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LES ROMANCIERS NATURALISTES : ORTHODOXIE ET DISSIDENCE






Zola et Les Rougon-Macquart



L'ouvre romanesque de Zola est largement entamée quand Le Roman expérimental en fournit la théorie. Sur les conseils de l'éditeur Louis Hachette, chez qui il était entré en qualité de commis. Zola s'est détourné en 1863 de la poésie, pour laquelle il se croyait doué. Il publie l'année suivante les Contes à Ninon. En 1866 commence sa carrière de journaliste, qu'il n'abandonnera définitivement qu'en 1881. Thérèse Raquin. son premier roman, paraît en 1867. En 1868 germe l'idée de ce qui deviendra la série des Rougon-Macquart, dix volumes (pense-t-iL) qui raconteront l'« histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire». La fresque comptera finalement vingt volumes, et l'Empire, qu'on pouvait croire encore promis à de beaux jours au printemps de 1870, s'effondre brutalement au cours de l'été. Les Rougon-Macquart, qui devaient à l'origine narrer sous le régime même de Napoléon IH la fortune et les déboires des deux branches d'une famille, prennent donc chemin faisant une dimension historique, même si les conquêtes politiques et sociales de la IIIe République ne remédient pas toujours en profondeur aux tares du régime qui avait inspiré son ouvre à Zola. Ainsi le krach de l'Union générale, qui se produit en 1882, sera-t-il transposé dans L'Argent (1891).





Deux volumes, La Fortune des Rougon et La Curée, sont en préparation quand la France déclare la guerre à la Prusse; ils ne seront achevés et publiés qu'après la défaite. Chaque volume des Rougon-Macquart va être nourri d'une documentation attentive, aujourd'hui réunie dans les Carnets d'enquête (Pion, 1986). Journaliste de métier, Zola opère des investigations dans le monde des théâtres et de la prostitution pour écrire Nana (1880), dans celui des grands magasins pour Au bonheur des dames (1883), dans le pays minier en vue de Germinal (1885), sur le réseau ferroviaire en vue de La Bête humaine (1890), sur les champs de bataille de 1870 en vue de La Débâcle (1892). Il arrive que ses fiches se retrouvent, à peine cousues, dans la trame des romans. Son projet d'étudier les effets de l'hérédité à travers l'histoire des membres de la famille le conduit naturellement, d'un roman à un autre, à pratiquer un retour des personnages, différent toutefois de celui de Balzac dans La Comédie humaine : seuls les Rougon et les Macquart réapparaissent, non les seconds rôles. Ainsi la petite Anna Coupeau, victime de l'alcoolisme de ses parents dans L'Assommoir (1877), prend-elle dans Nana sa revanche sur les hommes et la société avant de connaître une fin atroce ce jour d'août 1870 où, dans l'euphorie, le peuple parisien crie « À Berlin! »; Saccard, au faîte de la puissance dans La Curée (1872), subit un revers de fortune dans L'Argent, etc. Deux arbres généalogiques, l'un paru avec Une page d'amour (1878), l'autre avec Le Docteur Pascal (1893), dernier volume de la série, résument les principaux caractères des membres de la famille.

Les romans de Zola connaissent, surtout à partir de L'Assommoir, un gros succès populaire. Les critiques font plutôt la fine bouche, criant à l'obscénité, notamment à la sortie de Nana. La publication de La Terre (1887) scandalise encore plus : on juge les paysans représentés par Zola « parfaitement ignobles ». Dans Le Figaro paraît le « Manifeste des cinq » (Paul Bonnetain, Joseph H. Rosny, Lucien Descaves, Paul Margueritte et Gustave GuicheS), autant de jeunes gens qui affirment avoir mis naguère leurs espoirs en Zola, mais se voient aujourd'hui obligés de dénoncer ses méthodes de travail («incroyablement paresseux à l'expérimentation personnelle, armé de documents de pacotille »), son ignorance scientifique, son appétit de succès. La protestation, on le voit, ne prend pas pour cible les principes du naturalisme : elle vise au contraire à leur redonner leur pureté. Elle se présente aussi comme une attaque personnelle contre Zola : La Terre illustre, aux yeux des «cinq», « l'irrémédiable dépravation morbide d'un chaste ».

Nous pouvons admettre aujourd'hui que Zola n'est pas un styliste à la manière de Flaubert, dont l'exemple le fascinait : la volonté de démonstration nuit, chez lui, à cette ambiguïté qui est depuis L'Éducation sentimentale reconnue comme la qualité cardinale des grandes ouvres romanesques. Le déterminisme génétique que les Rougon-Macquart sont censés illustrer semble désuet, parfois caricatural. Mais on réduirait la fresque si on la lisait à la lumière du Roman expérimental. De même que la psychologie des personnages de Stendhal ne doit pas s'apprécier en fonction des théories de De l'amour, de même Zola a-t-il donné à ses héros une vie que des lois ne sauraient borner. Les étapes de la création romanesque telles qu'il les décrit dans son ouvre théorique (observation, puis expérimentatioN) font sourire : tout romancier un peu inspiré a l'intuition de l'univers auquel il va donner naissance avant de se soumettre à une méthode. Quant à l'écriture du roman, elle n'est pas, comme chez un vulgarisateur scientifique, le stade ultime qui permet de transmettre des données préalablement établies, mais un instrument qui façonne chez l'artiste sa vision du monde au fur et à mesure qu'il compose son ouvre. Ainsi Germinal est-il un témoignage sur l'univers personnel de Zola plus qu'une leçon de choses sur le pays minier. À défaut de rivaliser avec Flaubert, Zola a écrit là une fresque de l'ombre et de la lumière, une sorte d'épopée digne des Misérables, de Hugo. À ce titre. Germinal peut encore toucher les lecteurs plus d'un siècle plus tard; à ce titre (contrairement à ce que laisserait supposer un naturalisme étroiT), il a chance de demeurer, même après la fermeture des mines, un facteur d'espoir et de progrès moral.

Le succès a enrichi et embourgeoisé l'ancien commis de Louis Hachette. S'il trahit sa femme Alexandrine, trois ans après Germinal, ce n'est pas par goût de la gaudriole, comme ses ennemis le supposeront, mais parce qu'il est réellement tombé amoureux de la jeune Jeanne Rozerot, avec qui il aura les enfants que son épouse légitime n'avait malheureusement pu lui donner. Les Rougon-Macquan achevés, il écrit les Trois Villes («Lourdes», «Rome», «Paris») qu'il considère comme un « bilan du siècle », puis les Quatre Évangiles (« Fécondité », «Vérité», «Travail», et enfin «Justice», qu'il n'aura le temps que d'esquisseR). C'est cet écrivain arrivé, moralement frileux, épris de confort et de vie familiale, que l'affaire Dreyfus vient déranger. On lui trouvera d'autant plus de mérite d'y avoir risqué ses aises et sa liberté que son tempérament ne le prédisposait pas à jouer les martyrs. Sa mort probablement accidentelle (il fut asphyxié à la suite d'un mauvais tirage de sa cheminéE) fit croire à certains qu'il avait été assassiné; la fureur de ses ennemis donnait crédibilité à l'hypothèse. «Germinal! Germinal! » scanderont les mineurs à l'occasion de ses obsèques, le 5 octobre 1902. Un des plus riches écrivains du XIXe siècle pouvait devenir un symbole pour la classe ouvrière.

« Il me paraît qu'il faut entendre par naturalisme la littérature d'Emile Zola et que le mot mourra quand Zola aura achevé son ouvre », écrivait Mallarmé. Parce que les Rougon-Macquan dépassent par leur complexité le programme que Zola s'était fixé, on est tenté de dire qu'il est mort avant. Les proches de Zola, Paul Alexis (qui lui consacra une étude biographique, Emile Zola, notes d'un ami, 1882), Céard, Caze, Hennique, n'ont guère marqué l'histoire de la littérature. Les frères Goncourt (du moins Edmond, qui survécut à son jeune frèrE), Alphonse Daudet, Guy de Maupassant ont affirmé leur originalité en marge du mouvement. Au XXe siècle, l'inspiration populaire des romans de Roger Martin du Gard, de Jules Romains, voire de Céline, a pu passer parfois pour le fruit du naturalisme. On est pourtant bien loin, avec eux, de la foi un peu naïve en la science qui animait les études recueillies dans Le Roman expérimental. Avec Céline surtout, le tempérament de l'artiste, que Zola reconnaissait nécessaire pour organiser le réel, deviendra le facteur essentiel de l'ouvre romanesque.



Jules Vallès



Au moins ne saurait-on annexer au naturalisme, bien qu'y soient peints des milieux populaires, l'ouvre de Jules Vallès (1832-1885). Autobiographiques, ses trois romans, L'Enfant (1879), Le Bachelier (1881) et L'Insurgé (1885) sont à l'opposé de l'objectivité requise par le « roman expérimental ». Comme Zola, Vallès fut journaliste. En 1871, il est rédacteur en chef du Cri du peuple, qui part en guerre au moment de la Commune contre Thiers et Jules Favre, et dont le tirage va atteindre cent mille exemplaires. Sa participation à l'insurrection condamne Jules Vallès à l'exil. Il ne retrouve Paris qu'à la faveur de l'amnistie, en 1880. Le groupe des naturalistes de Médan l'aurait alors volontiers accueilli mais il se tient dédaigneusement à l'écart. Après avoir rêvé de composer une «Histoire d'une génération» qui aurait rivalisé avec La Comédie humaine, il écrit, plus modestement si 1 on peut dire, l'histoire de Jacques Vingtras, personnage qui lui permet de raconter presque sans déguisement sa propre expérience, même si la nature et la chronologie des événements sont un peu travestis. Ses trois romans peuvent se lire comme des documents : L'Enfant sur l'enfance malheureuse. Le Bachelier sur la vie de bohème sous le Second Empire, L'Insurgé sur la Commune. Mais Jules Vallès est d'abord un écrivain. Ses invectives contre la culture académique («Le Verbe, avec ses vanités, voilà l'ennemi ») ne doivent pas dissimuler qu'il était lui-même fort cultivé; nourri de littérature antique et classique, il avait toutefois une prédilection pour Michelet. Son style nerveux, jaillissant à force de travail, souvent drôle quand l'événement risque de virer au tragique,-» l'apparente moins à Zola qu'à certains romanciers réalistes de la génération précédente, Cladel ou Champfleury, avec une pointe de génie en plus.



Alphonse Daudet



Alphonse Daudet (1840-1897) apparaît aujourd'hui surtout comme un conteur, auteur du Petit Chose (1868), récit en partie autobiographique où sont transposés les malheurs de sa famille transplantée de Nîmes à Lyon et les difficultés de la vie de pion quand on a 16 ans à peine; des Lettres de mon moulin (1866-1869), recueil de contes pour la plupart inspirés par la Provence toute proche de son lieu de naissance et où il avait voyagé depuis; de Tartarin de Tarascon (1872), dont le héros est le type du méridional vaniteux, mythomane, mais sympathique, parti tuer le lion en Afrique et qui, en dépit d'un maigre tableau de chasse, s'acquiert une réputation d'explorateur auprès de ses concitoyens; des Contes du Lundi (1873) enfin. Mais Alphonse Daudet fut aussi un romancier ambitieux. Numa Roumestan (1881), en brossant le portrait d'un politicien hâbleur, traite dans une tonalité différente de celle de Tartarin de la faconde méridionale. Sapho (1884), où un jeune Provençal «monté» à Paris s'éprend d'une femme sensuelle et raffinée, donne un tableau sans complaisance des milieux artistiques de la capitale. L'Immortel (1888), enfin, raconte l'ascension et la chute d'un érudit ambitieux, déshonoré après avoir atteint l'Académie française qui avait été le but de sa vie. Alphonse Daudet fut un personnage de la vie littéraire de la fin du siècle. On rencontrait chez lui le médecin Charcot, le peintre Renoir, Gambetta, Flaubert, Edmond de Goncourt, Tourgueniev, Zola. L'un de ses fils, Léon Daudet, célébrera son rôle et sa figure dans des Souvenirs, qui sont une mine de renseignements sur cette période.



Guy de Maupassant



« La vie privée d'un homme et sa figure n'appartiennent pas au public », estimait Guy de Maupassant (1850-1893). De fait, plusieurs mystères entourent sa vie tumultueuse et douloureuse, à commencer par le lieu exact de sa naissance. Au moins le situe-t-on avec certitude aux alentours de Dieppe ou de Fécamp, près de ces falaises normandes qui l'inspireront souvent. Installé à Paris peu avant la guerre de 1870. il occupe un modeste emploi au ministère de la Marine, fréquente des écrivains (Flaubert, à qui il devra beaucoup, et le groupe naturalistE), écrit des contes tout en rêvant de faire carrière au théâtre, commence un roman (Une vie, qui paraîtra en 1883) et compose des vers (notamment un long poème, La Vénus rustique, 1878). Boule de suif est son premier vrai succès («un chef-d'ouvre», lui écrira FlauberT). Cette longue nouvelle est publiée pour la première fois en 1880 dans Les Soirées de Médan. À cette date, Maupassant travaille déjà à La Maison Tellier (1881). Les Contes et nouvelles seront publiés au fil des années suivantes, ainsi que ses romans : Bel-Ami (1885), Mont-Oriol (1887), Pierre et Jean (1888), Fort comme la mort (1889), Notre cour (1890). Il meurt en 1893, après avoir tenté quelques mois plus tôt de se suicider et fait un séjour à la clinique psychiatrique du docteur Blanche, à Passy.

La syphilis, pour laquelle il fut sans doute soigné pour la première fois en 1877, gâcha sa courte existence. Plus qu'une lourde hérédité (sa mère, son oncle et son frère cadet souffrirent de troubles allant de l'hallucination à la foliE), elle explique ses nombreuses crises et surtout l'enfer où il vécut durant ses derniers mois. On se gardera de donner une coloration trop autobiographique au Horla, conte écrit à la première personne et sous forme de journal dans sa seconde version (« J'ai envoyé aujourd'hui le manuscrit du Horla; avant huit jours vous verrez que tous les journaux publieront que je suis fou », aurait prédit Maupassant en 1886). Le motif littéraire de la folie est en effet répandu à cette époque, les progrès de l'expérimentation médicale permettant de renouveler la mode du fantastique et l'obsession du double chères aux romantiques.

Faut-il, dans l'abondante production de récits brefs de Maupassant, distinguer ses Contes et ses Nouvelles? Nous l'avons signalé à propos de Mérimée (voir supra p. 92) : la frontière entre les deux genres est incertaine. Dans l'introduction à son édition de la « Bibliothèque de la Pléiade », Louis Forestier range parmi les nouvelles les récits où l'anonymat du narrateur permet que se développe un monde aux multiples personnages, avec des lieux variés et une durée traitée souplement; ces nouvelles « diffèrent du roman, en dehors d'un resserrement évident, par une organisation convergente de leurs divers éléments vers un effet final à produire ». Les contes « se présentent comme un récit oral et nécessitent la participation intense d'un narrateur». L'édition complète des Contes et nouvelles procurée par L. Forestier suit néanmoins l'ordre chronologique de publication des récits en quotidiens ou revues, Maupassant ne s'étant soucié que pour des raisons commerciales de les réunir au fur et à mesure en recueils, intitulés du nom de la première ouvre. Le temps lui manqua pour qu'il donne cette édition générale et raisonnée dont il semble avoir eu le dessein. Aujourd'hui, les éditions partielles organisent les recueils de manière plutôt thématique : Apparition, recueilli par Maupassant dans Clair de lune, figure souvent dans un recueil. Le Horla, que Maupassant avait composé différemment, tandis que Boule de suif, parue séparément, est groupée avec d'autres récits de guerre dans Mademoiselle Fiji, qui intitula d'abord un autre recueil.



Si Boule de suif est une longue nouvelle, Pierre et Jean est un court roman : la première est en effet concentrée autour d'un épisode (le «sacrifice» patriotique d'une dame de petite vertU), tandis que le second évoque en raccourci la destinée de deux frères. Parfois, une brève nouvelle se trouve orchestrée à l'intérieur d'un roman, à moins que pour des raisons prosaïquement alimentaires, Maupassant ne publie aDrès coup un épisode figurant déjà dans un roman; ainsi du Saut du berger, anecdote tragique incluse dans Une vie. Conteur, nouvelliste ou romancier : ces distinctions typologiques ne gagnent guère en rigueur à la lecture de Maupassant. Une philosophie pessimiste se dégage de l'ensemble de son ouvre, particulièrement sensible dans Une vie, don! le rythme alangui, épousant la monotonie de l'existence de Jeanne, contraste le mieux avec l'art de l'ellipse et de la chute soudaine pratiqués dans la plupart des contes. L'héroïne, malheureuse en ménage sans donner, telle Emma Bovary, le soupçon qu'elle'a pu le mériter, y figure une émouvante image de la condition féminine. Les victime^ de Bel-Ami, surnom de Georges Duroy, bellâtre normand dénué de scrupules qui réussit à Paris dans le journalisme, sollicitent moins l'indulgence. Bel-Ami est sans doute l'ouvre où Maupassant avoue le mieux ses attaches avec le naturalisme : la peinture des appétits grossiers des personnages, la description de lieux sordides où les mauvaises odeurs se chargent d'une connotation morale, l'analyse volontiers déterministe des comportements en font le plus « expérimental » de ses romans.



Joris-Karl Huysmans



Charles-Marie-Georges Huysmans (voir supra p. 143) se donna pour prénoms Joris-Karl afin de marquer, outre son ascendance hollandaise, sa préférence pour les pays du Nord et leur peinture, celle de Rubens en particulier. Le Drageoir à épices (1874), devenu Le Drageoir aux épices l'année suivante, recueil de proses brèves d'un flâneur parisien, un peu dans la manière des poèmes en prose de Baudelaire, Marthe (1876), Les Sours Vatard (1879), dédié à Zola, En ménage (1881), À vau-l'eau (1882), apparentent Huysmans, par l'observation des médiocrités de la vie quotidienne, au réalisme des Goncourt plutôt qu'au mouvement naturaliste, auquel il se rattache officiellement, si l'on peut dire, en publiant un court texte. Sac au dos, dans le recueil des Soirées de Médan. Sa divergence avec Zola à propos du talent de Gustave Moreau nous a laissé pressentir l'éclatante rupture, affirmée par À rebours. Huysmans a lui-même raconté comment un jour de juillet 1884, deux mois après la publication de son roman, Zola et lui s'étaient rencontrés à Médan : « Il me reprocha le livre, disant que je portais un coup terrible au naturalisme, que je faisais dévier l'école, que je brûlais d'ailleurs mes vaisseaux avec un pareil roman, car aucun genre de littérature n'était possible en ce genre épuisé en un seul tome, et, amicalement - car il était un très brave homme, - il m'incita à rentrer dans la route frayée, à m'atteler à une étude de mours.» («Préface écrite vingt ans après le roman », 1903.) Zola n'admettait pas que des Esseintes (héros inspiré à Huysmans par le comte de Montesquiou. qui fournira aussi de nombreux traits à Proust pour le portrait du baron de Charlus dans -4 la recherche du temps perdU) pût être aussi « vrai » que les personnages des Rougon-Macquart, composés suivant une réflexion scientifique et inscrits dans un milieu copié d'après nature.



Vivant comme dans une serre, parmi les livres et les parfums, cultivant à l'écart du vulgaire les sensations rares, des Esseintes est un héros décadent, « fin de siècle », que son raffinement exacerbé conduit aux limites extrêmes de l'angoisse. On peut, pour le rattacher au naturalisme, lire A rebours comme l'étude clinique d'une névrose; mais l'absence d'intrigue, la coupure qui sépare le héros et les réalités sociales, l'analyse des minuscules monstruosités d'une imagination déréglée qui n'exclut pas forcément la sympathie, mettaient définitivement Huysmans à l'écart du mouvement.

Barbey d'Aurevilly, rendant compte d'À rebours, rappela ce qu'il avait dit à Baudelaire après la publication des Fleurs du mal : « Il ne vous reste plus, logiquement, que la bouche d'un pistolet ou les pieds de la croix. Baudelaire choisit les pieds de la croix.» Et Barbey concluait : «Mais l'auteur d'À rebours les choisira-t-il? » Il les choisit, l'année de la publication de Là-bas (1891). L'abbé Mugnier, qu'il avait pris comme directeur de conscience, note à son propos dans son Journal, au 28 mai 1891 : « Il vient d'écrire Là-bas, un livre satanique, plein de messes noires. Il voudrait écrire un ouvrage dans la note opposée. Mais pour l'écrire, il désirerait se transformer, en finir avec certaines habitudes [...] "Un moine manqué", disait de lui sa compagne. » Cette compagne est Berthe Courrière, maîtresse de Remy de Gourmont, qui avait présenté Huysmans à l'abbé. Entre-temps, Huysmans avait écrit En rade (1886), qui ne le rapprochait qu'en apparence du naturalisme : la retraite campagnarde où Jacques Maries et sa femme se réfugiaient avait en effet pour conséquence de déchaîner la délirante imagination du héros. Nulle équivoque possible avec Là-bas, inauguré par une charge contre le naturalisme : «Vouloir se confiner dans les buanderies de la chair, rejeter le supra-sensible, dénier le rêve, ne même pas comprendre que la curiosité de l'art commence là où les sens cessent de servir! » Le héros, Durtal (double de l'auteuR), explore les forces extrêmes du Mal en écrivant l'histoire des crimes de Gilles de Rais. Mais le lecteur retrouvera Durtal converti dans En route (1895), La Cathédrale (1897) et L'Oblat (1903). La «cathédrale» est celle de Chartres, où se réconcilient pour le visiteur les vertus de l'art, dont l'ouvre de Huysmans avait donné auparavant une image inquiétante et tourmentée, et les vertus de la foi.






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