanson de Roland »



Elle a probablement été composée aux alentours de 1100. Guère avant, car un faisceau d'indices converge vers cette date : la langue du poème, certains détails qui semblent un écho de la première croisade, la mention des tambours et des chameaux dont l'emploi avait effrayé les chrétiens à la bataille de Zalaca en 1086. Pas après, car la chanson - mais n'en existait-il pas une version antérieure ? - est extrêmement populaire dès les premières années du XIIe siècle. Elle a été composée aux alentours de 1100, mais l'événement qui lui fournit son sujet, la bataille de Roncevaux, s'est déroulé le 15 août 778. Voilà en quels termes se pose, appliquée à la Chanson de Roland, l'énigme des chansons de geste.



L'événement : la bataille de Roncevaux



Que savons-nous de cet événement ? Pour l'année 778, les Annales royales mentionnent une expédition victorieuse de Charlemagne en Espagne, mais ne soufflent mot d'une quelconque défaite. Cependant, une seconde rédaction postérieure d'une vingtaine d'années ajoute qu'au retour d'Espagne beaucoup de chefs francs furent tués dans une embuscade tendue par les Basques, qui pillèrent les bagages avant de s'enfuir. Aucune des victimes n'est nommée. Vers 830, la Vita Karoli d'Eginhard rapporte que dans la traversée des Pyrénées l'empereur « éprouva quelque peu la perfidie des Basques » et ajoute que « dans cette bataille furent tués le sénéchal Eggihard, Anselme, comte du palais, et Roland, duc de la Marche de Bretagne, entre beaucoup d'autres ». L'épitaphe d'Eggihard, qui nous a été conservée d'autre part, précise qu'il est mort le 15 août, ce qui nous permet de connaître le jour exact de la bataille. Dix ans plus tard enfin, on lit, non sans frustration, dans la Vita Hludovici imperatoris de l'auteur désigné comme l'Astronome limousin : « Ceux qui marchaient à l'arrière-garde de l'armée furent massacrés dans la montagne ; comme leurs noms sont bien connus, je me dispense de les redire. »



Trois conclusions se dégagent de ces témoignages. D'abord, loin que l'événement s'efface peu à peu des mémoires, il est men-donné avec de plus en plus d'insistance à mesure que le temps passe, jusqu'au moment où l'insistance devient inutile tant il est connu. Ensuite, Eginhard nomme bien Roland, mais en dernier - et pas dans tous les manuscrits. C'est à ses yeux le moins considérable des trois morts illustres de la bataille. C'est aussi le seul dont nous ne savons rien, tandis que le sénéchal Eggihard et le comte palatin Anselme nous sont connus d'autre part. Enfin, tous s'accordent pour voir dans l'embuscade l'ouvre des Basques. Tout en confirmant la célébrité croissante - et surprenante - de la bataille de Ronccvaux, la Chanson de Roland prendrait deux libertés fondamentales avec l'histoire, en donnant à Roland une importance qu'il n'a jamais eue - - à supposer même que le personnage ait réellement existé - et en substituant les Sarrasins aux Basques.

Mais les historiens arabes donnent des faits une version assez différente. Selon Ibn Al-Athir (XIIIe sièclE), Chariemagne serait venu en Espagne à la demande du gouverneur de Saragosse, Sulayman Ben Al-Arabi, révolté contre le calife omeyade de Cordoue. Mais, arrivé sur les lieux, il se serait vu fermer les portes de Saragosse à la suite d'un revirement de Ben Al-Arabi. Ayant réussi à s'emparer de ce dernier, il serait reparti vers la France en l'emmenant prisonnier, mais, lors du passage du col de la Ibaneta, c'est-à-dire à Roncevaux, les fils de Ben Al-Arabi auraient, sans doute appuyés par les Basques, attaqué les Francs et délivré leur père. La bataille de Roncevaux n'aurait donc pas été un simple accrochage avec des montagnards ayant pour seule ambition de piller les bagages, mais un combat contre les Sarrasins. Elle aurait été pour Chariemagne un revers assez important.



Divers recoupements rendent cette version plausible. Elle s'accorde avec certains détails des Annales latines, qui mentionnent par exemple la capture de Ben Al-Arabi, mais ne parlent plus du tout de lui ensuite, dans des circonstances où cet otage aurait pourtant constitué un atout dans les mains de Chariemagne. Si elle est vraie ou proche de la vérité, les témoignages de l'historiographie latine en reçoivent une signification nouvelle et la place croissante faite à la défaite devient parfaitement explicable. Les Annales officielles auront en effet tenté sur le moment de la passer sous silence. Mais elle était si connue, elle avait tellement marqué les esprits, qu'il est devenu impossible, au fil des années, de ne pas la mentionner du bout des lèvres, quitte à en minimiser l'importance, et cela au prix d'incohérences de détail qui laissent soupçonner la vérité. Un raid de pillards sur les bagages, vraiment ? Que faisaient alors au milieu des bagages des personnages aussi considérables que le sénéchal - une sorte de chef d'état-major - et le comte du palais une sorte de commandant de la garde personnelle de Chariemagne ?

Tout cela reste une hypothèse. Si elle était avérée, pourtant, la longue mémoire qui, trois siècles plus tard, fait entendre sa voix dans le poème français aurait raison contre l'histoire officielle - au moins touchant la nature de la bataille, car tout le reste est évidemment de pure fiction, l'existence historique d'un Roland demeure une énigme et les autres personnages sont assurément légendaires.



Silence des siècles et témoignage des siècles



Mais cette longue mémoire n'est-elle pas une vue de l'esprit ? Peut-on faire parler le « silence des siècles », comme disait Bédier ? Peut-on découvrir la trace d'une légende de Roland antérieure à la Chanson de Roland, voire d'une Chanson de Roland antérieure à 0 ? On a observé depuis longtemps que certains traits de la Chanson telle que nous la connaissons sont trop archaïques pour la fin du XIr siècle : ainsi l'arc que Chariemagne remet solennellement à Roland avant la bataille en signe de délégation du commandement ; ainsi les limites que la Chanson fixe à la France, et qui sont celles de la France carolingienne de Charles le Simple, non celles de la France des premiers Capétiens. Au début du XIIe siècle - donc après le Roland d'Oxford, ce qui enlève un peu de poids à son témoignage , l'historien Guillaume de Malmesbury affirme qu'à la bataille d'Hastings, en 1066, un jongleur nommé Taillefer avait entonné la cantilena Rolandi pour exciter les Normands au combat.

Des témoignages indirects - incertains, il est vrai, et d'interprétation ambiguë - laissent supposer à date ancienne l'existence d'une activité épique (ou tout au moins poétique et liée à des événements guerrierS) en langue vulgaire : à la fin du ixr siècle, le Moine de Saint-Gall fait allusion à des récits de vieux soldats tandis que le Poeta Saxo mentionne des panégyriques de grands personnages en langue vulgaire. Si les épopées latines carolingiennes font appel à des souvenirs virgiliens plus qu'elles n'annoncent, formellement au moins, les chansons de geste, on a pu en trouver une sorte d'écho anticipé dans des textes latins comme le « fragment de La Haye » (entre 980 et 1030), où figurent des noms qui annoncent ceux de futurs personnages épiques français, et le Waltharius (IXe ou Xe sièclE), poème qui offre des rapprochements très nets avec la Chanson des Niebelungen allemande. Surtout, la Nota Emilianense, copiée vers 1065-1070 dans un manuscrit espagnol, livre, trente ou quarante ans avant le poème d'Oxford, un résumé de la Chanson de Roland qui mentionne, à côté de Roland, Olivier, l'évêque Turpin et Ogicr, Guillaume alcorbitanus - « au nez courbe » avant d'être « au nez court », le Guillaume d'Orange des futures chansons de geste. Enfin, durant tout le XF siècle, de l'Anjou au Béarn et de l'Auvergne à la Provence, on voit figurer dans les chartes des couples de frères nommés Olivier et Roland. Détail énigmatique, pourtant, Olivier est toujours l'aîné et Roland le cadet.

Les témoignages sur un Roland antérieur à la Chanson de Roland, dans l'espace qui sépare la bataille de Roncevaux du poème d'Oxford, existent donc, ainsi que les traces d'une poésie guerrière antérieure aux chansons de geste romanes. Mais comment faut-il les interpréter ? Cette question est au centre du débat sur les origines de la chanson de geste.





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